Couple
Envie de prendre le large?
Couple
Envie de prendre le large?
Relation abusive, sentiment de ne plus avancer, insatisfaction chronique, besoin de défi... Les raisons qui peuvent nous pousser à tourner les talons et à prendre la fuite sont nombreuses. Mais est-ce la bonne décision? Cédons-nous à la lâcheté? Pour le savoir, nul doute qu'on devra faire plusieurs fois le tour de la question et peser le pour et le contre.
Christiane, elle, n'a pas ressenti le besoin d'analyser sa décision trop longtemps. L'artiste-peintre de 52 ans a pris le large il y a près de sept ans. Littéralement. «J'étais allée visiter une amie dans un petit village en Provence et j'ai eu un coup de foudre pour l'endroit, raconte-t-elle. J'ai convaincu mon conjoint et, quelques mois plus tard, nous avons tout vendu pour aller vivre là-bas.» Le goût pour l'aventure y était bien sûr pour quelque chose, mais Christiane a surtout fui une situation qu'elle ne supportait plus. «Je trouve que, souvent au Québec, les artistes n'ont pas la reconnaissance qu'ils méritent. Des années auparavant, j'avais connu un certain succès, mais tout était toujours à recommencer et cela me frustrait beaucoup.»
Alors, tant qu'à recommencer à zéro, autant le faire pour de bon, s'est-elle dit. Depuis, les choses marchent plutôt bien pour elle. À la tête d'une association d'artistes et d'une galerie d'art, elle ne pense pas revenir s'installer au Québec. «Je suis partie parce que j'avais la conviction que je serais mieux ici, dit-elle. Et c'est le cas.»
Changement de cap: le doute
Si, dans le cas de Christiane, la décision s'est prise sans hésitation, la plupart des gens qui décident de tourner le dos à une partie de leur vie doivent composer avec le doute. En effet, comment être tout à fait sûre que prendre le large s'avère la meilleure solution? Comment être certaine qu'on ne peut pas récupérer la situation?
Réponse: on ne le peut pas! Il faut accepter l'idée que rien ne garantit à 100 % que notre choix soit le meilleur. Selon Jasmine, 41 ans, on doit se faire confiance et s'écouter et se donner la chance de corriger la situation. «Ça faisait déjà deux ou trois ans que je ne me sentais plus sur la même longueur d'onde qu'une amie de longue date, dit-elle. Mais j'essayais, je continuais à la voir en espérant me sentir de nouveau proche d'elle. En vain.» C'est ainsi qu'elle a rompu une amitié de 15 ans qui ne lui convenait plus. «On n'avait plus les mêmes valeurs, et nos visions de la vie ne se rejoignaient plus du tout. J'ai donc dû le lui dire, malgré la peine que j'éprouvais à faire une croix sur une amitié qui avait déjà beaucoup compté pour moi.»
Un petit pas pour changer
Professeur de psychologie à l'Université de Californie à Los Angeles, Robert Maurer est également auteur d'Un petit pas peut changer votre vie (Anne Carrière, 2006). Si, comme le titre de son livre l'indique, le psychologue croit que de petits changements peuvent faire toute la différence, il est aussi persuadé qu'un choix plus radical s'impose parfois et que certains indices peuvent nous aider à faire - ou non - ce choix. «Notre décision concerne une relation? Si on a de plus en plus de difficulté à rester gentille et positive en présence de l'autre, qu'on n'a plus vraiment envie de rendre cette personne heureuse, la rupture est peut-être justifiée, explique-t-il. S'il s'agit de notre travail et qu'on sent que la mission de l'entreprise ne nous rejoint plus, que ses valeurs ne correspondent plus aux nôtres, là encore, il est envisageable et sans doute même souhaitable de partir.»
