Travail

L’ambiance au travail vous pourrit-elle la vie?

L’ambiance au travail vous pourrit-elle la vie?

Auteur : Coup de Pouce

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L’ambiance au travail vous pourrit-elle la vie?

Une bonne ambiance au boulot, c'est capital. Selon une récente enquête du magazine Jobboom, c'est la valeur la plus importante pour les travailleurs québécois, hommes et femmes confondus. Un résultat qui étonne peu quand on sait qu'elle agit directement sur la motivation: tant que l'ambiance est bonne, on est contente d'être au travail et on réagit aux petits pépins sans se démoraliser. Pourtant, selon l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, seulement 20 % des entreprises peuvent se vanter d'offrir un très bon ou excellent climat de travail. Autrement dit, la majorité des bureaux, usines ou commerces pourraient être plus agréables à vivre!

«Les ambiances de travail agréables dépendent de trois facteurs principaux, dit Natalie Bertrand, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) à la tête de la firme de conseil en ressources humaines Gestion Mieux-Être: de bonnes relations entre les employés, des consignes claires pour chacun et des équipements adéquats.» Et derrière cela, un facteur très important: une bonne communication. Une équipe où les gens communiquent bien - et où l'apport de chacun est reconnu - risque moins d'être affectée par des délais serrés, des difficultés économiques ou un équipement peu performant.

La qualité de la direction pèse également lourd dans l'ambiance d'un bureau, d'un commerce ou d'une usine parce que ce sont les patrons qui expliquent aux employés les objectifs à atteindre et leur fournissent l'encadrement et les outils dont ils besoin. «J'ai démissionné l'année passée parce que j'étais tanné de l'inaction de mon grand patron, qui ne prenait pas les décisions qui s'imposaient, raconte Martin, qui travaillait à l'époque comme représentant chez un installateur de câbles de télécommunication. Mon supérieur immédiat était incompétent et nous faisait perdre des contrats. Le grand patron était au courant, mais il ne faisait rien pour régler la situation, malgré nos plaintes répétées. Nous avions l'impression que notre travail ne servait à rien et nous n'avions aucun recours. Toute l'équipe était démotivée!»

Un point important à retenir: une mauvaise ambiance, par définition, est une perception partagée. En clair: l'insatisfaction est généralisée. C'est la grande différence entre une atmosphère viciée et une insatisfaction personnelle: si on est seule à trouver que les équipements ne sont pas adaptés ou que nos tâches ne sont pas claires, la situation est probablement due à une frustration qui nous est propre ou à un conflit de personnalité plutôt qu'à une mauvaise ambiance.

 

«Il y a cinq grands types de réactions possibles quand on est confronté à une situation problématique au travail», explique Fernand Bélair, CRHA, en citant les travaux de Kenneth Thomas et Ralph Kilmann. Certaines personnes auront tendance à éviter la situation, parce qu'elles trouvent que cela n'en vaut pas la peine ou parce qu'il est trop tôt pour se prononcer. D'autres n'hésiteront pas à affirmer leurs besoins, sans nécessairement tenir compte des autres. «Affirmer clairement ses besoins peut être approprié quand on confronté à une situation urgente ou dangereuse», dit Fernand Bélair. On met alors son poing sur la table et on refuse d'aller plus loin. À l'opposé, on peut tout céder, sans aucune résistance. «Cela vaut la peine lorsque l'enjeu est plus ou moins important pour soi, mais très important pour l'autre», dit M. Bélair. Cela devient alors un choix stratégique: on met cette faveur en banque et... on la réclame plus tard. Finalement, on peut faire un compromis pour le bien de l'équipe ou collaborer à une solution convenant à tous.

Des effets désastreux

«Les personnes qui ont le malheur de travailler dans une mauvaise ambiance se sentent mal traitées ou mal gérées et deviennent méfiantes entre elles et envers leurs supérieurs», explique François Courcy, professeur au département de psychologie de l'Université de Sherbrooke et spécialiste des comportements antisociaux et de la santé psychologique au travail. Concrètement, cela provoque un désengagement des employés, qui n'ont plus de plaisir à rentrer au boulot. Le taux de roulement monte en flèche, de même que les absences dues à la maladie. Sans compter que peu d'employés sont capables de donner leur 100 % dans un environnement malsain où tout le monde se sent plus ou moins à l'aise.

Ces tensions au boulot ont des répercussions sur notre santé physique et psychologique. On peut devenir impatiente, voire anxieuse. Et fatiguée. «Être régulièrement stressé ou frustré nous gruge beaucoup d'énergie», dit François Courcy. Ce stress constant nous épuise et affaiblit notre système immunitaire. Résultat, on attrape tous les microbes qui passent. «Toutes nos faiblesses physiques ressortent: si on est sensible aux migraines ou aux maux de dos, par exemple, ces problèmes de santé surviennent plus fréquemment», ajoute M. Courcy. Même nos relations familiales peuvent écoper. Quand on arrive à la maison tendue, fatiguée et irritable, on est moins attentive aux enfants ou à chéri et bien moins patiente!

