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Comment se reconstruire après une peine d'amour

Comment se reconstruire après une peine d'amour

  Photographe : Shutterstock

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Comment se reconstruire après une peine d'amour

Ne plus sentir son corps. Avoir l’impression qu’une trappe s’ouvre sous ses pieds. Marcher au ralenti dans un brouillard épais. C’est ainsi que Kenza, Yvan et Stéphanie décrivent les sensations qui les ont habités après une rupture.

Comment ont-ils réussi à se sortir de ces violentes peines d’amour?

Pour Kenza, la nouvelle a été aussi surprenante que brutale. Après 20 ans de vie commune, son conjoint lui annonce, en faisant la vaisselle à la maison une fois les invités partis, que c’est terminé. «Je ne savais même pas de quoi il parlait, nous confie cette Montréalaise de 45 ans. Terminé... la vaisselle? Recevoir ces gens-là? Jamais je n’ai pensé qu’il parlait de notre relation!»

Cette mère de trois garçons a eu une peine immense qui a duré trois ans. «J’ai eu des hauts et beaucoup de bas, souffle-t-elle. J’ai beaucoup appris sur moi-même, sur ce que je veux et ce que je ne veux plus. Au bout du compte, il y a du positif qui est ressorti de la séparation. Aujourd’hui, je le sais.»

 

coeur brisé

© Unsplash | Kelly Sikkema

 
L’épaule bienveillante d’un ami

Yvan a 54 ans lorsque sa deuxième femme, mère de son fils, lui apprend qu’elle le quitte. Sa réaction? Il est resté de marbre, complètement stoïque. «Je pense que je n’avais pas pleuré de toute ma vie d’adulte, raconte-t-il, je ne savais même plus reconnaître le sentiment de tristesse. C’était tellement refoulé, tellement enfoui! Les larmes ne venaient pas. Par contre, deux jours après l’annonce, j’ai vomi toute la nuit...»

Ce qui l’a aidé à remonter la pente? Ses amis – même s’il considère qu’il les avait négligés les années précédentes. «J’étais un peu gêné de renouer lorsque ça allait mal! lance-t-il. C’était de l’orgueil mal placé. Les amis, c’est fait pour ça. Sinon, à quoi ça sert?»

Évidemment, si la séparation survient après une longue relation, les amis sont souvent communs aux deux membres du couple. «Le couple, c’est une identité sociale, indique Mme Saphan. On construit à deux un nouveau territoire, que j’appelle le troisième territoire, puisque chacun, de son côté, en a déjà un. Après la rupture, ce troisième territoire n’existe plus. Il se ferme. Ça peut être particulièrement difficile pour la personne qui a trop investi dans le territoire commun au détriment de son propre territoire.»

Et alors, la crise identitaire est grande. C’est ce qui est arrivé à Stéphanie, 35 ans, en couple depuis cinq ans avec la même femme. «Je m’étais lancée corps et âme dans cette relation jusqu’à m’oublier, dit-elle. Sa famille était rendue la mienne. Je voyais presque uniquement ses amis. Je ne pratiquais plus certains sports qui, avant, me passionnaient. J’avais même abandonné certaines activités professionnelles!»

Lorsqu’elle et sa conjointe, d’un commun accord, ont mis fin à leur relation, un gouffre s’est ouvert devant elle. «Je perdais tous mes repères, j’avais l’impression d’errer dans la vie, et je pensais que ça allait toujours être comme ça!» signale cette représentante commerciale.

Ce qui l’a aidée à sortir de cette impasse? Consulter une psychologue. «Je n’étais pas capable de faire le chemin toute seule. J’avais besoin d’être entendue et d’être accompagnée, sans jugement, précise-t-elle. J’ai pu mieux comprendre ce qui m’arrivait, ce que je voulais vraiment à partir de là et ce qui avait du sens, pour moi, là où j’étais rendue dans la vie.»

