Santé

Pour en finir avec les nuits blanches

Pour en finir avec les nuits blanches

Auteur : Coup de Pouce

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Pour en finir avec les nuits blanches

Dormir: quoi de plus naturel? Pourtant, pour bon nombre d'entre nous, pas moyen de fermer l'oeil. Six insomniaques se racontent dans l'espoir de trouver le sommeil.

Quand notre plafond n'a plus de secrets pour nous, c'est que l'insomnie, on connaît. On n'est pas la seule: pratiquement tout le monde est affecté par des problèmes de sommeil à une période de sa vie. Selon diverses études canadiennes et américaines, l'insomnie touche actuellement environ 15 % de la population. Les plaintes sont deux fois plus nombreuses chez les femmes, notamment parce que celles-ci en parlent plus ouvertement. «Elles ne prennent pas assez de temps pour leur santé et courent d'une obligation à l'autre», observe Laura Creti, psychologue et chercheuse à la Clinique d'insomnie de l'Hôpital général juif, à Montréal. C'est donc souvent la nuit, au moment où on se permet enfin de ralentir la cadence, que la machine s'emballe et que se mettent à défiler les soucis, principaux responsables de l'insomnie passagère.

«Dors, mais dors donc!» se dit-on avec impatience. Or, le sommeil ne se commande pas, rappelle l'infirmière Liette Delorme, qui donne des ateliers sur le sommeil au CLSC du Ruisseau-Papineau, à Laval, dans le cadre d'un programme en santé mentale. Il demeure parfaitement normal de dormir moins, ou moins bien, pendant certaines nuits, et personne ne peut régler nos soucis à notre place.

Alors, par où commencer pour cesser de se retourner dans son lit? Cela dépend de la cause de l'insomnie. Quant à la médication, si elle peut soulager temporairement, elle n'est pas une panacée. «Certains somnifères perturbent l'architecture du sommeil, ce qui se traduit généralement par le sentiment de ne pas avoir dormi de manière naturelle», explique Laura Creti. En effet, certains médicaments font en sorte qu'on escamote le stade du sommeil profond. Le Dr  Charles Morin, de l'Université Laval, connu pour ses recherches sur le sommeil, a démontré qu'un traitement pharmacologique seul n'est pas efficace. Mieux vaut miser sur un changement profond de nos habitudes.

Dans l'espoir de trouver des pistes pour y arriver, six femmes souffrant d'insomnie se racontent.

Julie, 33 ans, travailleuse autonome

Son problème: une incapacité à ralentir le rythme et des nuits en dents de scie. Julie veut toujours terminer ce qu'elle a entrepris avant d'aller se coucher. Elle se concentre mieux à l'ordinateur le soir, mange à l'heure des Espagnols et travaille jusqu'à minuit. Elle se couche épuisée, mais l'effervescence dans laquelle elle baigne la fait dormir par tranches de quelques heures, entrecoupées de plages d'éveil d'une heure. Elle ne dort bien que le matin; fatiguée, elle peine à se remettre au travail. Toute sa journée est à nouveau décalée.

Qu'est-ce qui se passe? Si l'appétit vient en mangeant, le sommeil vient en relaxant. «Il n'y a pas d'interrupteur pour se mettre automatiquement à off une fois la tête sur l'oreiller», dit Liette Delorme. Julie aurait intérêt à se détendre un peu tout au long de la journée, en diminuant l'intensité de son rythme et en intégrant à son emploi du temps des plages de relaxation ou des siestes de 20 minutes (maximum!), qui permettent au corps, le soir venu, de mieux se laisser aller. Qu'importe ce que pense son entourage de la voir étendue sur le canapé au beau milieu de la journée! «Pourquoi devrait-on vivre dans la culpabilité de se reposer?» s'interroge l'infirmière.

Marie, 52 ans, herboriste et entrepreneure

Son problème: des nuits courtes, courtes, courtes.

Marie est insomniaque chronique depuis la petite enfance. Si elle arrive à dormir pendant six heures une nuit sur trois, elle estime la situation tolérable. Elle bénéficie heureusement de beaucoup plus d'énergie que la moyenne des gens. Elle n'a jamais voulu prendre de somnifères pour régler ce problème et n'a jamais consulté de spécialiste du sommeil, l'insomnie ne la rendant ni dépressive ni malade.

