Loisirs et culture

Histoire et contenu de la Charte: un regard plus attentif

Histoire et contenu de la Charte: un regard plus attentif

  Photographe : The Walrus

Loisirs et culture

Histoire et contenu de la Charte: un regard plus attentif

La Charte canadienne des droits et libertés est, de l’avis général, un élément essentiel de la démocratie canadienne. 

Elle est également célébrée dans le monde entier comme l’une des plus grandes réalisations de notre pays.

Inscrite dans la partie 1 de la Constitution du Canada le 17 avril 1982, la Charte canadienne énonce les droits et libertés qui sont garantis à toute personne résidant au Canada. Au cours des quatre dernières décennies, elle a servi à protéger ces droits et libertés contre les violations gouvernementales.

À l’occasion de son 40e anniversaire, nous examinons de plus près le rôle que la Charte canadienne des droits et libertés a joué — et continue de jouer — dans la défense, le renforcement et l’avancement des droits de la personne au Canada et ailleurs.

 

 

TRACER LA VOIE

Un bref historique de la création de la Charte canadienne

Souvent décrite comme notre grand unificateur national, la Charte canadienne des droits et libertés en est venue à représenter l’indépendance du Canada en tant qu’entité pleinement autonome par rapport au gouvernement britannique.

Dès le début, la nouvelle Constitution et la Charte qui en découle avaient moins pour but le patriotisme que la protection des Canadiens contre leurs gouvernements ici au pays. Avant la promulgation de la Charte, les lois commençaient et se terminaient avec le Parlement, avec peu d’interférence de la part des tribunaux lorsqu’il s’agissait de violations potentielles des droits de la personne.

Par conséquent, l’histoire du Canada est truffée d’initiatives visant à opprimer les minorités, de la Loi sur les Indiens du XIXe siècle à la Loi sur l’immigration chinoise de 1900 (et la taxe d’entrée qui y était associée), en passant par l’internement des Canadiens ukrainiens pendant la Première Guerre mondiale et des Canadiens japonais pendant la Deuxième Guerre mondiale.

En vertu de la longue tradition britannique de suprématie parlementaire, toutes ces pratiques ont été jugées légales et exécutoires. La promulgation de notre propre Constitution et son enchâssement dans une Charte étaient la seule façon de protéger tous les Canadiens contre le pouvoir de l’État.

 

 

POSER LES BASES

En 1960, la Déclaration des droits est adoptée par le premier ministre John Diefenbaker. Il s’agit d’une tentative historique du gouvernement fédéral de protéger les droits de la personne et les libertés civiles des Canadiens. Toutefois, elle s’est rapidement révélée inefficace.

Ne s’appliquant qu’aux lois fédérales, la Déclaration des droits ne bénéficiait pas de la participation cruciale des provinces, dont les compétences englobent les commissions scolaires, la propriété foncière, les municipalités et les ressources naturelles. Elle était également trop limitée dans la portée de ses libertés, avec peu de flexibilité pour étendre ces libertés. Sur les trente-quatre contestations de la Déclaration des droits qui se sont frayé un chemin entre les tribunaux provinciaux inférieurs et la Cour suprême entre 1960 et 1982, seules cinq ont abouti. (Par comparaison, il y a eu soixante-trois contestations de la Charte en 1984 seulement, dont quatre ont été couronnées de succès).

Tout au long de ses multiples mandats en tant que premier ministre (à partir de 1968), Pierre Trudeau a beaucoup réfléchi à la conception d’une constitution qui inclurait à la fois une formule d’amendement et de nouvelles protections des droits de la personne. Lorsqu’il est revenu au poste de premier ministre en 1980, il a entrepris ce projet pour de bon.

 

 

RÉUNIR LA BANDE DES HUIT

The Walrus

© The Walrus

Les provinces et les premiers ministres de la bande des huit étaient: Sterling Lyon (MB), Peter Lougheed (AB), John Buchanan (NS), Bill Bennett (BC), René Lévesque (QC), Allan Blakeney (SK), Angus MacLean (PEI), Brian Peckford (NFLD). 

