Santé

Quand le climat raréfie l'eau potable

Quand le climat raréfie l'eau potable

Istockphoto.com Photographe : Istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

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Quand le climat raréfie l'eau potable

Des pluies diluviennes, des vents à écorner les bœufs ou une soif de cactus. Ce sont des conséquences appréhendées des changements climatiques sur la planète et dans notre Québec méridional. Jadis rares, ces fortes précipitations ou ces périodes de sécheresse prolongée accroissent les risques d’une détérioration de l’approvisionnement en eau potable.

On l'oublie souvent: en période de pluie abondante, les infrastructures d'écoulement des eaux et celles de production et de distribution d'eau potable perdent de leur efficacité. Des eaux non traitées drainant pesticides ainsi que matières organiques et toxiques sur leur passage se mêlent à l'eau potable, qui peut ainsi présenter un risque accru de maladies. Les sécheresses ne sont guère plus rassurantes: les prises sont abaissées et la stagnation de l'eau peut entraîner la prolifération d'algues et d'autres bactéries.

Riche en eau, mais...

À la fin de 2008, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) rappelait dans l'étude Changements climatiques au Québec méridional que le Québec possède 3 % des ressources d'eau douce renouvelable de la planète, alors qu'à peine 0,1 % de la population mondiale vit sur le territoire. De plus, environ 44 % des réseaux municipaux du Québec puisent leur eau en surface (lacs, rivières et fleuve), approvisionnant quelque 5,3 millions de Québécois.

Cette abondance fait en sorte que seulement 0,5 % du volume d'eau disponible sur le territoire est prélevé, ce qui est une performance nettement supérieure à celle des 30 autres pays les plus industrialisés qui, eux, en puisent 11 % sur le leur. Il ne faudrait pas pour autant nous croire protégés contre la disette: certaines régions du sud du Québec pourraient se retrouver en situation de pénurie d'eau potable en période d'étiage. Et les changements climatiques anticipés des prochaines décennies pourraient exacerber la situation critique de certaines municipalités.

Incertitudes à venir

Des études montrent que durant les 30 à 50 dernières années, le débit moyen des cours d'eau a diminué dans plusieurs régions du Canada, surtout celles les plus au sud, particulièrement en août et en septembre. En contrepartie, d'autres études prévoient une augmentation des précipitations neigeuses en hiver et des pluies plus fréquentes. Bref, c'est un dérèglement climatique qui n'annonce que des incertitudes! «Et la première action à entreprendre pour s'adapter à la baisse éventuelle de la ressource hydrique est certainement de réduire la demande ou, à tout le moins, d'en freiner la croissance», suggèrent les auteurs de l'étude, Alain Mailhot, Sophie Duchesne, Guillaume Talbot, Alain N. Rousseau et Diane Chaumont.

Les municipalités ont toutes avantage à sensibiliser leurs citoyens à rationaliser leur boulimie d'arrosage des pelouses pendant les périodes très chaudes et à s'assurer de colmater les fuites d'eau potable dans leur réseau de distribution.

Ce que signifie une eau potable dégradée

Certes, il ne faut pas tomber dans l'alarmisme avant terme. Il serait tout aussi mal avisé d'agir en Gros-Jean comme devant! En effet, il faut se rappeler ce qu'apporte une eau polluée qui rejoint des infrastructures non adaptées aux situations climatiques extrêmes et qui ne peuvent produire une eau potable de haute qualité. Prenons l'exemple de l'agriculture intensive, qui s'installe avec domination dans certaines régions du Québec. La production porcine et les élevages de bœuf, de même que les épandages de pesticides, ont déjà fait l'objet d'autres études de l'INSPQ. En milieu rural, le lessivage des sols lors de fortes pluies accentue la dégradation croissante des cours d'eau et des espèces qui y vivent. Or, dans plusieurs cas, les municipalités s'approvisionnent dans ces cours d'eau de surface pour fournir de l'eau potable aux citoyens. Les risques sanitaires sont réels.

Le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) fait sa part et réglemente. Tout épandage de fumier et de lisier doit être réalisé avant la date limite du 1er octobre. L'éleveur doit détenir un plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) validé par un agronome qui détermine les volumes à épandre dans les champs. Mais ce plan ne les met pas à l'abri des caprices de la nature.

Si l'été est pluvieux, le ruissellement dans les cours d'eau sera amplifié. Les épandages d'automne sont susceptibles de créer d'autres problèmes. «Les sols sont gorgés d'eau; il existe moins de chances que le phosphore se fixe. On peut faire des liens avec les problèmes de qualité de l'eau l'été suivant. De plus, on connaît mal les effets bio-accumulatifs et combinés des polluants dans l'eau. On ne sait pas combien de temps cela prend pour qu'ils soient déposés dans les sédiments et qu'ils ne soient plus dangereux», reconnaît Jacques Roy, ingénieur en génie rural au MDDEP.

Cyanobactéries et compagnie

Les chaleurs intenses, suivies de sécheresses, ont des effets sur la qualité des lacs et rivières dont un nombre important subit l'éclosion des cyanobactéries. Les interdictions de santé publique tombent alors comme des massues: pas le droit de boire l'eau, même bouillie; pas le droit de l'utiliser pour se doucher ni pour laver les vêtements et la vaisselle; interdiction aux enfants et aux animaux d'y patauger.

En septembre 2000, l'INSPQ publiait un avis de santé public prévenant le milieu médical que la présence de cyanobactéries occasionnait des atteintes hépatiques et des symptômes de gastroentérite chez des personnes ayant consommé cette eau contaminée. Les réactions physiques liées aux cyanobactéries toxiques se reconnaissent à des irritations cutanées et oculaires, à des maux de gorge et à des allergies. De plus, dès cette période, Santé Canada a classé la principale toxine rencontrée - la microcystine-LR - dans le groupe des substances possiblement cancérigènes.

Les changements climatiques auront un impact direct sur l'eau et sa qualité. L'étude de l'INSPQ démontre que son abondance ne garantit pas des risques de contamination. Que faut-il donc de plus pour que l'on comprenne que cette menace commande une attitude nouvelle vis-à-vis de l'environnement?

Lire aussi: L'eau est un besoin humain fondamental et Une compétition pour l'eau se dessine dans le monde

Voir aussi: L'eau, le vrai défi

 

Sources

Alain Mailhot, Sophie Duchesne, Guillaume Talbot, Alain N. Rousseau et Diane Chaumont, Changements climatiques au Québec méridional - Approvisionnement en eau potable et santé publique: projections climatiques en matière de précipitations et d'écoulements pour le sud du Québec - Résumé.

Gingras, Benoît, Jean-Marc Leclerc, Pierre Chevalier, Daniel G. Bolduc, Michel Laferrière et Suzanne H. Fortin. 2000. Les risques à la santé publique associés aux activités de production animale. Bise - Bulletin d'information en santé environnementale, vol. 11, no 5. En ligne.

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