Couple
Des lettres d'amour au goût du jour
Photographe : Shutterstock
Nos courriels enflammés, textos débordants de tendresse et notes coquines laissées sur le miroir de la salle de bains signifient-ils autant que les longues lettres manuscrites parfumées d’antan? Il paraît que oui. À vos claviers et stylos!
Les échanges épistolaires – qu’ils soient platoniques ou fiévreux – existent depuis des lustres. On n’a qu’à penser aux lettres de Cyrano de Bergerac à sa tendre Roxane. «De tout temps, c’est une pratique qui fait partie des histoires amoureuses. L’écriture permet de nourrir notre désir, de se languir et de rester connecté à l’autre», explique Jocelyne Bounader, psychologue.
Une déclaration d’amour écrite à la main sur un papier soigneusement choisi est hautement romantique. Il est vrai que cela demande un peu d’effort et un certain degré d’engagement: une belle calligraphie, une enveloppe affranchie, la poste... L’attente, les soupirs et les scénarios imaginés sont loin de l’instantanéité de l’échange virtuel.
Or, il semble qu’on ne doive pas bouder ou dévaloriser les échanges de textos, les courriels et autres moyens technologiques utilisés pour transmettre nos mots doux. «Il est absolument normal que, selon les époques et les cultures, les lettres d’amour prennent une forme différente. En fait, le mot d’amour a la valeur que la personne lui donne, selon son propre système de référence. Tout dépend de notre génération», précise la psychologue.
Comme la femme moderne a moins de temps pour se languir de l’être cher, la rapidité, l’accessibilité et la spontanéité des écrits technologiques permettent d’entretenir la flamme malgré toutes les obligations, les tâches et les rythmes de vie parfois en décalage.
«Moi qui ai fait des mots mon métier, qui collectionnais autrefois les beaux carnets et les plumes et qui ne jurais que par la correspondance à l’ancienne, je remercie aujourd’hui la technologie qui nous a permis, à mon conjoint et moi, de continuer à alimenter la flamme malgré les aléas du quotidien, nous confie Louise, 48 ans.
Écrire un beau mot à la main, ça a du charme, mais c’est plus compliqué à faire entre deux changements de couche, un boire et une brassée de lavage. Pendant de nombreuses années, nos moments de quiétude, loin de la routine familiale, ont été ceux où nous étions au boulot, tranquillement installés devant l’écran. Loin du tourbillon, nous avions le temps de nous arrêter et de penser à nous autrement qu’en tant que parents. C’est propice au romantisme!
Un mot d’amour impromptu qui se dépose dans Outlook, quelques lignes de tendresse, “Je t’aime”, “J’aimerais donc prendre ma pause blottie dans tes bras”, “Tu étais tellement belle, ce matin”, “Notre fin de soirée d’hier me donne encore des frissons, juste à y penser”... Du petit mot doux aux messages plus olé olé, ces courriels ont été et sont encore autant de moyens d’entretenir la braise pour que la flamme puisse se rallumer rapidement une fois à la maison!»
© Shutterstock
S’ouvrir par l’écrit
Écrire est une forme de communication. Mais aussi d’introspection. «Toutes les formes d’écrits nous aident à cheminer. Un temps de réflexion est nécessaire pour structurer sa pensée et arriver à exprimer ses émotions», croit la psychologue Dania Ramirez, qui suggère souvent à ses patients d’écrire pour mieux se comprendre.
Lorsque deux personnes prennent contact sur un site de rencontre ou par les réseaux sociaux, leurs premiers échanges se font par écrit. Les mots sur écran sont donc les premiers intermédiaires. Et ils peuvent dire beaucoup. «Par écrit, on a souvent moins de filtres. C’est spontané et rapide. Et pour les timides, cette première approche reste plus facile. Souvent, on parvient même à s’ouvrir plus que si l’on était face à l’autre», croit Dania Ramirez. L’écrit n’est donc pas une barrière, mais bien une porte pour se laisser découvrir.
Comme les moyens technologiques agissent en facilitateurs, certains amoureux peuvent même se découvrir un talent caché pour la conversation épistolaire et ainsi nourrir leur âme romantique... ou coquine. Graduellement, on peut évoluer d’un mot plus léger vers une lettre plus engageante, où l’on s’ouvre en toute liberté et sans gêne jusqu’à prendre la parole avec plus de confiance. Une relation ne peut que s’enrichir de ces échanges intimes, tant qu’on en définit bien les limites entre nous.
«Dernièrement, j’ai découvert les textos dans un contexte amoureux et j’aime ça. Une fois qu’on se connaît un peu, c’est amusant et ça aide à se sentir proche au quotidien. Les courriels, à un moment donné, ça peut devenir lourd si l’on est moins porté sur l’écriture... ou si l’on passe sa journée en télétravail à en écrire. Et puis, les émoticônes sont ludiques, ce qui est un plus dans la communication.
Par contre, le fait que les textos soient vite écrits et qu’ils arrivent n’importe quand peut représenter un danger. Une mauvaise interprétation au mauvais moment et c’est la fin du monde! Il faut éviter de s’embarquer dans une conversation trop intense pour ce mode d’échange. Les effets peuvent être négatifs... Tout à coup, on se vire le cœur à l’envers, alors qu’en personne, on ne se serait jamais rendu là», constate Marie, 50 ans.
Les pages de notre amour
Plusieurs conservent des lettres, des cartes et même des courriels au fond de leurs tiroirs, en souvenir d’un amour. «Le message envoyé peut avoir deux utilités: il transmet notre émotion, mais devient aussi un objet à garder. Pour les gens très sensoriels, les lettres sont un souvenir concret, comme un cadeau offert», note Dania Ramirez. Et ces lettres sont en quelque sorte des parcelles de notre histoire d’amour.
Un jour, quand l’autre ne sera plus là, ces mots deviendront presque une présence. «Certains les gardent pour que leurs enfants les trouvent, un jour. Ces souvenirs deviennent une part de notre héritage à transmettre», précise Jocelyne Bounader. Quoi qu’il en soit, tous les mots sont importants, qu’ils soient pianotés du bout des doigts sur un téléphone ou tracés sur un papillon adhésif.