Psychologie

Comment apprivoiser doucement son anxiété

Comment apprivoiser doucement son anxiété

  Photographe : iStock

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Comment apprivoiser doucement son anxiété

Elle ne deviendra peut-être pas notre meilleure amie, mais il faut arrêter de la voir comme l’ennemie à éliminer. 

Car, bien que ce soit surprenant pour celles qui cohabitent avec elle, l’anxiété est d’abord et avant tout une source d’information sur nous. Et si l’on voyait les choses un peu différemment?

 

Christine, 45 ans, a toujours mené de front sa carrière en communication, sa vie familiale avec deux ados et ses engagements dans différents projets, le tout avec aplomb et énergie. Du moins, en surface. «Un jour, j’ai cru mourir en faisant mon épicerie. Une immense bouffée de chaleur m’a envahie. Je sentais le sol se dérober sous mes pieds. Mon cœur s’est emballé. J’ai vraiment cru que j’allais m’effondrer sur place. J’ai laissé mon panier en plein centre d’une rangée et je suis sortie en courant», raconte-t-elle, comme si c’était un épisode encore un peu irréel. Pourtant, cette crise de panique a été une révélation pour elle. «J’ai compris que j’avais tassé mon anxiété dans un coin, et que là, je ne pouvais plus me mentir: je n’allais pas si bien que ça», ajoute-t-elle.

Si Christine parle au passé, c’est que, depuis, elle ne cherche plus à éliminer l’anxiété ou à faire comme si elle n’existait pas. Elle l’a apprivoisée. Doucement. Lentement. À petits pas, comme autant de petites victoires qui lui ont redonné confiance.

 

Plusieurs visages

Au Québec, près d’une personne sur deux se dit anxieuse, selon un sondage Léger paru en 2019. Et l’on peut penser que la pandémie, qui n’était alors même pas dans le portrait, a fait gonfler ces chiffres. Les sources de mal-être sont diverses et presque sans fin (origine génétique ou traumatique, déséquilibre chimique dans le cerveau, etc.).

Pour Sonia, l’anxiété grimpe quand elle doit prendre la parole devant un public ou même devant sa patronne. Pour Samia, c’est plutôt la peur d’être malade qui la tient réveillée en pleine nuit, tandis que pour Suzanne, ce sont ses nombreuses responsabilités qui lui tordent les boyaux du matin au soir. Juliette, quant à elle, doute constamment d’elle-même, craignant les gaffes, les faux pas, les oublis.

«Il est important de ne pas confondre le stress et l’anxiété, indique My-Linh Diep, formatrice et consultante spécialisée en santé mentale chez Gestion santé Continuum. Le stress est une réaction physique à une menace réelle et imminente. Dans le cas de l’anxiété, même si la menace est écartée, le cerveau l’interprète encore comme étant réelle, ce qui prolonge le sentiment de détresse de façon démesurée.»

Les troubles anxieux couvrent un large éventail et peuvent prendre plusieurs formes. L’anxiété sociale se manifeste par un inconfort quand on se trouve entouré de personnes ou encore quand on se sent constamment jugé, observé par les autres. L’anxiété de performance renvoie à une peur excessive de l’échec et à une obsession de réussite, tandis que l’anxiété généralisée (TAG ou trouble anxieux généralisé) se caractérise par des inquiétudes excessives sur de nombreux sujets ou activités.

L’anxiété est une souffrance. Toutefois, l’intensité ressentie diffère d’une personne à l’autre. Sur les flots de l’anxiété, chacun est dans une embarcation distincte. Certains naviguent en yacht, d’autres en chaloupe ou encore sur un petit radeau. Certaines personnes ont davantage de prédispositions que d’autres. Si des symptômes entravent nos activités quotidiennes, il est nécessaire de consulter un professionnel de la santé ou un psychologue. Comme il n’existe pas de recette universelle, ce sera à lui de nous dire si notre état exige une médication ou non.

