Psychologie

Toujours là, mais jamais présente!

Toujours là, mais jamais présente!

  Photographe : Marie-Eve Tremblay | Colagene.com

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Toujours là, mais jamais présente!

«Oui, bien sûr, je serai là!», «Rater ton party? Jamais!», «Attendez-moi, j’arriverai vers 20 h!». Ça, c’est moi devant l’éventail toujours croissant des invitations et des propositions de sorties.

Comme je ne sais pas dire non, mais que je ne peux pas me téléporter ou me multiplier, je m’accroche à mon téléphone comme si ma vie en dépendait.

Heureusement (c'est selon), l’hyper-connectivité me donne l'impression que je suis de tous les événements. Certains diront que je suis une girouette des temps modernes, toujours sur une patte, toujours essoufflée. Ou plus exactement, que je suis atteinte du syndrome de FOMO (Fear of Missing Out), que l’on peut traduire par cette fameuse peur de rater quelque chose. 

En cherchant à être partout à la fois, je ne suis bien nulle part. Le soir, quand je me glisse dans mes draps, je me sens tiraillée, le cœur déçu et fatigué de cette course folle. Aurais-je dû aller au party de ma collègue au lieu de la réunion traditionnelle des cousines? Ai-je fait le bon choix en acceptant le réveillon du 31 chez des amis au lieu de le passer en famille? Si j’allais aux deux?

«Le FOMO n’est pas un phénomène nouveau, il est simplement de plus en plus intense à cause de nos modes de vie en accéléré. Comme notre rapport au temps a changé, on manque de stabilité et l’on est en transformation constante», explique Christine Lemaire, auteure de La surchauffe de nos agendas: vivre le temps autrement (Fides) et doctorante de l’Université de Montréal dont les recherches portaient sur... le rapport au temps. Épuisant programme qui implique son lot de doutes, de remises en question, de culpabilité et de déceptions! «On est toujours en train de réviser nos propres choix et nos attentes. Comme nos expériences et nos connaissances sont constamment en voie de péremption, on n’arrive pas à savoir si l’on est à jour», précise la spécialiste.

Cet état d’incertitude fait en sorte qu’on dévalue nos décisions et qu’on se sent constamment insatisfait. Sans compter que cela exacerbe notre peur d’être mis à l’écart si l’on n’est pas dans le coup. Résultat: on dit «oui» à tout. «On ne se ferme jamais de portes», lance Christine Lemaire. Et ce n’est pas que dans le temps des fêtes que les symptômes du FOMO sont observables: on dort avec notre cellulaire sur la table de chevet, on parcourt d’innombrables comptes Instagram au réveil, on regarde nos courriels en vacances, on pratique le «rattrapage» de séries télé en enregistrant trois émissions à la fois, on fractionne nos soirées pour pouvoir faire plus de choses, etc.

Mais l’illusion de tout faire n’est vraiment qu’une illusion, justement. Rares sont les personnes qui ont le sentiment de s’accomplir, de se réaliser véritablement en courant à droite et à gauche. En ne faisant que quelques pas sur chaque chemin, on ne va jamais au bout de rien. Ce constat m’a tenue réveillée des nuits durant. Pour contrecarrer notre tendance à ne vouloir rien louper, Christine Lemaire propose d’effectuer une priorisation de nos besoins et de nos valeurs. «Le philosophe Sénèque disait: “Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va.” Aujourd’hui, on pourrait actualiser sa phrase par: “Il n’y a pas de bon choix pour celui qui ne sait pas ce qu’il veut”», illustre l'experte. Pour choisir, il faut impérativement savoir ce qui est important pour nous.

Concrètement, chaque fois qu’on doit prendre une décision, on peut se poser la question: «À quoi je dis “oui” quand je dis “non”?» Quand je dis non à un 5 à 7 avec des amis, je dis surtout oui à une sortie avec mon ado, parce que je sais que ces moments deviendront de plus en plus rares. Et quand survient un moment de doute – parce qu’il y en a! – je reviens à cette question qui me permet de braquer le projecteur sur ce que j’ai et non sur ce que j'ai raté.

Cette pirouette mentale est libératrice, je vous le jure. Depuis, je me répète cette phrase comme un mantra. Et c'est ainsi que j'effectue tranquillement la transition du FOMO au JOMO, le «Joy of Missing Out». C'est vraiment le plus beau cadeau que je puisse m’offrir à Noël. Reprendre le contrôle sur mon temps et mes décisions. Me donner les outils pour être satisfaite et accomplie. Éprouver la sensation que je ne dépends plus de la techno, mais que je l’utilise sainement.

Alors, père Noël, oublie la pile rechargeable portative que j’avais commandée, s’il te plaît. Je veux un X, un gros X, pour planter mes deux pieds dessus, pour me sentir vivante et heureuse au bon endroit, au bon moment. Promis, je vais l’utiliser... Désormais, j’ai moins peur de faire des choix, et je les assume totalement.

 

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