Psychologie
Édito avril 2017: L'argent, c'est plate
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Psychologie
Édito avril 2017: L'argent, c'est plate
Alors que je travaillais sur notre dossier L’argent et nous (page 54), une réflexion m’a traversé l’esprit: il y a des similitudes entre nos comportements liés à la santé et ceux liés à l’argent. Dans les deux cas, on sait très bien quels sont les bons gestes à poser: manger beaucoup de légumes, respecter nos moyens, faire de l’exercice, épargner pour notre retraite... On sait aussi ce qu’il ne faut pas faire: manger ses émotions, magasiner pour se détendre, succomber à l’appel du fast-food, s’acheter un luxe «parce qu’il était en solde»... Et les deux peuvent engendrer des sentiments complexes et contradictoires: plaisir, culpabilité, stress, satisfaction, vulnérabilité...
Le mois passé, je vous faisais remarquer que les diététistes répètent depuis des années les mêmes conseils, que peu de gens suivent réellement. La même constatation s’applique aux conseillers financiers. Faire un budget, prévoir un coussin d’épargne pour parer aux imprévus et épargner suffisamment pour la retraite: vous avez déjà entendu ça? Si oui, levez la main celles qui appliquent ces principes à la lettre!
Les spécialistes se désolent de constater que les femmes ne font pas plus d’efforts pour veiller à leurs intérêts financiers. Je suis 100% d’accord quand ils disent que c’est essentiel de le faire. Mais, comment dire... bon sang que je trouve ça plate! Après cinq minutes passées devant une conseillère qui me parle de fonds d’investissement, je n’ai qu’une envie: signer n’importe quoi pour mettre fin au supplice. Renouveler l’hypothèque, acheter des REER, choisir un régime d’assurance: autant d’activités qui sont pour moi aussi passionnantes qu’une visite chez le dentiste. Une chance que je n’ai pas la fibre dépensière très élevée; ça rend mon cas moins désespéré, monsieur McSween?
Paradoxalement, j’angoisse à l’idée de me retrouver démunie, avec ce qu’il restera des CHSLD comme seule option quand je serai vieille. En bonne représentante de la génération X, j’ai grandi en me faisant dire que, quand mon tour viendrait, il ne resterait plus un rond dans les caisses de retraite. Pourquoi cette perspective ne m’a-t-elle pas poussée à engraisser soigneusement mon bas de laine? Peut-être parce que j’ai tendance à procrastiner.
Peut-être parce qu’il y a toujours des besoins plus pressants à court terme. Mais peut-être aussi que ce n’est pas seulement un problème individuel: c’est peut-être parce qu’on vit dans un monde qui valorise bien plus les dépenses que l’épargne. Après tout, notre système économique est basé sur la consommation de masse. Si on décidait collectivement de ne dépenser que pour l’essentiel et qu’on mettait le reste de nos sous dans nos comptes d’épargne, l’impact économique serait tel que c’est toute notre société qu’il faudrait repenser...
Et on en revient à la comparaison avec la nutrition: on a beau soupçonner que l’industrie alimentaire est en partie responsable de notre dépendance au sucre, c’est quand même à nous qu’il revient de réduire notre consommation de glucides. De même, ce n’est pas parce qu’on est incitée chaque jour à dépenser qu’il faut renoncer à contrôler nos finances. Même si ça implique plein de tâches plates...
Claudine St-Germain
Rédactrice en chef
Avril 2017