Psychologie

Décider, ça me stresse!

Décider, ça me stresse!

Auteur : Coup de Pouce

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Décider, ça me stresse!

On a à peine prononcé le mot indécision que Patricia, 30 ans, rigole: Indécise pourrait être son second prénom. Ou presque. Au resto, elle commande toujours la dernière. Au magasin, choisir lui demande un temps fou. Quand arrive le moment de prendre une décision importante, elle tourne et retourne longtemps la situation dans tous les sens avant d'y voir clair. «C'est chronique: dans tout, partout, je n'arrive jamais à me décider!» s'exclame cette mère de deux jeunes enfants.

«C'est terriblement énergivore, poursuit-elle. Ça enlève beaucoup de spontanéité et d'harmonie au quotidien. Au secondaire, je souffrais déjà d'insécurité. Pour ne pas avoir à prendre de décision, je suivais toujours les autres. En vieillissant, j'ai voulu m'assumer davantage dans mes choix, mais je suis devenue une véritable indécise. J'étais plus autonome... mais à quel prix? Toute ma vie d'adulte, j'ai connu l'indécision. C'est encore pire depuis que j'ai des enfants: j'ai constamment peur de faire les mauvais choix pour eux.»

Question d'époque ou de personnalité?
Mal contemporain, l'indécision? «Difficile à dire. Ce qui est clair, c'est qu'on vit dans un univers plus vaste, aux mille possibilités. Au travail ou dans nos loisirs, dans nos achats comme dans nos amours, on a vraiment plus de choix qu'il y a 50 ans», constate Lucie Mandeville, psychologue et professeure à l'Université de Sherbrooke.

Avec l'explosion d'Internet, la masse d'informations disponible ajoute encore à ces nombreuses options, ce qui peut compliquer drôlement les choses lorsqu'on doit acheter un téléviseur, se décider pour un emploi ou même... choisir nos amis!

Certaines personnalités risquent-elles d'avoir plus de difficultés à prendre des décisions? «On ne peut pas dire qu'il y a un seul type de personne indécise. Nos hésitations peuvent varier selon certaines sphères de la vie: on peut être indécise sur le plan amoureux et pas du tout dans notre vie professionnelle», souligne Isabelle Falardeau, psychologue et auteure de l'ouvrage Sortir de l'indécision.

Certains traits de caractère semblent cependant influencer notre capacité à choisir efficacement. Par exemple, une personne très perfectionniste a souvent du mal à trancher, car elle craint de ne pas choisir la meilleure option. Une autre, anxieuse, ressent une telle crainte de se tromper qu'elle repousse la prise de décision. En fait, la peur s'avère très paralysante quand vient le temps de se décider: peur de décevoir ou de fâcher quelqu'un, ou encore peur de l'inconnu, surtout quand la décision est importante ou qu'elle aura un effet sur plusieurs personnes.

Chez Annie, 39 ans et mère de trois enfants âgés de 16, 4 et 3 ans, la perspective d'un déménagement a déclenché une véritable crise d'indécision. «Habituellement, je ne suis pas indécise, mais une fois la pancarte "À vendre" plantée devant la maison, j'ai reculé. Pendant une semaine, on a repensé à tout ça. J'hésitais à déraciner les enfants. J'ai hésité, ne sachant pas quoi faire. Finalement, on est allés de l'avant, et j'en suis heureuse aujourd'hui!»Des stratégies à essayer
Évidemment, si on est placée devant un choix comportant des répercussions à long terme ou touchant des proches, on risque d'être davantage déchirée que lorsqu'on hésite au resto le midi entre le poulet et les pâtes.

Après son aventure, Annie a développé son propre système pour arriver à trancher sans trop de déchirements. Quand elle doit prendre une décision importante, elle fait la liste des pour et des contre de chaque option. Ensuite, elle demande conseil à quelques personnes autour d'elle, puis elle se fait sa propre idée et agit.

Selon Isabelle Falardeau, c'est un bon truc, en autant qu'on consulte des gens en qui on a confiance et qu'on ne se sent pas obligée de choisir ce qu'ils suggèrent. «L'important, après avoir demandé conseil, c'est de se recentrer sur notre boussole intérieure», ajoute-t-elle.

Cependant, cette façon de faire ne convient pas à toutes. Amélie, 29 ans, avait l'habitude de sonder tout son entourage lorsqu'elle faisait face à un dilemme. Au lieu de l'aider, la démarche augmentait sa confusion. «J'ai arrêté ça. C'est moi qui vivrai avec les conséquences de mes choix, aussi bien me faire confiance et prendre mes décisions toute seule», explique la jeune femme, qui se définit comme une indécise chronique. «J'ai aussi essayé d'évaluer les pour et les contre. Ça ne m'aidait pas: je suis excellente pour en trouver exactement le même nombre dans chaque colonne!»

Elle a donc choisi d'assumer son indécision. «J'aime mieux en rire, poursuit-elle. Depuis que j'ai dédramatisé la situation, je me sens mieux. Je peux passer 15 minutes devant l'étalage des petits pois avant de choisir quelle conserve acheter. Je sais, c'est ridicule! En amour, je peux laisser traîner une relation qui ne va plus. Je n'arrive pas à décider de couper les ponts, je laisse aller jusqu'à ce que le lien se brise tout seul.» Elle l'avoue: tout serait plus simple si les événements et les gens pouvaient décider à sa place.