C'est ce qui est arrivé à Nathalie, 37 ans. Directrice de comptes dans de grandes multinationales jusqu'à l'âge de 33 ans, la jeune femme se considérait ambitieuse, voire carriériste. «Mais à 27 ans, j'ai subi une mise à pied tout à fait injustifiée et c'est à ce moment que j'ai réalisé que je n'étais qu'un numéro, que mon travail ne servait qu'à enrichir les actionnaires.» Dès lors, elle songe à quitter le marché du travail tel qu'elle l'a toujours connu. Elle se dit que, dès qu'elle tombera enceinte, elle ne retournera plus travailler - ce qui est arrivé lorsqu'elle a eu 33 ans. «Je m'étais fait un plan dans ma tête, dit-elle. Je resterais à la maison pour élever mes enfants et, un jour, je démarrerais ma propre petite entreprise.» Un plan qui ne laissait aucune place aux regrets, même si cela signifiait une baisse de revenu de presque la moitié. «Il y a trois ans, j'ai lancé une petite entreprise de jouets avec ma mère et ça va assez bien. Chose certaine, je vis maintenant en accord avec mes valeurs.»Heureusement pour elle, Nathalie n'a rencontré dans son entourage que des réactions positives. «Quand j'ai dit à mes proches que je resterais à la maison pour élever mes enfants et qu'un jour je démarrerais ma petite affaire, tout le monde m'a encouragée.» Ayant mûri et visualisé son projet, Nathalie n'a rencontré aucune résistance intérieure quand est venu le moment de plonger. «Je n'ai pas eu de doutes et je n'ai pas eu peur, dit-elle. Et ma vie d'avant ne me manque pas du tout!»
Jasmine, quant à elle, a vécu une certaine tristesse et quelques craintes lorsqu'elle a rompu avec son amie. «C'est difficile de quitter une personne qui a été importante pour nous. On doit se faire à l'idée que tout le plaisir qu'on a eu ensemble ne se reproduira plus jamais. Il y a une certaine nostalgie de rattachée à cela, admet-elle. De plus, de façon très égoïste, j'avais un peu peur de me retrouver toute seule, car j'avais déjà très peu d'amis.» Selon la psychologue Jocelyne Bounader, «abandonner quelque chose ou quelqu'un signifie qu'on doit faire le deuil de cette partie de notre vie. Et ce qu'on quitte, le plus souvent, n'était pas négatif à 100 %.»
En allant vivre en France, Christiane laissait derrière elle sa mère, sa soeur et nombre d'amis. «Avec Internet et la caméra Web, l'idée de laisser mes proches derrière moi était moins pénible, dit-elle. Toutefois, ma mère m'en veut encore beaucoup d'être partie.» Au point où cette dernière a même dit un jour à sa fille qu'elle la voyait si peu souvent que c'était comme si elle était morte. «J'avoue que ça m'a fait un choc!» dit Christiane. Malgré cela, même si elle tente du mieux qu'elle peut d'atténuer la peine de sa mère, elle ne retournerait pas en arrière.
Cela dit, bien des femmes ne supporteraient pas une telle réaction de la part d'un proche, et certaines iraient sans doute même jusqu'à annuler leur projet de départ. À tort? Pas nécessairement, selon Francine Bélair, fondatrice de la société de formation Réalité Thérapie Pro-Action et auteure de Choisir de changer (Chenelière, 2006). «Avant de décider de prendre le large, il faut se demander quel impact cela peut avoir sur notre entourage et si on est prête à vivre avec des réactions négatives ou la désapprobation.»
Des réactions plutôt prévisibles
Si on s'apprête à tourner le dos à un conjoint ou à une amie, on ne s'attend pas à recevoir sa bénédiction! Généralement, on y est préparée. «Je savais que, lorsque je dirais à mon amie que notre relation ne m'apportait plus rien, elle serait triste ou en colère, dit Jasmine. C'était inévitable, mais j'ai quand même fait attention de le faire avec le plus de délicatesse possible.» Par contre, si on ne peut tolérer de vivre avec la désapprobation d'un proche, on a tout intérêt à travailler sur ce point avant d'aller de l'avant. «On peut se demander pourquoi on a besoin à tout prix de l'approbation des autres, dit Jocelyne Bounader. Mais, si on est ébranlée par la réaction négative d'un proche, ça ne signifie pas qu'on ne prend pas la bonne décision.»Vivre avec notre décision
France, 34 ans, est devenue pro dans l'art de prendre le large. À peine si elle ne laisse pas sa valise sur le pas de la porte lorsqu'elle tombe amoureuse. Sa dernière histoire d'amour remonte à deux ans. Elle a duré un an et demi. Tout comme la précédente, d'ailleurs. «Je ne suis jamais restée plus de deux ans avec un homme», dit-elle. C'est toujours elle qui largue les amarres. La jeune femme commence tout juste à prendre conscience qu'elle sabote elle-même ses relations, et que ce n'est pas à cause de l'autre, comme elle s'en est toujours convaincue. «Cela a sans doute quelque chose à voir avec mon père, qui nous a abandonnées très tôt, ma mère et moi.» L'explication n'atténue malheureusement pas les regrets que France éprouve, surtout en ce qui concerne sa dernière relation. «J'ai perdu quelqu'un que j'aimais vraiment beaucoup, dit-elle. En plus, je l'ai blessé.» À tout le moins, prend-elle conscience du pattern qu'elle a souvent répété, contrairement à d'autres qui persisteront à prendre la fuite toute leur vie sans pour autant en éprouver quelque satisfaction au bout du compte.