Les facteurs qui pourrissent l'ambiance

Les causes suivantes sont parmi les plus fréquentes.

1. La confusion règne. La direction communique peu ou mal, les objectifs de l'entreprise sont confus, tout comme le rôle et les responsabilités de chacun et les attentes des supérieurs. «Ce manque de communication est la meilleure façon d'engendrer des conflits entre employés. Comme rien n'est clair, chacun y va de son interprétation et tire la couverture de son côté», dit M. Bélair.
Suzanne en sait quelque chose. Cette technicienne en architecture dans la trentaine travaille depuis près de 10 ans dans un petit bureau d'architectes en Estrie. Ces derniers mois, les choses se sont gâtées. «Le partage des tâches parmi les membres de l'équipe n'était plus clair, dit-elle. Quand nous recevions un contrat, notre patron expliquait à chacun de nous, de manière individuelle, le rôle que nous y jouerions. Personne, sauf lui, ne savait sur quoi les autres travaillaient. Résultat, on ne savait plus à qui s'adresser si on pressentait une difficulté dans le projet», dit-elle. Cela a engendré de nombreux malentendus et amené les employés à se méfier les uns des autres.

2. On est en terrain de guerre. Cela va de soi: un endroit où les employés s'évitent ou médisent les uns des autres à l'heure de la pause n'est pas un milieu propice à une bonne ambiance. Certes, il y a des mégères qui diront du mal de leurs collègues qu'importe où elles travaillent. Mais les patrons y ont aussi souvent leur part de responsabilité: en faisant preuve de favoritisme envers certains employés, par exemple, ils créent une rivalité entre les membres de leur équipe.

«Il y a deux cliques dans l'entreprise où je travaille, dit Pierre-Yves, machiniste depuis près de quatre ans dans une PME qui fabrique des pièces pour l'industrie aéronautique: ceux qui ont la faveur des patrons, et les autres. Je fais partie du deuxième groupe, ceux que les patrons n'apprécient pas.» Les «chouchous» ont le droit d'étirer subtilement leur pause et, lorsqu'il y a une possibilité de faire des heures supplémentaires, ils sont évidemment les premiers à en entendre parler. «En échange, ils bavassent au patron, continue-t-il. Cela crée un climat de méfiance. On ne sait plus ce qu'on peut dire à qui. Une fois, un employé a dit à un chouchou qu'il se cherchait un emploi ailleurs et ce dernier l'a répété au boss!»

3. On manque de moyens pour faire notre travail. Négocier tous les jours avec des délais trop courts ou des équipements désuets n'est guère réjouissant. «Si on n'a pas les outils nécessaires pour s'acquitter de nos tâches, on se sent mal géré, on se démotive et on devient méfiant envers nos supérieurs», dit François Courcy.

Vanessa a travaillé un peu plus d'un an dans un organisme sans but lucratif très connu. «Les délais pour réaliser les projets étaient toujours très courts, se rappelle la travailleuse de 32 ans, alors webmestre et spécialiste de réseaux sociaux. Il y avait une compétitivité malsaine entre les employés: tout le monde voulait de l'aide pour terminer son projet dans les temps, mais personne ne s'entraidait parce que chacun était déjà débordé. Cela a aussi affecté l'estime que je me porte: les attentes de ma directrice étaient irréalistes, mais je me sentais imbécile de ne pas arriver à y répondre.»

4. Notre entreprise connaît des difficultés financières. Pas facile d'avoir le moral quand l'année n'a pas été bonne et que des rumeurs de mises à pied circulent. Surtout si la direction tient les employés dans le noir sur la suite des choses. Bref, terminée l'ambiance hop-la-joie si on ne sait pas ce qu'il adviendra de nous ou de nos collègues. «Quand on ignore qui sera le prochain à être mis à pied, certains se désengagent et se mettent à chercher du travail ailleurs, alors que d'autres donnent leur maximum pour garder leur place. Cela engendre évidemment des tensions!» note François Courcy.

«On était une grosse équipe assignée à plusieurs contrats différents, se rappelle Annie, 37 ans, de son premier emploi en communications. Un jour, on a perdu un contrat majeur et la moitié de l'équipe s'est retrouvée sans emploi. Après deux semaines, on nous a rappelés pour un nouveau contrat, qui a achoppé au bout d'un mois. Une dizaine d'entre nous avons été retournés à la maison. Au troisième appel, plus personne n'avait envie de revenir et ceux qui sont demeurés travaillaient de façon insouciante, cherchant un emploi de façon continue, sachant que la porte était proche!» explique-t-elle.