 

Une bête à dompter

L’anxiété fait partie de nos vies. Et plutôt que de vouloir l’enrayer complètement, il faudrait apprendre à mieux composer avec elle. «Cet état est normal et souhaitable. Il est intimement lié à notre survie. Il nous permet de réagir devant certaines situations et nous aide à être performant», explique la psychologue Ariane Hébert.

Lutter contre l’anxiété n’est pas non plus une solution, même si c’est souvent notre premier réflexe. À la vue d’un mammouth, que faisaient nos ancêtres préhistoriques? Ils combattaient ou ils fuyaient (le fameux «fight or flight»). Désormais, nos options sont plus nombreuses, moins polarisées. L’anxiété nous informe. Elle nous envoie des messages, mais encore faut-il les détecter et apprendre à les lire pour retrouver un certain mieux-être.

 

Des signaux à décoder

Plus on est apte à reconnaître les premiers signes de notre anxiété, meilleur on sera pour appliquer des stratégies préventives. Voici certains indicateurs nous signalant que notre anxiété est sur le point de venir gâcher la fête:

  • Les sensations physiques: palpitations, sueurs, tremblements, etc.
  • Les pensées: notre discours intérieur, le hamster qui tourne dans notre tête, nos pensées souffrantes et nos inquiétudes.
  • Les émotions: le découragement, l’injustice, la peur, la déception, etc.
  • Les comportements: certaines actions ou certains gestes posés de façon souvent inconsciente: se ronger les ongles, taper du pied, etc.

Trop souvent, on cherche à supprimer immédiatement l’inconfort ou à étouffer le ressenti. Attention! Si on règle la situation à court terme, on ne s’évitera pas les impacts à moyen et long terme. La docteure en psychologie Amélie Seidah le rappelle: «Ce à quoi on résiste persiste. Par ailleurs, mettre toute son énergie à résister, c’est considérer l’anxiété comme étant anormale, donc en avoir une perception très négative. Il vaut mieux choisir de mettre son énergie là où on a du contrôle.»

Bien que l’anxiété soit incommodante, il faut se rappeler qu’elle ne dure qu’un moment, un moment qui va passer, comme tous les autres. Pour mieux cohabiter avec l’inconfort, Mme Seidah propose d’utiliser la méthode ROC – un acronyme facile à retenir – qui nous propulse dans le moment présent et nous aide à y voir plus clair.

 

La méthode ROC

Ralentir

On prend un peu de recul afin de détecter les premiers signaux et, surtout, on se garde bien de fuir ou de résister.

Observer

On nomme ce qui arrive («Je sens une raideur dans mon cou», «Je me sens découragée», «Je suis en train de tourner ma bague frénétiquement»). On observe ce qui se passe dans notre tête et dans notre corps en faisant des liens avec la situation survenue. On peut aussi écrire ce que l’on ressent. L’acte de mettre en mots a un effet apaisant. Dans notre cerveau, la partie préfrontale, responsable du raisonnement, des inhibitions et de la prise de conscience s’active, ce qui atténue du même coup l’inconfort dans notre corps.

Choisir

On opte pour une stratégie aidante plutôt que de laisser l’anxiété décider à notre place.

 

anxiété

© Unsplash | Joice Kelly

 

Des stratégies à essayer

Pour apprivoiser notre anxiété, une approche d’autocompassion est de rigueur. Et on l’applique avec bienveillance. Oui, le mot est en vogue, et pour cause: la bienveillance nous enjoint à mettre de côté notre sens autocritique trop pointu, notre tendance aux jugements rapides et le ton acerbe de notre discours intérieur.

Voici quelques stratégies à privilégier:

1. On évite de classer nos émotions.

On sort du carcan positif-négatif. Nos émotions sont toutes légitimes. On tente de comprendre ce qu’elles nous transmettent comme messages, sans les juger.