«Ce sont des gens qui ont fait de la fuite leur principal mode de gestion de conflits, dit Robert Maurer. Si telle est notre façon de faire, on peut en déduire que le problème vient de l'intérieur et non de la situation dans laquelle on se trouve.» On a alors tout intérêt à bien réfléchir et à en parler à des proches avant de prendre le large.
«On choisit des personnes de confiance, qui ne nous jugeront pas», insiste Jocelyne Bounader. Pour sa part, France croit que, même si cela prendra du temps, elle arrivera à force de travail sur elle-même à se défaire du pattern qu'elle connaît si bien. Par contre, un retour en arrière pour tenter de regagner son ex-amoureux est impensable. «D'abord parce que je l'ai blessé, dit-elle. Et puis, je ne veux pas débarquer brusquement dans sa vie et risquer de le blesser davantage.»
Il arrive en effet qu'on puisse avoir certains regrets après une décision pour le moins radicale qu'on a prise un, deux, cinq ans plus tôt. La psychologue Jocelyne Bounader nous met cependant en garde: «Il est très facile d'idéaliser le passé, dit-elle. On doit se rappeler les raisons qui ont motivé notre décision.»
Christiane admet qu'une fois arrivée en Provence et dans la première année qui a suivi, la peur de ne pas y arriver lui a traversé l'esprit à quelques reprises. «C'était difficile, il y a avait beaucoup de complications bureaucratiques, raconte-t-elle. Je me sentais parfois découragée!» Mais, heureusement pour elle, tout s'est réglé en sa faveur.
Et si ça n'avait pas été le cas? «Je m'y serais prise autrement, je serais allée ailleurs, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que je ne serais pas revenue en arrière.» Ainsi, même si les résultats ne sont pas ceux escomptés, on ne doit pas nécessairement mettre en doute notre décision. Car, même si on avait une bonne idée de ce qu'on voulait après avoir pris le large, on n'a guère d'emprise sur les aléas de la vie! «Si, une fois qu'on a largué les amarres, rien ne marche comme on voulait, dit Jocelyne Bounader, pourquoi ne pas se repositionner et se créer un nouveau rêve, un nouveau projet?»5 exercices à faire avant de tout larguer
On tient un journal
On s'y met dès que l'idée de partir commence à nous trotter dans la tête. On décrit nos journées, les émotions qui les ont traversées ainsi que leurs causes. Ainsi, si on n'a pas encore réussi à comprendre d'où vient le malaise qu'on ressent ou ce qui nous pousse à vouloir prendre le large, on replonge dans notre journal. Avec le recul, on aura sans doute une meilleure compréhension des choses.
On écrit une lettre de rupture ou de démission
Mais on ne l'envoie pas. Cela nous aidera à voir plus clair dans nos sentiments et à les cristalliser. Si le simple fait d'écrire cette lettre nous chavire et nous angoisse, peut-être une autre solution s'impose-t-elle. Ou alors on reporte la décision à plus tard, lorsqu'on sera plus sereine face à celle-ci.
On formule nos désirs et nos besoins par écrit
De quoi ai-je envie? De quoi ai-je besoin pour être heureuse? Etc. Résultat: le sentiment de savoir où l'on s'en va et, surtout, pour quelles raisons! À la fois inspirant et rassurant.
Sur une feuille, on dresse deux colonnes: gains et pertes
De cette façon, on aura plus de chances de prendre notre décision en toute connaissance de cause. Nier ce qu'on risque de perdre ne ferait que retarder le processus de deuil.
On se crée un plan d'action
Ce que je veux, comment je vais y parvenir et la marche à suivre. Bref, on se prépare le mieux possible, dans la mesure de ce qu'on peut contrôler! Par exemple, si on redevient célibataire, on ne peut pas prédire qu'on rencontrera un homme dans six mois. Par contre, on peut intégrer les 5 à 7 à notre horaire ou s'inscrire à un site de rencontres sur le Web.