Qu'est-ce qui se passe? «Certaines personnes dorment excessivement peu dès l'enfance, comme d'autres dorment 10 heures par nuit toute leur vie», constate Laura Creti. Règle numéro un: on ne se compare à personne en matière de sommeil. Suis-je fatiguée? Ai-je assez dormi? À nous seule de répondre. Par ailleurs, Marie fait bien de prendre du recul par rapport à son insomnie. «On dort souvent plus et mieux qu'on ne le croit. L'exagération du problème est un piège pour les insomniaques», prévient Liette Delorme. Noter avec honnêteté nos heures réelles de sommeil peut nous réserver des surprises. «En réalité, trois, voire quatre nuits sur sept sont souvent acceptables en termes d'heures de sommeil», observe-t-elle. Un éclairage positif qui a parfois un effet fort apaisant.

Carole, 45 ans, agente de restriction des fraudes

Son problème: des réveils nocturnes prolongés. Si Carole passe une bonne nuit de huit heures, les choses se gâtent dès le lendemain. Anxieuse de nature, elle se réveille à 1 h ou 2 h et ne se rendort pas du tout. Excédée, elle sait que la nuit sera blanche. Surtout le dimanche soir, avant le retour au travail. Elle n'est ni efficace ni de bonne humeur le lendemain.

Qu'est-ce qui se passe? «Le stress de performance, c'est le moteur de l'insomnie», expose Liette Delorme. On a mille choses à faire le lendemain, on ne veut pas être en retard, on tient à être à notre meilleur: ces idées fixes font fuir le sommeil. Une forme de compétition s'installe alors entre lui et nous. «On répète un discours chargé de frustration qui entretient l'insomnie. On se dit qu'on n'arrivera jamais à s'endormir ou encore, au matin, que notre journée est fichue.» Au lieu de tenir ce genre de discours, Carole devrait se dire: «Je n'ai dormi que quelques heures, mais je vais faire ma journée avec ce capital de sommeil. Si j'en ai besoin, je ferai une sieste ou une séance de relaxation.» Le fait de relativiser et d'être optimiste peut faire une énorme différence, promet Liette Delorme.

Caroline, 23 ans, étudiante en lettres

Son problème: un sommeil qui n'arrive qu'après de longues heures. Même fatiguée, Caroline a du mal à s'endormir. Elle ressasse diverses préoccupations et met jusqu'à quatre heures à trouver le sommeil. Chaque période d'insomnie peut durer des semaines, et elle trouve très difficile de travailler dans ces conditions. Le matin, c'est la galère!

Qu'est-ce qui se passe? Il y en a trop sur son disque dur! Caroline devrait décharger son cerveau de sa fonction d'aide-mémoire et noter dans un carnet toutes les pensées qui pourraient l'envahir la nuit. «Mettre sur papier ce qui est important à nos yeux peut prendre une vingtaine de minutes pendant la journée, mais nous fait parfois gagner une ou deux heures de sommeil», assure Laura Creti.

Le soir venu, on écoute notre corps: légers frissons (on perd un degré avant d'aller dormir), bâillements et paupières lourdes nous indiquent de ralentir. «Certaines personnes ne doivent pas rater le moment qui leur permet de sombrer facilement dans le sommeil et gagnent à observer une routine du coucher avec des heures stables», affirme la psychologue. Une heure avant le dodo, Caroline devrait donc tout arrêter et prendre un bain, lire, respirer par le ventre... À éviter: tout ce qui stimule, comme passer du temps devant l'ordinateur (particulièrement lumineux) ou regarder un film captivant. Quant à l'exercice physique, en plus d'être excitant, il augmente la température corporelle. En revanche, le pratiquer plus tôt dans la journée, ne serait-ce que 30 minutes, encourage le sommeil profond. Une activité sexuelle modérée ne devrait pas l'empêcher de trouver le sommeil, mais c'est à elle de voir.

Solange, 59 ans, retraitée

Son problème: une ménopause qui dérègle les cycles du sommeil. Solange a toujours dormi comme un bébé. Mais, depuis le début de sa ménopause, elle dort très mal une nuit sur deux. Elle prend des hormones, qui n'ont toutefois aucun impact positif sur son sommeil. Solange ne vit pas de stress particulier et s'estime heureuse. Comme elle a de l'énergie à revendre, la situation est désagréable, mais pas dramatique.

Qu'est-ce qui se passe? Les problèmes de sommeil peuvent avoir des causes purement physiques: c'est ce qui arrive souvent avec la ménopause. La structure du sommeil se modifiant avec l'âge, l'incidence de l'insomnie augmente. L'apnée du sommeil est également plus fréquente après la ménopause.