La Charte a été introduite au cours d’une période de tension majeure dans tout le pays. En effet, en 1980, le Canada était en proie à la récession et des grèves avaient éclaté en Colombie-Britannique. Entre-temps, le tout nouveau Programme national de l’énergie avait été introduit en Alberta pour nationaliser la propriété du pétrole canadien, ce qui a fait baisser la concurrence des marchés américains et, par conséquent, le prix du pétrole. Et sous la direction du premier ministre du Parti québécois René Lévesque, le Québec a évité de justesse un «Quexit» complet, le non ayant remporté 59,56 % des voix.

Bien que l’idée d’une Constitution modifiée et d’une Charte ait reçu l’appui des premiers ministres de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, les autres premiers ministres étaient plus difficiles à convaincre. À leur avis, l’adoption d’une charte constitutionnelle signifiait l’abandon des pouvoirs provinciaux à des juges non élus. Cela signifiait également imposer unilatéralement des lois dans des provinces où elles n’avaient pas nécessairement de sens — comme le droit à l’éducation dans la langue de la minorité au Québec (où, craignait Lévesque, le français serait dilué) ou en Colombie-Britannique (où le français n’est pas couramment parlé).

Bien que motivés par des objectifs différents, les premiers ministres se sont regroupés et se sont appelés la «bande des huit». Ils ont lancé une campagne médiatique, ont fait du lobbying auprès des parlementaires britanniques et ont poursuivi le gouvernement fédéral devant les tribunaux, portant la contestation constitutionnelle en appel jusqu’à la Cour suprême.

En septembre 1981, la Cour suprême a statué que le rapatriement et la modification de la Constitution étaient considérés comme légaux, mais très peu conventionnels. Il fallait donc un consensus entre les provinces.

 

 

L’ACCORD DE CUISINE

C’est ainsi que débute une conférence houleuse de quatre jours à Ottawa. Après trois jours de négociations inefficaces entre le gouvernement fédéral et les premiers ministres provinciaux, l’équipe de Trudeau — composée du procureur général de la Saskatchewan Roy Romanow, du procureur général de l’Ontario Roy McMurtry et du ministre de la Justice de l’époque Jean Chrétien — se réunit dans la cuisine du Centre de conférences du gouvernement dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981 pour discuter de son offre finale.

Sous la direction de Jean Chrétien, chargé de négocier et de rédiger le texte de la Charte, les trois hommes se disputent les clauses et les réécritures. Il avait été clairement établi que Trudeau ne céderait pas sur les droits des minorités linguistiques, mais le trio soupçonnait qu’il pourrait céder sur l’inclusion d’une clause dérogatoire, qui permettait aux gouvernements fédéral et provinciaux de passer temporairement outre à certains droits de la Charte dans des cas précis. Trudeau a confirmé leur intuition.

Tard ce soir-là, ils ont envoyé leur offre finale aux premiers ministres provinciaux en fonction de qui pourrait être influencé, qui pourrait convaincre un collègue de signer et qui pourrait être endormi ou éveillé pendant que le projet circulait. Les tractations entre les groupes se poursuivent jusqu’au petit matin, mais Lévesque est notamment tenu à l’écart des discussions. Se sentant trahi lorsqu’il en prend connaissance le lendemain, il qualifiera l’événement de «nuit des longs couteaux».

Mais la fureur de Lévesque ne change rien au fait qu’au cours de cette nuit-là, un accord, qui sera connu sous le nom d’«Accord de cuisine», est conclu. Toutes les provinces, sauf le Québec, acceptent le rapatriement et une Charte des droits et libertés.