Trois livres pour aller plus loin
La Rupture, par Sonia Dubois et Olivier Mace, Flammarion, 2007, 275 p., 37,95 $. Le Courage de changer, par Willy Pasini et Donata Francescato, Odile Jacob, 2003, 250 p., 15,75 $.
La Rupture pour vivre, par Simone Barbaras, J'ai lu, 2000, 180 p., 11,95 $.
Christiane, elle, n'a pas ressenti le besoin d'analyser sa décision trop longtemps. L'artiste-peintre de 52 ans a pris le large il y a près de sept ans. Littéralement. «J'étais allée visiter une amie dans un petit village en Provence et j'ai eu un coup de foudre pour l'endroit, raconte-t-elle. J'ai convaincu mon conjoint et, quelques mois plus tard, nous avons tout vendu pour aller vivre là-bas.» Le goût pour l'aventure y était bien sûr pour quelque chose, mais Christiane a surtout fui une situation qu'elle ne supportait plus. «Je trouve que, souvent au Québec, les artistes n'ont pas la reconnaissance qu'ils méritent. Des années auparavant, j'avais connu un certain succès, mais tout était toujours à recommencer et cela me frustrait beaucoup.»
Alors, tant qu'à recommencer à zéro, autant le faire pour de bon, s'est-elle dit. Depuis, les choses marchent plutôt bien pour elle. À la tête d'une association d'artistes et d'une galerie d'art, elle ne pense pas revenir s'installer au Québec. «Je suis partie parce que j'avais la conviction que je serais mieux ici, dit-elle. Et c'est le cas.»
Changement de cap: le doute
Si, dans le cas de Christiane, la décision s'est prise sans hésitation, la plupart des gens qui décident de tourner le dos à une partie de leur vie doivent composer avec le doute. En effet, comment être tout à fait sûre que prendre le large s'avère la meilleure solution? Comment être certaine qu'on ne peut pas récupérer la situation?
Réponse: on ne le peut pas! Il faut accepter l'idée que rien ne garantit à 100 % que notre choix soit le meilleur. Selon Jasmine, 41 ans, on doit se faire confiance et s'écouter et se donner la chance de corriger la situation. «Ça faisait déjà deux ou trois ans que je ne me sentais plus sur la même longueur d'onde qu'une amie de longue date, dit-elle. Mais j'essayais, je continuais à la voir en espérant me sentir de nouveau proche d'elle. En vain.» C'est ainsi qu'elle a rompu une amitié de 15 ans qui ne lui convenait plus. «On n'avait plus les mêmes valeurs, et nos visions de la vie ne se rejoignaient plus du tout. J'ai donc dû le lui dire, malgré la peine que j'éprouvais à faire une croix sur une amitié qui avait déjà beaucoup compté pour moi.»
Un petit pas pour changer
Professeur de psychologie à l'Université de Californie à Los Angeles, Robert Maurer est également auteur d'Un petit pas peut changer votre vie (Anne Carrière, 2006). Si, comme le titre de son livre l'indique, le psychologue croit que de petits changements peuvent faire toute la différence, il est aussi persuadé qu'un choix plus radical s'impose parfois et que certains indices peuvent nous aider à faire - ou non - ce choix. «Notre décision concerne une relation? Si on a de plus en plus de difficulté à rester gentille et positive en présence de l'autre, qu'on n'a plus vraiment envie de rendre cette personne heureuse, la rupture est peut-être justifiée, explique-t-il. S'il s'agit de notre travail et qu'on sent que la mission de l'entreprise ne nous rejoint plus, que ses valeurs ne correspondent plus aux nôtres, là encore, il est envisageable et sans doute même souhaitable de partir.»
