13 ans et plus
Son corps, son choix: témoignage d'une maman d'ado
Photographe : Anne Villeneuve
Mon adolescente adore jouer avec son apparence et tester toutes sortes de tenues vestimentaires.
Certains parents pourraient désapprouver en jugeant son allure «indécente». J’ai plutôt choisi de la laisser libre de s’afficher comme elle le souhaite.
Chandail très court. Jeans taille basse. Espadrilles à semelles compensées. Ongles bleus. Oreilles percées deux fois plutôt qu’une. J’ai une fille de 13 ans qui aime la mode. Elle n’est pas la seule: dans son groupe d’amies, son attirail est habituel, voire commun.
Porter une attention particulière à leur look est typique des jeunes filles de cet âge. Coquette, la mienne se maquille en faisant ressortir ses attraits. Je la trouve belle... avec ou sans maquillage. Elle le sait, et ne sentant aucune pression ni réprobation de ma part ou de celle de son père, elle alterne: tantôt, c’est visage nu, tantôt, maquillé légèrement et tantôt, arborant des fards glam.
«Ça ne te dérange pas qu’elle s’habille ainsi? Qu’elle se maquille? Elle est jeune...» Ce genre de remarques, et toutes leurs variantes plus ou moins abrasives, je les entends.
Sauf que...
Sauf que je me définis comme féministe. Ce que j’inculque à ma fille (et à mon fils aussi), c’est qu’on peut être ce que l’on veut, comme on l’entend. Je m’efforce de prôner tous les jours que les femmes peuvent et doivent être indépendantes, autonomes, libres à tous les égards, affranchies des regards et sans étiquettes.
Ce discours, si je veux être cohérente, je dois aussi l’appliquer aux goûts du moment de mes ados. Or on a sexualisé le corps des jeunes filles dans notre société. Une bretelle spaghetti, un ventre affiché, un décolleté, le haut de la cuisse... Ça y est! C’est «trop». Inconvenant. De mauvais goût. Vulgaire.
«Tout ça est très subjectif, dit Laurence Desjardins, sexologue. C’est lié à nos valeurs et à nos critères personnels... Il faut se demander: ça vient d’où? On se base sur quoi? Est-ce lié à des idées judéo-chrétiennes qui ramènent le concept de pudeur? Comme si la sexualité était mal...»
J’ai décidé de choisir mes batailles. Certaines valeurs sont importantes dans notre famille: l’ouverture d’esprit, le respect, l’empathie, la gentillesse. La liberté aussi — mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a aucune règle!
À l’école, par exemple, mon adolescente porte l’uniforme. Elle doit se conformer. Comme d’autres élèves, il lui arrive de s’opposer à son habillement scolaire. Mais elle se range... tout en testant les limites du système. Je ne la félicite pas de ses écarts, mais je ne la gronde pas non plus. N’est-ce pas là l’essence de l’adolescence?
Pour la sexologue Laurence Desjardins, le respect des règles établies par l’établissement scolaire est important — mais il faut que ce soit logique, sans quoi les jeunes trouveront la faille. Et contesteront. «Il faut faire attention aux justifications qu’on donne, explique-t-elle.
Prenons l’exemple d’une étudiante qui roule sa jupe pour qu’elle devienne très courte. Si on intervient auprès de l’adolescente et qu’on explique que c’est pour une question de confort, ça va. Si on dit que c’est pour ne pas déranger les garçons, ça risque de ne pas passer.»
Là où j’appuie ma fille sans réserve, c’est lorsqu’elle riposte pour des raisons d’égalité: ce qui s’applique aux filles au sujet de l’uniforme doit s’appliquer aux garçons, fait-elle valoir.
Je constate alors que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre... et, surtout, que cette génération se bat pour ouvrir d’autres chemins. La moindre des choses est de l’écouter.
Maude Goyer est journaliste, chroniqueuse et mère de deux adolescents libres (sous supervision).