 

 

RÉÉCRIRE NOS DROITS

Les premiers ministres provinciaux (à l’exception de Lévesque) s’étant finalement ralliés à la cause, le Canada s’achemine rapidement vers sa nouvelle Constitution. Des individus et des groupes de citoyens sont apparus pour faire pression en faveur de leurs propres intérêts. Le Comité ad hoc des femmes canadiennes sur la Constitution réintègre dans la Charte une clause garantissant l’égalité de traitement et de protection entre les sexes.

Des groupes autochtones se sont également réunis pour faire valoir leurs droits dans la Charte, en organisant des manifestations dans tout le pays. En conséquence, l’article 35 de la Loi constitutionnelle (qui ne fait pas partie de la Charte, mais commence la partie II de la Constitution) mentionne, entre autres, les accords de revendications territoriales, l’égalité des sexes pour les droits des Autochtones et la participation à la conférence constitutionnelle.

En avril 1982, la reine Élisabeth II a signé la Loi constitutionnelle, donnant au Canada le contrôle de sa Constitution et transformant la Charte en loi. La Charte allait définir les valeurs des Canadiens et permettre au pays de cimenter — avec une certitude législative, à chaque tournant — nos droits fondamentaux et en constante évolution.

 

 

QU’Y A-T-IL DANS LA CHARTE? UN REGARD PLUS ATTENTIF

Il y a sept groupes de droits et libertés protégés par la Charte:

Les libertés fondamentales

Elles comprennent les libertés de religion, de conscience, de croyance, d’expression et de réunion pacifique.

Droits démocratiques

Les individus ont le droit de voter lors d’une élection gouvernementale et de faire entendre leur voix.

Droits à l’égalité

Toute personne a droit à une protection égale de la part du gouvernement, sans discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, la religion, le sexe, l’âge ou le handicap.

Droits linguistiques

Le français et l’anglais ont un statut égal dans tous les instituts et services du gouvernement du Canada.

Droits légaux

Toute personne au Canada qui fait l’objet d’une enquête, d’une détention ou d’une accusation criminelle doit être traitée équitablement pendant les procédures judiciaires.

Droits à l’instruction dans la langue de la minorité

Les personnes qui parlent la langue de la minorité dans leur province ont le droit de recevoir un enseignement public dans cette langue, si le nombre le permet.

Droits à la mobilité

Les Canadiens peuvent entrer au pays, y rester et le quitter en grande partie sans intervention gouvernementale, et peuvent vivre et travailler dans n’importe quel endroit de leur choix au Canada.

 

 

LA ROUTE VERS LA CHARTE: CHRONOLOGIE EN BREF
 

The Walrus

© The Walrus

 

La Charte canadienne des droits et libertés ne contient que 34 articles ou clauses.

Les vingt-quatre premiers articles décrivent les principaux droits et libertés de la Charte. Les dix autres articles portent sur le fonctionnement de la Charte.

 

 

Comment fonctionne la charte (en bref)

Les lois adoptées par le gouvernement ne peuvent pas violer les droits et libertés énoncés dans la Charte. Si une loi controversée est adoptée, il revient aux tribunaux canadiens de décider si cette loi viole les droits de la Charte.

La Charte ne régit que le gouvernement et les employés du gouvernement; les violations des droits de la personne par des entités privées ne sont pas protégées par la Charte. 

 
Applicable à tous

Bien que le Québec n’ait pas encore signé la Constitution, la Charte des droits et libertés s’applique à toutes les provinces et à tous les territoires.

 

La clause dérogatoire

L’article 33 de la Charte contient la clause dérogatoire, qui permet aux gouvernements fédéral et provinciaux du Canada d’adopter des lois qui dérogent à certaines parties de la Charte pour une durée de cinq ans ou moins.

 

Pour plus d’informations, visitez le site thewalrus.ca.
 

À LIRE AUSSI:
Partage X
Loisirs et culture

Histoire et contenu de la Charte: un regard plus attentif

Se connecter

S'inscrire