Psychologie

3 femmes, 3 causes, une terre

3 femmes, 3 causes, une terre

Auteur : Coup de Pouce

Psychologie

3 femmes, 3 causes, une terre

Encore cette année, Coup de pouce s'associe à la cause en saluant le travail des lauréates canadiennes de 2011.

1er prix: Marie Rose Bain

Présidente, Centre Hortico-Agricole de la commune de Chantal

Quel plaisir de manger ce qu'on a cultivé soi-même! Marie Rose Bain a décidé de convaincre les femmes haïtiennes de s'y mettre... et ça fonctionne!

Marie Rose Bain est une passionnée. Travailleuse sociale à la retraite, elle ne chôme pas. Chorale, activités sportives, sorties: elle ne reste pas en place bien longtemps. Récemment, elle a voulu trouver une façon concrète d'aider les autres et c'est dans son pays natal qu'elle l'a trouvée.

«Lors de mes voyages en Haïti, j'ai constaté que les gens mangeaient mal et souffraient de malnutrition», raconte-t-elle. Elle croise des gens qui ne voient plus, qui souffrent d'une foule de maladies et elle comprend rapidement que la cause de ces maux, c'est le manque de fruits et de légumes dans leur assiette. «J'ai ensuite regardé autour de moi: plusieurs personnes ont une maison et sous-utilisent leur terrain. C'est là que j'ai constaté que j'avais sous les yeux la meilleure façon de réduire la malnutrition: si j'arrivais à trouver comment aider les gens à faire pousser eux-mêmes leurs fruits et légumes, ils seraient plus enclins à les ajouter dans leur assiette et dans celle de leurs enfants», explique-t-elle.

Quelques semaines à peine avant le grave séisme qui a secoué Haïti, Marie Rose Bain rencontre un ami, enseignant retraité, qu'elle sensibilise au projet. Ils décident de se lancer, et le projet est en branle dès mars 2010, même si le pays est en pleine reconstruction. Une bonne part de leur travail se fait à partir de Montréal. En Haïti, 50 femmes, accompagnées d'un agronome et de deux techniciens, commencent à apprivoiser la culture maraîchère. Le Centre hortico-agricole leur fournit une variété de plants: entre autres des tomates, des aubergines, du chou et des poivrons. Chaque femme cultive son propre lopin de terre, guidée par les bons conseils de l'agronome.

Ce faisant, le Centre hortico-agricole améliore les conditions de vie des familles de la commune en les sensibilisant aussi à l'importance de bien manger pour améliorer leur état de santé. «On leur enseigne comment planter, comment récolter, et on leur apprend les valeurs nutritives des aliments qu'elles cultivent, explique-t-elle. Il faut aider les gens d'Haïti à cultiver davantage. Il fait soleil à l'année, là-bas. Les légumes et les fruits y poussent bien.»

Ce qu'elle vise à long terme? «On veut favoriser l'autonomie de ces femmes, d'abord et avant tout», explique-t-elle. Maintenant qu'elle a remporté ce premier prix d'un montant de 5 000€ (environ 7 000$), elle se sent financièrement assez solide pour s'attaquer à un deuxième volet du Centre: la culture du manioc, un aliment essentiel dans la cuisine haïtienne. Elle espère pouvoir en cultiver assez pour fournir les participantes en farine de manioc, mais aussi, peut-être, pour en exporter. «C'est une plante pratique qui reste dans la terre après les cyclones. Et on peut faire une foule de chose avec, y compris de l'amidon pour l'empois des cols.»

Il y a fort à parier que cette grand-maman au sourire contagieux fera pousser beaucoup plus que des légumes, à Chantal. Elle y fera pousser un peu de bonheur et beaucoup, beaucoup d'espoir.

Pour en savoir plus: CHAC

2e prix: Laura Reinsborough

Présidente et fondatrice de Not Far From The Tree

Grâce à son action, ce qui pourrissait au sol sert désormais à nourrir la communauté. Laura Reinsborough avait 25 ans la première fois qu'elle a grimpé dans un arbre. C'était dans la cour d'une maison historique transformée en musée et sise au coeur d'un verger, près de chez elle, à Toronto. «Au départ, l'idée de grimper pour cueillir des fruits me semblait amusante, tout simplement. Mais cette expérience anodine a changé ma vie», dit la jeune femme. Trois ans (et un bébé!) plus tard, elle est à la tête de Not Far From The Tree, un organisme qui a récolté près de 30 000 lb (13 500 kg) de fruits et procédé à une distribution locale, écologique et équitable.

Ce simple geste, celui de grimper dans le but de cueillir, lui a permis de voir la ville où elle vit sous un angle jusque-là inédit. «J'ai commencé à distinguer ce qu'est un arbre fruitier et à les reconnaître dans la cité, note-t-elle. J'ai découvert qu'il y avait un abricotier au coin de ma rue, alors que je n'avais jamais mangé d'abricots frais de ma vie! Un kiwi de la Nouvelle-Zélande m'était plus accessible qu'un abricot du coin de ma rue! C'était un non-sens! Mais, surtout, je me suis rendu compte que les fruits tombaient sans qu'on soit capable de les récolter. Dans un contexte de mondialisation, cela m'est apparu insupportable.»