2. On ne mélange pas les torchons et les serviettes.

Attention de ne pas tout associer à l’anxiété. Quand on en souffre, on tend à lui attribuer toutes nos sensations et nos soucis sans prendre le temps d’y réfléchir. Ça devient un réflexe. Il se peut qu’on soit plus en colère ou plus fatigué qu’anxieux.

3. On s’ancre dans le présent.

Posons-nous la question: «Dans les deux heures qui viennent, puis-je faire quelque chose pour changer la situation?» Si la réponse est non, on prend conscience du fait que la panique n’aidera personne, ni nous ni les autres. «On ne peut pas contrôler nos réactions physiques ou nos pensées, mais on peut choisir la manière dont on accueille ces signaux. Et il faut le faire avec ouverture et compassion. C’est bien assez souffrant de vivre avec l’anxiété, on n’a pas à en rajouter», estime la psychologue Amélie Seidah.

4. Nos pensées ne sont pas des faits.

On s’entraîne à détourner nos pensées envahissantes et paralysantes vers d’autres avenues. Si on se dit: «Je suis certain que ce souper de famille sera une catastrophe», on se met dans des dispositions pour que ce soit effectivement le cas. Si c’est ce qui nous vient en tête, on essaie de formuler d’autres possibilités plus encourageantes, telles que: «L’ambiance sera détendue», «Je peux m’asseoir avec ma belle-sœur pour me sentir bien», etc.

5. On joue au «jeu du patron».

Se met-on beaucoup de pression? Se donne-t-on des objectifs que même Wonder Woman n’arriverait pas à atteindre? Comme patronne, est-ce qu’on trouverait réaliste de demander ça à nos employés? Si la réponse est non, on baisse nos exigences d’un cran.

6. On évacue la peur.

«Si je n’avais pas peur de me tromper/d’avoir l’air original/de prendre la parole, qu’est-ce que je ferais?» On énumère toutes les possibilités. On va jusqu’au bout de chacune de nos idées. On a tendance à imaginer le pire des scénarios? Accueillons-le, mais essayons ensuite d’imaginer le meilleur, celui où tout irait super bien! Envisager différentes options peut nous donner envie de les explorer.

7. On surveille le ton de notre discours intérieur.

Si on avait à réconforter une personne qu’on aime beaucoup, que lui dirait-on et comment le ferions-nous? On doit avoir le même élan affectueux envers nous-même qu’envers une personne qui nous est chère. Inutile de rajouter une couche de souffrance en se jugeant, en se blâmant ou en étant dur envers soi.

8. On se téléporte au paradis.

On sent la panique s’installer? On ferme les yeux et on visualise une image qui nous apaise (un lieu aimé, un voyage rêvé, etc.). On entraîne notre esprit à se propulser ailleurs pendant quelques secondes. Parfois, c’est suffisant pour se calmer et ramener les idées qui partent en vrille. On crée une galerie de photos dans notre téléphone pour nous inspirer.

9. On s’expose de façon graduelle.

Si parler devant nos collègues fait grimper notre anxiété, plutôt que de tout faire pour éviter que ça arrive, on fonce, mais tout doucement: «Je vais prendre la parole au moins une fois, cette semaine.» On ne vise pas l’impossible pour notre première tentative. «En s’imposant de petits défis, on évite de s’endurcir dans nos croyances anxieuses», explique Ariane Hébert. «C’est en osant l’inconfort à petites doses que la confiance se bâtit», ajoute Amélie Seidah.

10. On répertorie nos stratégies gagnantes.

Chaque fois qu’on réussit à surmonter notre anxiété, on l’écrit dans un petit carnet ou dans notre téléphone. «En m’y rendant dès l’ouverture, j’ai réussi à faire l’épicerie tout seul», «Prendre cinq inspirations dans une cabine des toilettes du bureau m’a aidé à me calmer», etc.

11. On demande de l’aide.

Il se peut qu’une stratégie ayant fonctionné une journée soit un échec le lendemain. Si toutes nos tentatives sont infructueuses, on appelle une personne significative, un organisme d’aide ou encore un professionnel de la santé. 

 

 

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