En vieillissant, on sécrète de moins en moins de mélatonine. Or, cette substance produite par la glande pinéale, à la base du cerveau, favorise le sommeil. Après en avoir discuté avec son médecin, Solange pourrait tenter de réguler son horloge biologique en prenant des suppléments de mélatonine (en pharmacie, dans la section des produits naturels). Devrait-elle cesser de prendre des hormones? «L'hormonothérapie a parfois un effet bénéfique, mais pas de façon systématique. Il faut impérativement en discuter avec un médecin compétent», conseille Laura Creti.

Par ailleurs, les femmes en ménopause sont souvent réveillées par des bouffées de chaleur. Pour éviter d'associer notre lit à l'insomnie et à la frustration, il est préférable de diminuer le nombre d'heures qu'on y passe, selon la psychologue. On le quitte donc au bout de 15 minutes d'éveil. Si Solange trouve trop difficile de se lever la nuit, elle pourrait écouter un livre-disque dans le noir afin d'apaiser son cerveau. Pour se fatiguer, elle pourrait aussi se coucher une heure plus tard et se lever une heure plus tôt pendant quelques jours. «S'exposer à une lampe de luminothérapie au lever ou en fin de matinée peut également aider à commencer sa journée plus tôt et, le soir, à repousser l'heure du coucher, donc à stabiliser le rythme du sommeil. Cette exposition stimule la sécrétion de mélatonine pendant la soirée», ajoute Laura Creti.

Hélène, 31 ans, accompagnatrice à la naissance

Son problème: un sommeil fragile qui se dérègle facilement. Hélène a commencé à souffrir d'insomnie à la suite d'un deuil important. Cette faiblesse revient notamment lorsqu'elle mange des aliments qu'elle tolère mal, comme le blé - surtout si elle les consomme après 19 h pour se coucher à 22 h. Elle se réveille alors à 4 h et ne se rendort pas.

Qu'est-ce qui se passe? «Le manque de sommeil peut déprimer, et la dépression peut affecter le sommeil», explique Liette Delorme. Il faut donc soigner les deux. De plus, une insomnie non traitée peut engendrer une vulnérabilité du système immunitaire.

Selon Laura Creti, plusieurs problèmes de santé mentale sont susceptibles d'être associés à l'insomnie, mais la dépression l'est tout particulièrement. De plus, les problèmes de sommeil peuvent rester ou revenir périodiquement, même si les éléments déclencheurs de l'épisode dépressif ne sont plus d'actualité.

Pour favoriser le sommeil, on évite de solliciter le système digestif en soirée et on privilégie les glucides (pâtes, riz) aux protéines (viande, poisson), plus difficiles à digérer. Les mets épicés, les arachides, les légumineuses, les fruits et légumes crus, les aliments riches et ceux qui ne nous conviennent pas d'ordinaire sont aussi à oublier, comme l'a constaté Hélène. Attention également à la caféine, qui peut rester dans l'organisme jusqu'à six heures, ainsi qu'au tabac et à l'alcool, qui sont des excitants. En revanche, Hélène pourrait boire un peu de lait dans la soirée: il contient un acide aminé qui semble induire le sommeil chez certaines personnes. Cela dit, le pouvoir subjectif d'un aliment que l'on croit favorable au sommeil est très fort. «J'ai tout entendu, de la banane à l'aspirine, qui n'a pourtant aucun pouvoir somnifère», s'étonne Liette Delorme.

Pendant deux semaines, Hélène pourrait noter dans un journal de bord ce qu'elle mange et les activités auxquelles elle s'adonne, puis la façon dont chaque nuit s'est déroulée, pour tenter de comprendre ce qui a pu la perturber. Mais il ne suffit pas d'identifier les éléments problématiques: encore faudra-t-il passer à l'action!

Citations

Huit heures de sommeil pour tout le monde: qui a dit ça? Ce n'est qu'une moyenne.

Le stress permet d'aller plus vite, mais la détente permet d'aller plus loin.

- Dalaï-lama

Donnez votre montre, et prenez votre temps.

- Jean-Louis Servan-Schreiber

Pour aller plus loin

10 minutes pour bien dormir, par Anne Tardy, Flammarion, 2007, 238 p., 27,95 $.

• Vaincre les ennemis du sommeil, par le Dr Charles M. Morin, Les Éditions de l'Homme, 2009, 288 p., 24,95 $.

Le site de la Fondation Sommeil. Une mine d'informations sur les troubles du sommeil et des façons de les vaincre.

 

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