Psychologie
Édito décembre 2016: À bas les cadeaux!
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Psychologie
Édito décembre 2016: À bas les cadeaux!
Je pense que les cadeaux empoisonnent le temps des fêtes. Voilà, c’est dit. Je sais, c’est une opinion radicale et peu partagée, si j’en crois les exclamations horrifiées qui jaillissent généralement quand j’ose la professer.
Mais pensez-y. Dans son texte Non à l’avalanche de cadeaux! (page 88), Maude Goyer rapporte que les ménages québécois dépensent en moyenne 375$ pour les cadeaux de Noël. Avec cet argent, on pourrait se payer un somptueux forfait hôtel et spa; huit sorties en amoureux au cinéma (combo popcorn inclus); un billet d’avion pour New York. Est-on vraiment à l’aise de consacrer autant de sous à cette tradition? Surtout quand les achats sont faits à crédit et reviennent nous hanter une fois la frénésie des fêtes passée?
Si on abandonnait les cadeaux, on réduirait aussi d’au moins 75% le temps passé dans des centres d’achats en décembre. Ne serait-ce pas exceptionnellement bénéfique pour notre santé mentale? À cette période où on pédale déjà pour se préparer à recevoir ou à faire de la route pour être accueillis ailleurs, n’avons-nous pas assez à faire?
«Mais si on n’offre plus de cadeaux, on n’en recevra plus non plus!» diront certaines. Bon, soyons entièrement franches: quel pourcentage de cadeaux reçus dans une vie nous plaisent totalement, mieux que si on les avait choisis nous-mêmes? Bien sûr, on est reconnaissante que quelqu’un ait pris la peine de trouver ce cadeau pour nous. Mais pour chaque présent qu’on chérit vraiment, combien de trucs laisse-t-on croupir au fond d’un garde-robe, incapable de s’en débarrasser «parce que c’est un cadeau», mais peu tentée de le sortir parce qu’il ne nous dit rien? Et pour chaque cadeau provenant d’une sincère intention de faire plaisir, combien d’autres sont manifestement faits par obligation, choisis sans trop de soin? J’ai déjà vu un échange de Noël où chacun avait acheté une carte cadeau à son destinataire. Pour l’aspect «J’ai vraiment cherché à te faire plaisir», c’était plutôt moyen...
Avec les enfants, c’est plus délicat. Je n’oserais jamais déclarer que le père Noël ne passera plus chez nous: j’ai trop peur du choc que ça créerait à ma progéniture. Mais si mes enfants demandent «Va-t-on avoir des cadeaux?» chaque fois qu’on va chez quelqu’un en hiver, n’est-ce pas un signe que les occasions où ils en reçoivent sont un peu trop nombreuses?
Quand ma fille était en maternelle, j’ai fait comme tous les autres parents et j’ai préparé des cadeaux pour son enseignante et son éducatrice de service de garde. Dans la carte accompagnant celui de l’éducatrice, je l’ai remerciée pour un geste qu’elle avait posé pour aider ma fille en début d’année. Au retour des fêtes, l’éducatrice m’a dit avec émotion à quel point ce mot l’avait émue. Et ce n’est qu’au moment où je passais la porte qu’elle m’a lancé: «Oh, et merci aussi pour le cadeau!» Cette anecdote m’a marquée. Depuis, je mets plus de temps sur les bons mots, et moins sur les objets.
Évidemment, je me fais un peu l’avocate du diable dans cet édito. Je sais bien que les cadeaux procurent de la joie à certains, et c’est tant mieux (je ne suis pas totalement Grinch, tout de même!). Mais si la corvée des cadeaux vous pèse, que vous aimeriez la limiter au maximum et que vous rêvez même qu’elle disparaisse, dites-vous que vous n’êtes pas seule. À force de dire à voix haute qu’on n’en peut plus de ce magasinage forcé, on finira par redonner aux cadeaux le sens qu’ils devraient toujours avoir: l’expression sincère — et spontanée — d’une envie de faire plaisir à quelqu’un qu’on aime.
Claudine St-Germain
Rédactrice en chef
Décembre 2016