Santé

Dominique Demers: après le cancer, la vie!

Dominique Demers: après le cancer, la vie!

Auteur : Coup de Pouce

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Dominique Demers: après le cancer, la vie!

Dominique Demers, docteure en littérature et grande dame de la littérature jeunesse, raconte aujourd’hui l’histoire d’Igor, ce cancer «ordinaire» qu’elle s’est découvert à la poitrine. Conversation avec une femme d’exception.

Rappel des faits: en voyage d'affaires à Paris il y a quatre ans, Dominique Demers se découvre une bosse au sein en pratiquant l'auto-examen des seins, technique qui n'est pourtant plus valorisée chez les femmes. Tout de suite, celle qui a vu sa mère mourir du cancer du sein à l'âge de 14 ans sait qu'il s'agit d'une tumeur maligne. De là commence l'histoire pas du tout banale mais malheureusement bien commune d'un combat qui n'aurait à ses yeux qu'une issue possible: une furieuse envie de savourer chaque journée.

Pourquoi nommer son cancer et, de surcroît, le nommer Igor?

Dans mon livre La Nouvelle Maîtresse (mieux connue sous son incarnation au cinéma de La Mystérieuse Mademoiselle C.), Mme Charlotte a une roche qui s'appelle Gertrude, sa confidente. Je voulais, comme ce personnage, donner un nom à mon cancer pour le personnifier. Mais surtout, je voulais lui donner un nom laid pour mieux le détester. Igor, c'est un nom de méchant! Le cancer, ça ne fait pas mal, du moins pas au début. C'est un intrus invisible qui change notre vie. Le nommer, c'était ma façon de lui parler pour éventuellement le vaincre.

Votre récit est à la fois très critique envers les travers du système de santé et élogieux envers plusieurs personnes qui y travaillent. Vous n'avez pas eu peur de défoncer des portes, comme en vous présentant un soir à l'urgence pour faire diagnostiquer votre cancer puisque vous n'aviez pas de médecin de famille. Faut-il être un bulldozer pour espérer recevoir des bons soins?

C'est vrai qu'il faut parfois défoncer des portes. Avec ce qu'avait vécu ma mère, j'avais une envie féroce de me prendre en main. Du temps que j'étais journaliste (NDLR: Mme Demers a été pendant 15 ans journaliste entre autres aux magazines L'Actualité, Châtelaine et au journal Le Devoir), j'étais surtout attirée par les sujets impopulaires qu'il fallait vendre à mon éditeur à cause du défi qu'ils représentaient. Dans la vie comme dans la maladie, il faut être capable d'autonomie. On voudrait que le système nous prenne en charge, mais il faut d'abord se choisir soi. Évidemment, on n'a pas à être un bulldozer, car si on veut être respectée, on doit respecter les autres. Mais pour ne pas s'écraser devant celles que j'ai appelé les sorcières (NDLR: l'auteure qualifie le personnel soignant arrogant, hautain ou peu intéressé par les soins aux patients de sorcières), il faut apprendre à s'aimer. Et à croire à notre guérison. C'est la première bataille.

N'est-ce pas dommage que ça semble prendre une grave atteinte à sa vie pour pouvoir en comprendre sinon le sens, du moins la valeur?

Il y a quelque chose de très harmonieux dans le cancer, dans le sens que, pour bien le vivre et le gérer, il faut être en harmonie avec soi-même. Je ne sais pas si ça aide à rester vivant, mais chaque moment devient précieux. Pour cela, il faut répudier le titre de victime: en se complaisant dans le rôle de victime, on s'empêche d'agir! C'est la pire des choses. C'est moi l'adulte, vivante, au volant de ma vie, donc à moi de décider: soit je change les choses, soit j'accepte le statu quo. C'est vrai pour n'importe quelle situation dans ma vie, pas juste pour le cancer. Ainsi, on constate que, si on veut trouver le temps de lire, par exemple, le seul moyen d'y arriver, c'est d'enlever autre chose à l'horaire.

À lire: L'importance de bouger quand on a le cancer

Parfois, peut-être, il suffit de renommer les choses, de changer la formulation pour changer notre perception. Ce que vous avez fait en décidant de transformer votre mois de traitements quotidiens de radiothérapie en «entraînement à la course à pied». Sept kilomètres de course quotidienne, avec une petite «pause» au milieu pour recevoir un traitement. Assez révolutionnaire comme approche...

C'est comment on emballe les choses qui compte! Pour moi, le sport est une valeur importante, mais si on n'aime pas le sport, ça peut-être n'importe quoi. On peut se dire qu'en route vers notre traitement, on s'arrête pour prendre un bon café ou faire une dégustation de pâtisseries. Il s'agit de trouver une façon de transformer les choses. Une amie m'a dit: «Tu as vécu ton cancer comme tu as vécu ta vie.» Dans la maladie comme ailleurs, on a le droit d'être nous. À cet effet, je ne suis pas un modèle, mais j'ai fait ce que j'ai pu pour ne pas permettre aux autres de me poser en victime, car je n'avais pas du tout envie du regard piteux. J'ai hésité avant de dire aux gens que j'avais le cancer, mais j'en profitais pour faire leur éducation, les aider à poser un regard neuf sur la situation. «Vous vous trompez, les choses vont bien...» et puis, au final, les gens étaient tout contents d'avoir une autre façon de voir la chose. Les êtres humains sont capables d'être extraordinaires, mais souvent, ils n'osent pas! Pourquoi pas utiliser la créativité au service de nos défis?

Quel serait votre message aux femmes touchées par le cancer du sein?

Ce qui me frappe, c'est la chaleur qui se manifeste spontanément dans cette communauté. Je l'ai ressenti avec le cancer. Si possible, ce que je voudrais leur proposer, plutôt que des paroles, c'est une accolade qui transmettrait une sorte de chaleur et un peu de lumière. Pour le reste, c'est à chacune de trouver sa recette, car la vraie recette, c'est celle qui mène à se découvrir.

Chronique d'un cancer ordinaire: ma vie avec Igor, Dominique Demers, Québec Amérique, 2014, 192 p., 22,95$.

À lire: Deux livres pour une maman qui a le cancer

 

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