Psychologie

Témoignage: Quand le cancer attaque l'enfance

Témoignage: Quand le cancer attaque l'enfance

  Photographe : Lucila Perini | agoodson.com

Psychologie

Témoignage: Quand le cancer attaque l'enfance

Au printemps de mes huit ans, j’ai appris que je souffrais d’une leucémie aiguë myéloblastique. Même si je me suis physiquement battue contre cette maladie, le plus gros combat s'est livré entre mes deux oreilles. Souvenirs déterrés.

Je jouais dans la cour d'école lorsque je me suis évanouie devant mes camarades de classe, le corps bouillant de fièvre. Appelés d’urgence, mes parents m’ont conduite à l’hôpital, où j’ai passé une batterie de tests.

Le verdict est tombé deux semaines plus tard: je devais amorcer des traitements de chimiothérapie à l’Hôpital de Montréal pour enfants, car j’avais un cancer du sang. Les questions se sont aussitôt bousculées dans mon esprit. Aurai-je mal? Pourrai-je encore jouer avec mes amis? Vais-je mourir? 

«À l’hôpital, l’enfant fait souvent face à des facteurs de stress qui peuvent lui donner le sentiment de perte de contrôle, affirme la Dre Leandra Desjardins, clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine. Afin d’aider l’enfant à s’adapter à la situation, le parent doit lui dire que c’est normal d’avoir peur, d’être triste ou fâché et qu’il peut se permettre d’accueillir ces émotions. Le parent peut aussi rétablir pour lui une certaine routine et lui offrir des occasions simples de reprendre un peu de contrôle, comme lui faire choisir le verre avec lequel il avalera sa pilule.»

Dans mon cas, j’ai été envahie par un sentiment d’impuissance et, surtout, d’injustice. Tout au long de mon parcours de soins, je ne comprenais pas pourquoi les médecins décidaient presque tout à ma place et pourquoi je devais rester enfermée dans ma chambre. Mais le plus gros choc, je l’ai eu en voyant ma chevelure noire tomber progressivement sur mon oreiller blanc... jusqu’à ce que je devienne complètement chauve. Devant mon apparence, un inconnu avait même osé me traiter de «garçon manqué». J’avais pleuré en cachette, ce soir-là...

Ça m’a pris deux ans pour terminer mes traitements de chimiothérapie et reprendre une vie «presque normale». J’écris «presque normale», car aucun cancéreux ne sort indemne d’une telle épreuve. La Dre Desjardins le reconnaît: «Avoir le cancer est une expérience traumatisante. Certains jeunes font des cauchemars ou évitent des personnes et des endroits associés à un événement douloureux. Une fois de retour à la maison, ils doivent s’accorder le temps nécessaire pour se réadapter à la vie quotidienne, tout en acceptant les changements qui se sont produits à l’intérieur d’eux depuis l’annonce du diagnostic.»

Aujourd’hui, même si je suis «guérie» depuis 2002, les séquelles demeurent bien présentes dans mon esprit, à la manière d’une plaie ouverte. Elles continuent de teinter ma vision (trop souvent) fataliste des choses. Par exemple, au moindre signe de fièvre, je pense d’emblée souffrir d’une nouvelle maladie grave. Dès que je perds le contrôle d’une situation, au travail, je me sens menacée et je panique, car je repense aux médecins qui décidaient tout pour moi. Même dans l’intimité, je m’ouvre difficilement à l’autre, car j’ai honte de montrer mes trois cicatrices laissées par une opération, qui témoignent de mon passé et de ma vulnérabilité.

Pour me réadapter au quotidien, j’ai longtemps cru que je devais enfermer ces souvenirs dans un des tiroirs de mon esprit. J’ai passé sous silence mon histoire pour jouer la fille forte, inébranlable... Mais en faisant cela, j’ai produit l’effet contraire: je me suis affaiblie, car j’entretiens toujours plusieurs peurs de l’époque. Plus encore, je reste figée dans des mécanismes de défense inconscients, comme la répression et la régression.

«En règle générale, les jeunes voient leurs préoccupations diminuer considérablement avec les années, indique la Dre Desjardins. Mais ce n’est pas le cas pour tous. S’ils souffrent, ils doivent se tourner vers les nombreuses ressources existantes.»

Afin de me libérer du poids de mon passé, je compte entamer une thérapie. Ce ne sera pas chose facile, mais je garde espoir en mes capacités. Après tout, si je me suis «guérie» une première fois avec l’aide des spécialistes, pourquoi n’y arriverais-je pas une seconde fois?

 

 

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