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L’incontinence urinaire, il faut qu’on en parle

L’incontinence urinaire, il faut qu’on en parle

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L’incontinence urinaire, il faut qu’on en parle

L’incontinence urinaire, qui peut affecter grandement la qualité de vie et l’estime de soi, touche une femme sur trois à un moment ou à un autre de sa vie.

Nous sommes nombreuses à souffrir en silence, et pourtant des solutions existent.

 

Quelques heures après avoir donné naissance à un bébé de plus de quatre kilos, Catherine a voulu se lever. «J’avais à peine mis les pieds au sol que ma vessie s’est vidée. Je n’avais même pas senti que j’avais envie d’uriner! Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je pensais que j’étais la seule à vivre cela.»

Et pourtant, non. Comme Catherine, environ 10% des femmes qui accouchent par voie vaginale ont des épisodes d’incontinence urinaire par la suite, selon la physiothérapeute Chantale Dumoulin. «Une longue poussée, une déchirure du vagin, un gros bébé et l’utilisation de forceps sont autant d’éléments qui augmentent le risque d’en avoir», indique la directrice du microprogramme en rééducation périnéale et pelvienne de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la santé urogynécologique et le vieillissement.

En fait, la grossesse elle-même est un facteur de risque. Le plancher pelvien, cet ensemble de muscles situés entre le pubis et le coccyx, peut en effet s’affaiblir sous le poids de l’utérus. La contraction de ces muscles est alors moins efficace pour resserrer l’urètre et ainsi retenir l’urine. On peut toutefois s’aider en effectuant des exercices de renforcement du plancher pelvien dès la vingtième semaine de grossesse.

Plus tard dans la vie, c’est la ménopause et le vieillissement qui prédisposent à l’incontinence. «La diminution du taux d’œstrogènes peut affecter la force du sphincter qui entoure l’urètre, explique la Dre Lysanne Campeau, urologue spécialisée en troubles mictionnels. De plus, les muscles et les ligaments du bassin et du plancher pelvien peuvent perdre du tonus.» Après 60 ans, de 30 à 40% des femmes ont des fuites urinaires.

L’obésité, la constipation et la toux chronique sont aussi des facteurs de risque, de même que la consommation de tabac et d’alcool. Même chose pour la pratique compétitive ou intensive d’un sport avec impact, comme la course, le volleyball et la trampoline. Enfin, l’incontinence est parfois une séquelle d’une infection urinaire ou d’une maladie, comme la sclérose en plaques, le diabète ou le Parkinson.

 

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Un mal tabou

Il n’est pas facile de parler d’incontinence. Les personnes touchées ont honte et certaines ne révèlent pas leur état à qui que ce soit, même pas à leur conjoint. «Il y a beaucoup de stigmatisation autour de cette condition qui touche l’intimité, constate Chantale Dumoulin. Des femmes hésitent même à consulter. Et elles sont nombreuses à diminuer leurs activités sociales ou à s’empêcher de faire de l’activité physique parce qu’elles craignent de ne pas se rendre aux toilettes à temps.»

Selon la Fondation d’aide aux personnes incontinentes du Canada, 84% des personnes atteintes éprouvent de la gêne et 73% du découragement. Catherine peut en témoigner: «Au début, j’étais troublée et inquiète de ce qui m’arrivait. Je me demandais à quoi ressemblerait ma vie. J’avais peur aussi que cela nuise à ma sexualité.» 

Cependant, si l’incontinence urinaire peut causer de la détresse et nuire considérablement à la qualité de vie, ce n’est pas toujours le cas. «Certaines femmes composent bien avec cette situation, remarque la Dre Campeau. Leurs activités quotidiennes ne sont pas affectées, ni leur santé mentale.»

Il faut dire qu’il y a une grande hétérogénéité parmi les femmes touchées. «Certaines perdent quelques gouttes d’urine ici et là, tandis que d’autres mouillent plusieurs serviettes d’incontinence par jour, poursuit l’urologue. Mais ce qu’il est important de savoir, c’est que l’incontinence se traite et ne doit pas être considérée comme normale, peu importe l’âge.»

 

Les trois principaux types d’incontinence urinaire
  1. Incontinence d’effort: Perte involontaire d’urine qui survient lorsqu’on fait de l’exercice, qu’on soulève un objet lourd, qu’on rit, qu’on tousse, qu’on éternue, etc. Avec environ la moitié des cas, c’est la catégorie d’incontinence la plus fréquente chez les femmes.
  2. Incontinence par impériosité (ou d’urgence): Perte d’urine précédée d’une soudaine et pressante envie d’uriner. Ce besoin urgent de se rendre aux toilettes est fréquent et se manifeste de jour comme de nuit.
  3. Incontinence mixte: Combinaison des deux précédents types d’incontinence.

 

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Muscler le plancher pelvien

Dans un premier temps, l’approche préconisée pour enrayer ou atténuer l’incontinence est douce, c’est-à-dire non invasive et sans effets secondaires. Les exercices de renforcement du plancher pelvien, qui consistent à contracter les muscles de cette partie du corps, sont l’une des options à privilégier. Son taux de succès d’environ 70% est assez remarquable.