La thérapeute Isabelle Nazare-Aga recommande tout de même d'utiliser une liste de pour et de contre quand il s'agit de prendre une décision importante. Cependant, pour qu'une telle liste soit utile, il faut pondérer chacun des éléments. «Tous les arguments ne se valent pas. Certains pèsent davantage, on doit en tenir compte», souligne l'auteure du récent ouvrage Je suis comme je suis.

Comment faire? Selon elle, on doit commencer par déterminer nos valeurs. Les arguments qui représentent nos valeurs les plus chères devraient peser plus lourd dans la prise de décision. «En y allant selon nos priorités, selon notre échelle de valeurs, les décisions se prennent plus vite», assure-t-elle.

Tous sont à peu près d'accord sur une chose: il faut d'abord et avant tout suivre ce que nous dicte notre coeur. Selon Isabelle Falardeau, au-delà de la méthode qu'on adopte pour s'aider à se décider, on gagne à être attentive à ce qu'on ressent, à ce que dit notre petite voix intérieure. Fréquemment, la réponse est là. Mais on ne l'écoute pas tout le temps. Ou pas tout de suite.

Danielle, 51 ans, peut en témoigner. Pour elle, l'indécision est une vieille compagne, toujours de la partie lorsqu'il est question de choisir. «Je suis ambivalente dans tout. Ça engendre de l'inconfort, un malaise qui m'habite tant et aussi longtemps que je n'ai pas choisi. Par exemple, j'ai mis beaucoup trop de temps à décider de divorcer. J'y ai pensé des années alors que la situation ne me convenait plus. Je luttais mais la partie était perdue d'avance: au fond de moi-même, je savais que le divorce était la seule solution.»Décider, ça s'apprend
Bonne nouvelle: l'indécision n'est pas que tiraillements et angoisses. Lorsqu'elle est passagère, elle serait même tout à fait saine. «Prendre une décision, c'est un peu comme faire un casse-tête: il arrive un moment où tout est mêlé. C'est généralement ce chaos que les gens tolèrent mal. Pourtant, c'est un passage obligé pour que tout redevienne plus clair», note Isabelle Falardeau. Pour s'exercer à devenir meilleure décideuse, on peut se fixer des objectifs réalistes. Par exemple, chaque jour, on fait au moins un choix dans un délai raisonnable, sans changer d'idée. On débute avec des trucs faciles, comme ce qu'on mangera pour le lunch ou les vêtements qu'on portera. Puis, on augmente la cadence et on fait des choix un peu plus importants de fois en fois. L'objectif: développer l'attitude du grand héron! «Cet oiseau a le comportement type d'un bon décideur, explique Isabelle Falardeau. Sur l'eau, il observe, impassible et, au moment opportun, il saisit son poisson. C'est cet équilibre qu'il faut viser lorsqu'on fait un choix. On laisse les idées émerger, on évalue les possibilités. Mais lorsque le temps est venu de trancher, on le fait sans attendre, avec assurance.»

Et si on regrette notre choix, doit-on s'empêcher de faire marche arrière sous prétexte qu'on essaie d'être moins indécise? «Pas du tout, répond Isabelle Nazare-Aga. Se dire "Tu l'as choisi, tu le gardes" lorsqu'une situation ne nous convient pas, c'est insensé. Et pas besoin d'attendre des mois avant de revenir en arrière.» Il faut cependant être consciente qu'il peut y avoir un prix à payer pour changer d'idée. «On ne reprendra pas exactement là où on a laissé avant de faire notre choix», précise Lucie Mandeville. Reste que, pour plusieurs, la marche arrière est rarement envisagée. «Je mets tellement de temps à me décider que, quand c'est fait, c'est du béton!» conclut Danielle.

Quelques trucs pour mieux décider
  • On choisit avec son coeur, puis avec sa tête: on écoute notre petite voix intérieure... mais on utilise notre tête pour s'assurer qu'on peut assumer la décision prise.
  • On se limite à un nombre fixe de personnes ou de sources à consulter pour nous aider à décider.
  • On minute nos décisions: si la décision est moins importante (choisir un restaurant, par exemple), on se donne 10 minutes, pas plus. Pour de plus grosses décisions (changer d'emploi, décider du sort d'une relation), on s'alloue un nombre de jours ou de semaines et on s'y tient.
  • On s'imagine avoir déjà pris la décision: par exemple, si on souhaite acheter une maison, on adopte pendant quelques semaines le budget qu'on aurait alors ou on effectue le trajet du travail à la nouvelle maison. On fait ensuite le bilan de l'expérience.

    Pour en savoir plus
  • Sortir de l'indécision, par Isabelle Falardeau, Septembre éditeur, 2007, 160 p., 24,95 $.
  • Je suis comme je suis, par Isabelle Nazare-Aga, Les Éditions de l'Homme, 2008, 256 p., 24,95 $.
  • Imparfaits, libres et heureux: Pratiques de l'estime de soi, par Christophe André, Odile Jacob, 2006, 480 p., 34,95 $.

    Merci à Lucie Mandeville, psychologue, pour sa collaboration.

    À lire également: Comment prend-on nos décisions? On fait le test!
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