Psychologie

Comment cesser de ruminer?

Comment cesser de ruminer?

  Photographe : iStock

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Comment cesser de ruminer?

On a tendance à croire que mâcher et remâcher une expérience douloureuse passée nous aidera à mieux la digérer. Eh bien, c’est tout le contraire!

Parce que la rumination mentale est inefficace pour régler nos problèmes, trouvons des façons de mettre en pause les films qu’on se repasse en boucle dans notre tête.

 

On n’a qu’à faire un petit sondage rapido auprès de son entourage pour réaliser que tout le monde flirte de près ou de loin avec la rumination mentale... Chaque fois qu’elle sort avec des amis, Ariane en a pour quelques jours à repasser l’ensemble de ses conversations dans sa tête en se demandant si elle a été à la hauteur. Quant à Hugo, c’est plus fort que lui: depuis deux ans, il repense fréquemment à ce qu’il aurait pu faire pour éviter sa séparation. Lorsqu’elle se met au lit, le soir, Marilyne ne peut s’empêcher de remettre en question les décisions qu’elle a prises au travail pendant la journée. Dès qu’elle a mal quelque part, Valérie se fait toutes sortes de scénarios catastrophes qui finissent en cancer ou en maladie incurable.

«C’est normal de ruminer. Il y a des situations, dans la vie, qui nous amènent à le faire. Le propre de l’esprit est de résoudre des problèmes. Il cherche des solutions pour se sentir mieux», nous rassure Frédérick Dionne, psychologue et professeur agrégé au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

 

Je rumine, nous ruminons

Telle la vache qui rumine, on remâche donc des événements passés pour tenter de mieux les digérer. «C’est une stratégie de régulation des émotions que tout le monde peut utiliser, mais certains y ont recours plus souvent que d’autres», nuance Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue clinicienne et professeure associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Certains traits de personnalité, tels que l’hypersensibilité et le perfectionnisme, sont d’ailleurs plus propices au ressassage des soucis, des regrets et des remords. «Les personnes hypervigilantes ont en effet plus de sources potentielles d’inquiétudes, de remises en question, et donc de ruminations», ajoute-t-elle. 

Les pensées qui tournent en boucle risquent aussi de devenir un scénario familier pour ceux et celles qui souffrent d’anxiété, de dépression, d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC) ou d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). «Chaque trouble de santé mentale apporte une couleur différente à la rumination, affirme Frédérick Dionne. L’anxiété sociale, par exemple, amène une suranalyse des événements sociaux passés pour déterminer si on a bien agi. Avec un TOC, on va ressasser des scénarios de notre journée qui sont liés à notre obsession. Tandis qu’avec un TSPT, on va se demander ce qu’on aurait pu faire autrement pour éviter le traumatisme.»

 

Le cercle vicieux de la rumination

Dans tous les cas, remâcher sans fin les mêmes pensées négatives ne donne rien de bon. Cela provoque un flot d’émotions négatives (tristesse, frustration, colère, honte, ressentiment) qui vont alimenter une vision négative de soi-même et un mal-être intérieur. Les personnes qui ruminent peuvent notamment avoir des problèmes de concentration et d’attention, d’insomnie, d’anxiété et de déprime. «La rumination est plus présente chez les gens déprimés et dépressifs, et celle-ci contribue à les rendre déprimés. C’est donc à la fois une cause et une conséquence de la déprime», souligne le professeur à l’UQTR.

On peut avoir tendance à croire que retourner dans sa tête la même histoire encore et encore nous permettra de trouver une solution à ce qui nous titille. Mais le grand paradoxe de la rumination mentale, c’est qu’elle est totalement inefficace pour résoudre une situation, préviennent les psychologues. «On est dans une pensée circulaire, c’est-à-dire qu’on tente mentalement de régler un problème, sans que ça donne lieu à des actions concrètes», explique Frédérick Dionne. «C’est une tentative de réguler nos émotions qui ne fonctionne pas vraiment», abonde dans ce sens la professeure associée à l’UQAM, qui collabore à divers projets de recherche portant sur la régulation des émotions, la mentalisation et les stratégies défensives émotionnelles.