 
Se faire du bien

Tout comme Kenza et Yvan, Stéphanie a remonté la pente en s’investissant dans ce qui lui faisait du bien. Pour certains, c’est le travail. Pour d’autres, le sport, la famille. «Parfois, ne plus être en couple fait de la personne un meilleur parent, avance la sexologue Joanie Heppell. Les enfants peuvent être un catalyseur, parce que le parent veut être un bon modèle pour eux.»

Attention, toutefois, de ne pas faire d’eux des thérapeutes, prévient Kanica Saphan. «Ils doivent comprendre que la séparation n’est pas de leur faute et qu’il s’agit de problèmes d’adultes. On adapte nos explications selon leur âge.»

Tous les petits gestes de bienveillance envers soi-même comptent quand on est en peine d’amour: faire de l’exercice, prendre un bain, écouter de la musique, cuisiner, bien dormir, travailler, appeler un ami... «On a besoin de repos émotionnel, indique Mme Saphan. Je compare souvent la rupture à un accident d’auto. Au lieu de chercher à tout comprendre à tout prix, il vaut mieux se laisser le temps, se déposer, se donner le droit d’avoir de la peine, vivre et ressentir cette émotion, même si elle est déplaisante.» Son conseil? Annuler ses engagements. Faire le strict minimum. 

 

Comme un deuil

Selon Joanie Heppell, sexologue et psychothérapeute, une rupture est un deuil. Et toutes les étapes classiques du deuil risquent de frapper les gens qui en vivent une, qu’ils soient «laissés» ou qu’ils «aient laissé». «Il y a le choc pendant lequel la personne se fige, comme paralysée émotionnellement, explique-t-elle. Il y a la période de déni au cours de laquelle le sentiment de perte est présent. On peut être amer ou en colère. Ensuite vient l’acceptation. La personne se familiarise avec sa nouvelle normalité. Et au bout du processus, c’est l’adaptation, le renouveau, la renaissance.»

Pour «bien» vivre sa peine d’amour, il faut prendre le temps de franchir ces étapes, croit Mme Heppell. «Ce que je vois souvent, dans mon bureau, c’est une personne qui n’exprime pas sa tristesse, qui ne se laisse pas avoir de la peine. Pleurer sur sa vulnérabilité, sur son malheur, c’est un acte de bienveillance envers soi-même. C’est se remettre au centre et se donner le droit.»

La sexologue Kanica Saphan est du même avis. «Pleurer n’est pas un signe de faiblesse, c’est un signe d’humanité. D’ailleurs, les humains sont les seuls mammifères qui pleurent pour se décharger émotivement. Il faut se donner le temps. Une peine d’amour n’a pas d’échéancier!»

 

peine amour

© Shutterstock

 

Aller chercher de l’aide

Et si ça ne passe pas? Après combien de temps faut-il penser à consulter un professionnel? «Il n’y a pas de règle, répond Mme Heppell, mais si l’on n’est pas fonctionnel, disons six mois après la rupture, il faut peut-être aller chercher de l’aide.» Elle recommande de surveiller tous les symptômes liés à la dépression: ne pas être capable de travailler, éprouver des difficultés sur le plan de l’alimentation ou du sommeil, ne plus avoir d’intérêt pour quoi que ce soit, etc.

Une autre problématique peut aussi se pointer: l’excès. «Certaines personnes vont tomber dans l’alcool, la drogue, le travail ou un sport, et ce, de façon extrême», dit la sexologue et psychothérapeute Joanie Heppell. Kenza se reconnaît dans ce comportement. «La course à pied, qui était une passion, est devenue une obsession, observe-t-elle. Ce n’était pas sain, et ça m’a rendue malheureuse! Au lieu de m’aider dans ma peine, ça m’a nui!»

Avec le recul, elle croit qu’elle manquait d’outils pour s’autoréguler. «Mon meilleur conseil, c’est de ne pas rester seul, conclut-elle. Il faut parler encore et encore de notre séparation, de la rupture et de notre tristesse. Et si l’on n’a personne autour de soi pour nous écouter, il ne faut pas hésiter à consulter. Moi, c’est comme ça que j’ai réussi à réaliser que cette relation s’inscrivait dans mon histoire, mais qu’elle ne me définissait pas!» 

 

 

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