C’est ce qui a changé la donne pour Catherine, qui a été suivie en physiothérapie périnéale après son accouchement. «Aujourd’hui, j’ai parfois des fuites lorsque je ris ou que j’éternue, mais c’est minime et je vis bien avec cela», raconte la femme de 40 ans. Elle tient d’ailleurs à rendre hommage à «ces physiothérapeutes qui font un travail exceptionnel en redonnant aux femmes leur dignité».

Avec les exercices du plancher pelvien, la plupart des femmes voient en effet une réduction des pertes urinaires, tandis que d’autres n’en ont plus du tout, selon Chantale Dumoulin. Et il n’est jamais trop tard, insiste la chercheuse en santé urogynécologique. Elle donne en exemple une femme de 80 ans qui a pu améliorer son état, elle qui souffrait d’incontinence depuis ses accouchements.

Pour être efficaces, les exercices doivent être exécutés quatre ou cinq fois par semaine pendant au moins trois mois. Ensuite, il est conseillé de les reprendre de une à trois fois par semaine pour maintenir ses acquis. Certes, il faut faire preuve de discipline, mais on sera heureuse de savoir qu’en prime, un plancher pelvien musclé augmente le plaisir sexuel. «Les femmes ont davantage de sensations lors des rapports sexuels et atteignent plus facilement l’orgasme», affirme Chantale Dumoulin.

Par ailleurs, il est prudent de consulter une physiothérapeute en réadaptation périnéale pour se faire montrer comment bien effectuer les exercices. «Jusqu’à 40% des femmes ne font pas le bon mouvement, signale Chantale Dumoulin. Elles poussent au lieu de faire une contraction, ce qui peut empirer l’incontinence.» Une physiothérapeute nous préparera un programme d’exercices adapté à l’état de notre plancher pelvien. De plus, les exercices effectués sous la supervision d’une spécialiste donnent de meilleurs résultats.

Le hic, c’est que la physiothérapie périnéale n’est pas couverte par la Régie de l’assurance maladie du Québec, sauf dans certains hôpitaux où des services sont offerts aux femmes ayant subi de sévères dommages au vagin en accouchant. Les frais facturés en clinique privée sont toutefois remboursés par certaines assurances d’employeurs.

 

Les autres traitements

Les exercices du plancher pelvien sont souvent combinés à des changements dans les habitudes de vie. Pour traiter l’incontinence, il est ainsi recommandé de cesser de fumer et de limiter la consommation de boissons et d’aliments qui irritent la vessie (café, thé, chocolat, boissons gazeuses, alcool, mets épicés, tomates, fruits et jus acides). Il faut aussi prévenir ou soulager la constipation en adoptant une alimentation riche en fibres et en buvant au moins 1,5 litre d’eau par jour, la constipation pouvant affaiblir le plancher pelvien. Maintenir un poids santé et contrôler la toux chronique contribuent également à ménager cette partie du corps.

La rééducation de la vessie, elle, s’adresse aux personnes qui souffrent d’incontinence par impériosité. Elle les aide à réduire les visites aux toilettes et à maîtriser les envies pressantes. En gros, il s’agit d’allonger graduellement l’intervalle entre les mictions et d’apprendre à se retenir quelques minutes en contractant les muscles pelviens.

Si rien de tout cela ne fonctionne, on passe à une deuxième étape. Pour l’incontinence par impériosité, il existe des médicaments. «Ils ne guérissent pas l’incontinence, mais ils réduisent de beaucoup la fréquence des pertes d’urine, indique la Dre Lysanne Campeau. Et si la patiente ne voit toujours pas d’amélioration, l’urologue lui proposera alors des méthodes plus avancées, comme l’injection de toxine botulique (Botox) dans la paroi de la vessie ou la neuromodulation, une technique qui consiste à envoyer de petites impulsions électriques aux nerfs sacrés qui commandent la vessie au moyen d’un dispositif placé sous la peau.»

Quant à l’incontinence d’effort, l’injection d’agents de comblement dans les tissus de l’urètre ainsi que différentes interventions chirurgicales peuvent être envisagées lorsque les méthodes douces ne suffisent pas. La pose d’une bandelette sous l’urètre (urétropexie) est l’intervention la plus commune. Il faut cependant savoir qu’un modèle en particulier, la bandelette transobturatrice (TOT ou TVTO), a causé des complications chez des centaines de femmes. Dans un rapport d’enquête, le Collège des médecins du Québec rapporte qu’environ 10% des patientes éprouvent des effets indésirables, comme des douleurs chroniques (aux fesses, aux hanches, au dos, au bassin) et des douleurs lors des rapports sexuels, l’érosion de la paroi vaginale, des pertes de mobilité et des problèmes d’équilibre. Quatre centres d’expertise ont récemment été mis en place au Québec pour s’occuper de ces patientes.

Actuellement, la bandelette rétropubienne est la plus populaire, car elle présente un risque moins élevé de complications. Cependant, l’intervention chirurgicale devrait toujours être une solution de dernier recours, rappelle la Dre Campeau. «Avant de prendre une décision, il est important d’avoir une discussion franche avec son médecin pour bien peser le pour et le contre. Il ne faut surtout pas hésiter à poser des questions.» 

 

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