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Les rituels funéraires: morts et enterrés?

Les rituels funéraires: morts et enterrés?

? Istockphoto.com Photographe : ? Istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

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Les rituels funéraires: morts et enterrés?

L'enterrement traditionnel au cimetière, précédé de trois jours d'exposition, d'une cérémonie religieuse et d'une réception à la maison, est de plus en plus rare. Les rites codifiés par l'Église catholique n'ont plus la cote. On veut maintenant des funérailles qui nous ressemblent, plus courtes et plus colorées, à l'image de ce qu'a été notre vie ou de ce qu'on aurait voulu qu'elle soit.

«Les gens sont en pleine recherche de nouveaux rituels, lance Marc Poirier, président de la Corporation des thanatologues du Québec. Les funérailles doivent maintenant ressembler le plus possible à la personne qu'était le défunt. Il n'est pas rare qu'on ait à installer près du cercueil des skis, des bâtons de golf ou même une motocyclette. On a même déjà transformé un cercueil en cache pour la chasse aux canards», explique celui qui est aussi vice-président aux opérations à la maison funéraire Magnus Poirier.

En Californie, une maison funéraire a vite fait de mettre à profit cette quête du sens en offrant quatre forfaits de funérailles «nouveau genre». Un forfait disco permet de quitter ce monde dans une atmosphère des années 70 avec piste de danse et musique. Le cabaret, quant à lui, présente un départ plutôt rigolo avec magicien et humoriste. La fête foraine permet aux survivants de tenter leur chance à des jeux d'adresse, tandis que le bien cuit offre aux parents et amis de «passer au gril» l'être cher.

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Porter grand-mère au doigt

L'excentricité des dernières volontés est sans limites. Une société française propose maintenant de transformer l'être aimé en bijou funéraire. Quelque 500 grammes de carbone prélevés sur les cendres suffisent pour créer un «diamant» éternel et nous permettre de porter grand-mère à notre doigt!

«Sur le plan psychique, ce bijou est terrible!» lance Luce Des Aulniers, anthropologue, auteure et professeure au Centre d'études sur la mort de l'Université du Québec à Montréal. «Le bijou funéraire, comme les cendres gardées à la maison, décollectivise la mort de la personne et la mort au sens large. Un peu comme si l'on disait, inconsciemment, que le défunt n'avait existé que dans sa relation avec soi», ajoute-t-elle, préoccupée que les rituels funéraires se détachent ainsi de leur ancrage collectif.

Depuis 2001, il est aussi possible d'envoyer dans l'espace ou sur la lune les cendres de notre bien-aimé. Un autre extrême qui serait, selon Mme Des Aulniers, l'extension de l'éparpillement des cendres dans la mer. «Le deuil est un travail de mise à distance de l'autre, mais on doit faire une place aux morts pour permettre aux autres de vivre. Il faut laisser un lieu propre aux morts, un lieu collectif de leur conservation et de leur mise en mémoire. Les cimetières jouent un rôle important dans notre paysage urbain. Ils nous rappellent que la mort existe!»

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Le travail de deuil

À trop vouloir personnaliser les rituels funéraires, ne risque-t-on pas de les dénaturer, de saboter certaines étapes du deuil? «Les membres de la nouvelle génération reviennent à certaines pratiques, indique M. Poirier. Leurs parents ne leur ont pas laissé le temps de dire au revoir à leur grand-père avant qu'il ne finisse dans l'urne. Ils s'en souviennent et ne veulent plus que le corps du défunt disparaisse aussi vite», ajoute-t-il, en précisant qu'ils optent quand même pour des funérailles courtes et pratiques.

Le deuil, Jennifer Vary en sait quelque chose. En 2006, elle a perdu son fils de deux ans et tenait absolument à lui offrir des funérailles dignes de ce nom. «Dans l'avis de décès de notre fils, nous avons spécifié que nous ne voulions recevoir aucun bouquet funéraire, uniquement des fleurs aux couleurs vives et joyeuses ainsi que des animaux en peluche. À la sortie de la chapelle, nous avons invité les gens à prendre chacun un ballon de couleur et un ballon blanc pour les envoyer à notre fils après l'envolée des colombes», raconte celle dont le drame a inspiré un livre sur le deuil qui paraîtra prochainement.

Mme Vary se dit très satisfaite, dans le malheur, d'avoir eu la force d'organiser quelque chose qui lui ressemble et qui a honoré son fils. «Le rituel funéraire est un moment fort du travail de deuil, croit Mme Des Aulniers. Pour entrer dedans, il faut faire des choix et poser des gestes concrets en lien avec l'affection portée à l'être disparu. C'est à travers le mal qu'on se donne qu'on amorce véritablement le deuil, qu'on accueille la réalité de la mort.»

Les funérailles idéales seraient donc à mi-chemin entre les volontés du défunt et celles des survivants. Pas facile de mourir autrement qu'en tenant compte du deuil de chacun. «Tout est dans le respect de ses valeurs et de ses croyances», conclut Jennifer Vary.

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