Des solutions à notre portée

«Tout le monde est partiellement responsable du mauvais climat qu'il vit au travail», évoque François Courcy. Si notre réaction est de demeurer silencieuse, on risque de contribuer de façon indirecte à l'ambiance toxique. «Même si on ne participe pas directement aux hostilités, un conflit ne fait qu'empirer si on laisse le temps passer», dit Natalie Bertrand. Arriver le matin sans dire bonjour ni sourire ne contribue pas non plus à assainir l'atmosphère!

La bonne nouvelle? Il est toujours possible de poser quelques gestes pour améliorer la situation. «Un mauvais climat dans une entreprise ne signifie généralement pas que tout va mal, dit François Courcy. On peut s'appuyer sur ce qui va bien pour arranger le reste.» «Il ne s'agit pas de tout prendre sur ses épaules, mais on doit comprendre que, si on ne participe pas à la solution, on fait partie du problème; bref, il faut prendre ses responsabilités», ajoute Natalie Bertrand. Avant de se plaindre (encore une fois) du patron ou de notre voisin de bureau, on commence donc par prendre nos responsabilités!

1. On fait le point. On évalue ce qui nous dérange vraiment: le manque criant de moyens, un collègue qui ne fait pas sa part ou le patron qui ne voit rien? On n'oublie pas de regarder nos propres actes: est-ce qu'on a tendance à médire du patron ou à ignorer sciemment certaines collègues? Pour démêler le tout, on s'observe et on reste attentive à nos perceptions et nos émotions.

2. On en jase. Au travail, on vérifie nos impressions auprès des collègues de la manière la plus neutre possible. On leur demande si on est vraiment la seule à trouver que les tâches de l'équipe sont mal définies, qu'une telle a plus de latitude et d'avantages que les autres ou que les équipements sont complètement dépassés, par exemple.

3. On se confie. Si on veut plutôt se vider le coeur, on se garde de le faire au boulot pour ne pas empirer une situation déjà difficile. «On se confie plutôt à un membre de notre famille, à des proches ou au programme d'aide aux employés (PAE), dit Natalie Bertrand. Cela aide à ventiler, à mieux cerner ce qu'on ressent et à relativiser.»

4. On amasse les preuves que l'ambiance au boulot est nocive. On note avec précision la date et l'heure des événements dont on est témoin et qui nous dérangent. «Je gardais un calendrier détaillé de mon emploi du temps, dit Vanessa. Quand ma supérieure me refilait un "autre" dossier prioritaire, je l'intégrais à mon calendrier, mais j'indiquais aussi clairement les tâches que je devais repousser. Si elle me reprochait plus tard de ne pas avoir complété un mandat donné dans les temps requis, j'avais en main tous les arguments dont j'avais besoin!»

5. On en parle à la bonne personne. On a intérêt à s'adresser directement - et calmement - à notre supérieur ou au grand patron. «J'ai attendu plusieurs mois avant de parler à mon directeur, reconnaît Suzanne, la technicienne en architecture. Mais quand un dossier particulièrement mal engagé a atterri sur mon bureau, je lui ai fortement suggéré que les responsabilités de chacun soient couchées sur papier. Il l'a fait et cela a beaucoup aidé.»

6. Si on est chef d'équipe, on tend l'oreille. On doit être vigilante afin de détecter toute problématique avant que l'ambiance se détériore. «Si on pressent qu'il y a un problème dans un département - par exemple, personne ne s'y parle ou la productivité y est en chute libre -, on va voir sur le terrain ce qui se passe ou on interroge les employés avec un sondage anonyme ou lors d'entrevues», dit Florent Francoeur, CRHA et président-directeur général de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

7. On relativise. On se protège aussi en prenant nos distances: on se rappelle que le boulot n'est pas toute notre vie, mais une partie de celle-ci. On réduit donc les heures supplémentaires et on arrête de penser au travail pendant nos heures de repos. On s'investit plutôt à fond dans notre vie familiale ou dans une ou deux activités qui nous tiennent à coeur, comme le théâtre ou le sport.

8. On ne balaie pas la situation sous le tapis. La personne qui «attend que ça passe» accumule souvent les frustrations. «De plus, ne jamais s'impliquer si-gnifie aux autres que nous sommes désengagés du travail et que rien de ce qui y arrive nous importe vraiment», note M. Bélair. Si on voit qu'on ne peut rien y faire, qu'on a tout essayé et que notre santé physique et psychologique est en danger, vaut mieux songer à partir.

Pour une meilleure ambiance

  • Bien dans son job, c'est possible!, par Berveley Kaye et Sharon Jordan-Evans, SF, 2010, 192 p., 30,95 $.
  • Comment désamorcer les conflits au travail, par Ghislaine Labelle, Transcontinental, 2005, 176 p., 24,95 $.
  • Petit atelier du mieux-être au travail, par Béatrice Millêtre, First, 2010, 224 p., 28,95 $.
  • Psychologie au bureau: bien gérer ses relations de travail, par Boris von der Linde et Svea Steinweg, Ixelles, 2010, 159 p., 6,95 $.

 


 

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