C'est ce qui est arrivé à Nathalie, 37 ans. Directrice de comptes dans de grandes multinationales jusqu'à l'âge de 33 ans, la jeune femme se considérait ambitieuse, voire carriériste. «Mais à 27 ans, j'ai subi une mise à pied tout à fait injustifiée et c'est à ce moment que j'ai réalisé que je n'étais qu'un numéro, que mon travail ne servait qu'à enrichir les actionnaires.» Dès lors, elle songe à quitter le marché du travail tel qu'elle l'a toujours connu. Elle se dit que, dès qu'elle tombera enceinte, elle ne retournera plus travailler - ce qui est arrivé lorsqu'elle a eu 33 ans. «Je m'étais fait un plan dans ma tête, dit-elle. Je resterais à la maison pour élever mes enfants et, un jour, je démarrerais ma propre petite entreprise.» Un plan qui ne laissait aucune place aux regrets, même si cela signifiait une baisse de revenu de presque la moitié. «Il y a trois ans, j'ai lancé une petite entreprise de jouets avec ma mère et ça va assez bien. Chose certaine, je vis maintenant en accord avec mes valeurs.»Heureusement pour elle, Nathalie n'a rencontré dans son entourage que des réactions positives. «Quand j'ai dit à mes proches que je resterais à la maison pour élever mes enfants et qu'un jour je démarrerais ma petite affaire, tout le monde m'a encouragée.» Ayant mûri et visualisé son projet, Nathalie n'a rencontré aucune résistance intérieure quand est venu le moment de plonger. «Je n'ai pas eu de doutes et je n'ai pas eu peur, dit-elle. Et ma vie d'avant ne me manque pas du tout!»
Jasmine, quant à elle, a vécu une certaine tristesse et quelques craintes lorsqu'elle a rompu avec son amie. «C'est difficile de quitter une personne qui a été importante pour nous. On doit se faire à l'idée que tout le plaisir qu'on a eu ensemble ne se reproduira plus jamais. Il y a une certaine nostalgie de rattachée à cela, admet-elle. De plus, de façon très égoïste, j'avais un peu peur de me retrouver toute seule, car j'avais déjà très peu d'amis.» Selon la psychologue Jocelyne Bounader, «abandonner quelque chose ou quelqu'un signifie qu'on doit faire le deuil de cette partie de notre vie. Et ce qu'on quitte, le plus souvent, n'était pas négatif à 100 %.»
En allant vivre en France, Christiane laissait derrière elle sa mère, sa soeur et nombre d'amis. «Avec Internet et la caméra Web, l'idée de laisser mes proches derrière moi était moins pénible, dit-elle. Toutefois, ma mère m'en veut encore beaucoup d'être partie.» Au point où cette dernière a même dit un jour à sa fille qu'elle la voyait si peu souvent que c'était comme si elle était morte. «J'avoue que ça m'a fait un choc!» dit Christiane. Malgré cela, même si elle tente du mieux qu'elle peut d'atténuer la peine de sa mère, elle ne retournerait pas en arrière.
Cela dit, bien des femmes ne supporteraient pas une telle réaction de la part d'un proche, et certaines iraient sans doute même jusqu'à annuler leur projet de départ. À tort? Pas nécessairement, selon Francine Bélair, fondatrice de la société de formation Réalité Thérapie Pro-Action et auteure de Choisir de changer (Chenelière, 2006). «Avant de décider de prendre le large, il faut se demander quel impact cela peut avoir sur notre entourage et si on est prête à vivre avec des réactions négatives ou la désapprobation.»
Des réactions plutôt prévisibles
Si on s'apprête à tourner le dos à un conjoint ou à une amie, on ne s'attend pas à recevoir sa bénédiction! Généralement, on y est préparée. «Je savais que, lorsque je dirais à mon amie que notre relation ne m'apportait plus rien, elle serait triste ou en colère, dit Jasmine. C'était inévitable, mais j'ai quand même fait attention de le faire avec le plus de délicatesse possible.» Par contre, si on ne peut tolérer de vivre avec la désapprobation d'un proche, on a tout intérêt à travailler sur ce point avant d'aller de l'avant. «On peut se demander pourquoi on a besoin à tout prix de l'approbation des autres, dit Jocelyne Bounader. Mais, si on est ébranlée par la réaction négative d'un proche, ça ne signifie pas qu'on ne prend pas la bonne décision.»Vivre avec notre décision
France, 34 ans, est devenue pro dans l'art de prendre le large. À peine si elle ne laisse pas sa valise sur le pas de la porte lorsqu'elle tombe amoureuse. Sa dernière histoire d'amour remonte à deux ans. Elle a duré un an et demi. Tout comme la précédente, d'ailleurs. «Je ne suis jamais restée plus de deux ans avec un homme», dit-elle. C'est toujours elle qui largue les amarres. La jeune femme commence tout juste à prendre conscience qu'elle sabote elle-même ses relations, et que ce n'est pas à cause de l'autre, comme elle s'en est toujours convaincue. «Cela a sans doute quelque chose à voir avec mon père, qui nous a abandonnées très tôt, ma mère et moi.» L'explication n'atténue malheureusement pas les regrets que France éprouve, surtout en ce qui concerne sa dernière relation. «J'ai perdu quelqu'un que j'aimais vraiment beaucoup, dit-elle. En plus, je l'ai blessé.» À tout le moins, prend-elle conscience du pattern qu'elle a souvent répété, contrairement à d'autres qui persisteront à prendre la fuite toute leur vie sans pour autant en éprouver quelque satisfaction au bout du compte.
