Argent et consommation

Témoignage: J'ai quitté la ville pour la campagne

Témoignage: J'ai quitté la ville pour la campagne

  Photographe : Lucila Perini | agoodson.com

Argent et consommation

Témoignage: J'ai quitté la ville pour la campagne

Passer deux heures à conduire dans le trafic ou à couper du bois? Clairement le second choix! 

Vivre à la campagne implique une routine qui me nourrit et qui a du sens. C’est ce qu’on venait chercher en quittant Montréal pour un village de Brome-Missisquoi. Trois ans plus tard, je peux dire mission accomplie!

Dès la naissance de ma première fille, il y a 10 ans, je voulais pour elle de la vraie nature, pas seulement de l’herbe et des arbres dans lesquels grimper. En 2017, mon chum a fait une dépression. On a réalisé que notre mode de vie montréalais était incompatible avec son bonheur.

On a mis les voiles en juillet 2018, peu avant l’arrivée de notre troisième enfant. J’ai démissionné. Je voulais travailler moins, dans des tâches plus physiques, moins payantes, plus «improductives», mais plus nourrissantes. 

J’avais enfin le temps et l’espace pour creuser la piste de l’autonomie alimentaire qu’on avait en ligne de mire en choisissant le sud du Québec, sa météo clémente et ses terres fertiles.

Selon l’Institut de la statistique du Québec, si l’on considère les départs seulement, Montréal a perdu un million d’habitants en 20 ans. Cet exode devrait se poursuivre, très majoritairement au profit d’une banlieue qui ne cesse de s’étendre. «Le changement de vie est au cœur du projet de ceux qu’on appelle les néoruraux, même si, dans ce cas-ci, on parlerait plutôt de “rurbanité”, le village étant localisé dans la dernière couronne de la Communauté métropolitaine de Montréal», explique Dominic Lapointe, professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM.

En ce qui concerne l’autonomie alimentaire, Dominic Lapointe confirme l’engouement: l’UPA enregistre une augmentation des petites exploitations agricoles. Travailler en agriculture biologique sur une surface limitée en séduit plus d’un, et l’on s’arrache les petites parcelles.

On a liquidé notre maison de Montréal en une semaine. Trouver la nouvelle a été long et stressant: il y avait peu de maisons sur le marché, dans lequel les citadins importent leurs pratiques de surenchère. J’étais sur le point d’accoucher. Quand on a enfin déniché la maison de nos rêves et ses quatre hectares, on n’avait pas les moyens de négocier.

Il y a eu des confirmations et des désillusions. Vivre au rythme des saisons et, plus largement, du vivant, m’a fait un bien fou. Finie la dépression saisonnière!

L’automne, maintenant, est la saison des récoltes. On vit sur les réserves et les souvenirs. Il a été doux et long l’an passé, signe, comme les sécheresses successives qui nous font tous manquer d’eau dans mon coin, du changement climatique. Mon écoanxiété n’a pas augmenté pour autant: au lieu, comme avant, de redouter le pire, je m’adapte. Je me suis découvert des capacités enfouies, comme lorsque j’ai dû chercher mes canetons évadés dans la forêt et qu’il m’a fallu effacer une à une toutes les nappes de mon cerveau pour pouvoir percevoir leurs petits cris.

Dans les contrariétés de mon nouveau mode vie figure en première place la dépendance à la voiture. Puis la nécessité de réorganiser complètement mes relations. J’ai l’impression de m’être expatriée à 6000 km! Personne n’est venu nous voir, on a dû faire nos preuves, montrer aux vieux voisins notre sérieux dans l’utilisation de la terre, nouer laborieusement de nouveaux liens. Je me sens parfois encore dans un purgatoire de relations polies et distantes.

Rien de surprenant pour le géographe. «La communauté rurale tissée serrée, c’est un mythe, dit-il. Dans certains villages, des conflits peuvent amener la moitié de la population à haïr l’autre! Les néoruraux ont aussi tendance à sous-estimer à quel point la campagne est avant tout un espace productif, loin de l’image bucolique et sauvage qu’ils pouvaient en avoir. On exploite le territoire plutôt que de l’habiter. Et ceux qui fuyaient le quartier DIX30 se retrouvent parfois à être dépendants d’infrastructures routières ou marchandes géantes, disproportionnées, car calquées sur le bâti métropolitain.»

Malgré le manque de bibliothèques, d’amitiés fortes et de spontanéité, je ne pensais pas puiser autant de bien-être et de cohérence dans ma nouvelle vie. Je prends ma place dans la nature. Ça n’a pas de prix.

 

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