Si les ruminations en viennent à prendre toute la place dans notre tête ou occasionnent de la détresse et nous empêchent de fonctionner au quotidien, c’est signe qu’il faut consulter un professionnel de la santé mentale, comme un psychologue ou un psychothérapeute membre de l’Ordre des psychologues du Québec.

S’il y a un temps d’attente avant notre premier rendez-vous, on peut se tourner vers la bibliothérapie, s’inscrire à un groupe de méditation ou suivre une formation en pleine conscience. «L’idée, c’est d’apprendre à être davantage un ami pour soi en faisant preuve de bienveillance et de compassion envers soi- même», conclut Frédérick Dionne. 

 

ruminer

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Agir au lieu de réfléchir 

Mais comment réussir à distinguer nos pensées permettant de résoudre un problème de la rumination? Frédérick Dionne nous suggère d’utiliser la «règle des deux minutes». Dès qu’on soupçonne être en train de ruminer, on laisse libre cours à notre pensée pendant deux minutes. Après, on s’arrête pour se demander si notre réflexion nous a aidé à résoudre notre problème, à mieux comprendre la situation ou nos sentiments ou à nous sentir moins déprimé ou moins critique envers nous-même. «À moins que la réponse à l’une de ces questions soit clairement “oui”, il y a de fortes chances que l’on soit en train de ruminer», dit-il. Si c’est le cas, on peut tester ces 5 stratégies:

  • On accepte nos pensées. La chose à ne pas faire est d’essayer d’arrêter le flot de nos pensées, en regardant des téléséries en rafale ou en consommant de l’alcool et des drogues, par exemple. «Plus on cherchera à les mettre de côté, plus elles reviendront en force», met en garde Geneviève Beaulieu-Pelletier, qui conseille plutôt la pratique de la pleine conscience (mindfulness), consistant à accueillir nos pensées et à les accepter telles qu’elles sont, sans jugement, mais sans leur laisser prendre toute la place dans notre tête non plus.
  • On fait preuve de bienveillance et d’autocompassion. On ferme le clapet à son petit critique intérieur en se montrant plus doux envers soi-même. Puis, on se rappelle que l’erreur 2est humaine. «Les gens qui éprouvent de la compassion pour eux-mêmes vont davantage se pardonner et moins ruminer», fait remarquer Frédérick Dionne, qui s’intéresse aux psychothérapies cognitivo-comportementales fondées sur l’acceptation et la pleine conscience.
  • On se recentre dans le moment présent. Lorsqu’on est pris dans notre tête à ressasser de vieilles histoires, on ne vit pas le moment présent. «La pleine conscience et la méditation vont nous apprendre à être plus dans le moment présent, puis à mieux reconnaître nos pensées négatives», assure Frédérick Dionne. Lorsque nos pensées s’emballent, on peut, par exemple, essayer de rediriger notre attention sur la tâche que l’on est en train d’effectuer ou sur notre expérience sensorielle du moment (l’eau chaude sur notre peau, le bruit du gravier sous nos pas).
  • On passe en mode solutions. Plutôt que de rester pris dans nos pensées sans fin, pourquoi ne pas se concentrer sur la recherche de solutions concrètes, afin de régler la situation ou le problème qui nous embête?
  • On se distrait. Lorsque la cassette repart, on occupe notre esprit à autre chose, par exemple en faisant de l’exercice physique, en jouant avec son chien, en chantant une chanson ou en se concentrant sur sa respiration. «L’idée n’est pas d’éviter nos pensées, mais de s’accorder une pause mentale en changeant notre “focus” pour un instant», précise la professeure associée à l’UQAM.

 

 

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