«Ce sont des gens qui ont fait de la fuite leur principal mode de gestion de conflits, dit Robert Maurer. Si telle est notre façon de faire, on peut en déduire que le problème vient de l'intérieur et non de la situation dans laquelle on se trouve.» On a alors tout intérêt à bien réfléchir et à en parler à des proches avant de prendre le large.
«On choisit des personnes de confiance, qui ne nous jugeront pas», insiste Jocelyne Bounader. Pour sa part, France croit que, même si cela prendra du temps, elle arrivera à force de travail sur elle-même à se défaire du pattern qu'elle connaît si bien. Par contre, un retour en arrière pour tenter de regagner son ex-amoureux est impensable. «D'abord parce que je l'ai blessé, dit-elle. Et puis, je ne veux pas débarquer brusquement dans sa vie et risquer de le blesser davantage.»
Il arrive en effet qu'on puisse avoir certains regrets après une décision pour le moins radicale qu'on a prise un, deux, cinq ans plus tôt. La psychologue Jocelyne Bounader nous met cependant en garde: «Il est très facile d'idéaliser le passé, dit-elle. On doit se rappeler les raisons qui ont motivé notre décision.»
Christiane admet qu'une fois arrivée en Provence et dans la première année qui a suivi, la peur de ne pas y arriver lui a traversé l'esprit à quelques reprises. «C'était difficile, il y a avait beaucoup de complications bureaucratiques, raconte-t-elle. Je me sentais parfois découragée!» Mais, heureusement pour elle, tout s'est réglé en sa faveur.
Et si ça n'avait pas été le cas? «Je m'y serais prise autrement, je serais allée ailleurs, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que je ne serais pas revenue en arrière.» Ainsi, même si les résultats ne sont pas ceux escomptés, on ne doit pas nécessairement mettre en doute notre décision. Car, même si on avait une bonne idée de ce qu'on voulait après avoir pris le large, on n'a guère d'emprise sur les aléas de la vie! «Si, une fois qu'on a largué les amarres, rien ne marche comme on voulait, dit Jocelyne Bounader, pourquoi ne pas se repositionner et se créer un nouveau rêve, un nouveau projet?»5 exercices à faire avant de tout larguer
On tient un journal
On s'y met dès que l'idée de partir commence à nous trotter dans la tête. On décrit nos journées, les émotions qui les ont traversées ainsi que leurs causes. Ainsi, si on n'a pas encore réussi à comprendre d'où vient le malaise qu'on ressent ou ce qui nous pousse à vouloir prendre le large, on replonge dans notre journal. Avec le recul, on aura sans doute une meilleure compréhension des choses.
On écrit une lettre de rupture ou de démission
Mais on ne l'envoie pas. Cela nous aidera à voir plus clair dans nos sentiments et à les cristalliser. Si le simple fait d'écrire cette lettre nous chavire et nous angoisse, peut-être une autre solution s'impose-t-elle. Ou alors on reporte la décision à plus tard, lorsqu'on sera plus sereine face à celle-ci.
On formule nos désirs et nos besoins par écrit
De quoi ai-je envie? De quoi ai-je besoin pour être heureuse? Etc. Résultat: le sentiment de savoir où l'on s'en va et, surtout, pour quelles raisons! À la fois inspirant et rassurant.
Sur une feuille, on dresse deux colonnes: gains et pertes
De cette façon, on aura plus de chances de prendre notre décision en toute connaissance de cause. Nier ce qu'on risque de perdre ne ferait que retarder le processus de deuil.
On se crée un plan d'action
Ce que je veux, comment je vais y parvenir et la marche à suivre. Bref, on se prépare le mieux possible, dans la mesure de ce qu'on peut contrôler! Par exemple, si on redevient célibataire, on ne peut pas prédire qu'on rencontrera un homme dans six mois. Par contre, on peut intégrer les 5 à 7 à notre horaire ou s'inscrire à un site de rencontres sur le Web.
Trois livres pour aller plus loin