Elle se met alors à la recherche de bénévoles et organise une récolte collective. Et elle a une idée de génie: procéder à la distribution selon un principe calqué sur d'autres villes canadiennes. Un tiers de la récolte va au propriétaire de l'arbre, un tiers aux cueilleurs et un tiers aux organismes communautaires dans le besoin. La première année, plus de 150 cueilleurs se pointent. Cette année, ce sont 750 bénévoles qui se bousculent pour grimper dans les échelles! Not Far From The Tree couvre maintenant sept quartiers de Toronto. Et Laura a les yeux rivés sur tous ces fruits qui continuent à pourrir au sol...

«La chose la plus difficile, actuellement, avoue-t-elle, c'est de devoir refuser l'aide de bénévoles parce qu'on n'a pas assez d'équipement. Ça prend des vélos, des remorques, des échelles, des assurances... Il en coûte 250 000$ par année pour desservir le territoire actuel. On a besoin de grandir et, oui, la bourse de 3 000€ (environ 4 000$) sert au développement de nouveaux territoires!»

Laura s'avoue honorée de recevoir un tel prix. «Ce qui me fascine le plus, dit-elle, c'est d'être reconnue au niveau national, alors que notre action est très locale. Cela me dit une chose: partout, on a besoin de sentir qu'on appartient à une communauté. Poser une action commune qui fait du bien à tout le monde, c'est se faire du bien à soi-même. Le sens de la communauté, c'est une valeur qu'on a complètement oubliée dans nos vies, surtout dans les villes. Grimper aux arbres de notre ville peut non seulement être utile: cela donne un sentiment d'appartenance inégalable. Essayez, pour voir!»

Pour en savoir plus: Not Far From The Tree

3e prix: Nicole Meunier

Présidente et fondatrice de Puits Eau Mali

Grâce à son action, des milliers de villageois assoiffés sont abreuvés et sauvés de la maladie et d'une mort éventuelle. L'eau est bel et bien une source de vie, et pour Nicole, c'est boem plus que des mots!

Ça faisait des années que Nicole Meunier voulait aller en Afrique. Un désir, un élan, presque un appel incontournable. Un jour, Jean-Pierre Monette, son conjoint, la prend au mot: «Depuis le temps que tu m'en parles, prends l'argent et vas-y!» «Il ne me l'a pas dit deux fois», raconte aujourd'hui la femme de 51 ans. Elle s'inscrit à un voyage organisé et se rend au Mali. Dans son for intérieur, au milieu de son groupe de touristes, Nicole se sent secrètement investie d'une mission. Mais laquelle? «Je n'en savais rien. Quand j'ai mis le pied là-bas, j'ai demandé à l'Univers de me guider, de me faire comprendre ce qui me poussait tant à venir ici.»

C'est connu, quand on le provoque, l'Univers répond. C'est dans le village de Kabalabougou qu'elle comprend tout. «Le manque d'eau était criant. Côtoyer la pauvreté, c'est une chose, mais voir des enfants qui fixent ta gourde et te rendre compte que tu ne peux pas les abreuver parce qu'ils sont 20 ou 30 autour de toi, c'est traumatisant.» Au coeur de ce village de 2 500 âmes, Nicole se fait une promesse formelle: revenir creuser un puits.

Régisseuse aux loisirs pour la ville de Terrebonne, elle ne connaît rien aux travaux de forage, mais, forte d'un solide réseau social, elle prend les moyens du bord et organise des collectes de fonds qui lui permettent d'amasser 31 000$. C'est presque suffisant pour deux puits, bien qu'elle n'ait pas encore la possibilité de délivrer des reçus de charité. «Les gens ont donné. Cette générosité-là m'a profondément bouleversée.»

En 2008, elle fonde Puits Eau Mali. Avec son conjoint, elle utilise 7 000$ d'économies personnelles pour payer leur voyage et retourne au village de son coeur pour entreprendre les travaux de forage. Son objectif est clair: enrayer la soif et faire reculer la maladie reliée à la consommation d'eau contaminée. Alors que le village a besoin d'un dispensaire, le médecin de l'endroit avoue que le puits a un impact encore plus direct que les médicaments sur la santé des villageois. Au retour, en 2009, le couple travaille d'arrache-pied à l'obtention d'une reconnaissance fédérale d'oeuvre de charité. Depuis, huit puits ont été forés, dont un au Bénin, dans la région de Tanguiéta, qui sert à arroser des plantes utilisées pour enrayer le paludisme. C'est là qu'ont été investis les 2 000€ (environ 2 700$) de la bourse Terre de femmes.

«Rien n'a été facile, résume Nicole. D'abord, mon mari et moi travaillons encore à temps plein et notre implication nécessite une vingtaine d'heures par semaine. À nous deux, nous avons cinq enfants et, bien qu'ils soient grands, nos vies sont chargées. D'autre part, faire le choix d'un village implique recherche et précision. Il faut s'assurer des besoins réels et du fait que le puits demeurera une propriété publique et non un outil d'enrichissement des uns sur le dos des autres. Pour arriver à tout faire, ce dont on manque le plus, c'est de temps.» Malgré la somme de travail investie, Nicole ne se voit pas mettre un terme à sa mission. «J'ai grandi sur une ferme. Nous étions huit enfants et, pour mes parents, boire et manger était la base de tout. C'est inscrit en moi. Tant qu'il y aura des assoiffés, j'y serai!»

Pour en savoir plus: Puits Eau Mali

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