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Doit-on recourir aux opioïdes pour soulager la douleur?

Doit-on recourir aux opioïdes pour soulager la douleur?

? iStockphoto.com Photographe : ? iStockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

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Doit-on recourir aux opioïdes pour soulager la douleur?

Malgré leurs effets secondaires, les opioïdes n’ont pas de conséquences fâcheuses sur la santé des patients qui en consomment pour traiter leur douleur. Il faut donc se demander ce qui est pire: la douleur ou les effets secondaires?

Chercheurs et cliniciens s'entendent sur une chose: lorsqu'elle n'est pas soulagée, la douleur, longtemps toute-puissante et invincible, n'est pas seulement la manifestation d'une condition anormale du corps. C'est un grave ennemi qui engendre à son tour des perturbations physiologiques (immunosuppression, stress physiologique, etc.) et psychologiques (anxiété, dépression etc.) plus importantes. La douleur est à la fois signal d'alarme et sinistre. Et la médecine a, depuis quelques années, ouvert un nouveau front en lui déclarant la guerre. 

Le cercle vicieux de la douleur

L'histoire de Jasmine, une de mes patientes, est assez évocatrice. Une simple chute sur le dos après avoir glissé sur la glace a complètement bouleversé sa vie. Les douleurs lombaires qui se sont alors installées et qui n'ont pu être initialement maîtrisées ont provoqué un cercle vicieux infernal: trouble du sommeil, fatigue, difficultés de concentration et de mémoire, lesquels ont entraîné la perte de son emploi, la dépression et l'éclatement de son couple, tout cela ravivant la douleur initiale. Ce n'est qu'après une analgésie opioïde adéquate qu'elle a pu retrouver son sommeil, améliorer ses fonctions cognitives et réintégrer le monde du travail.

En passant, des études ont aussi montré que la vigilance au volant était supérieure chez les patients soulagés par les opioïdes que chez les conducteurs souffrant de douleur intense. Encore faut-il s'assurer que l'ajustement des doses d'opioïdes est bien fait et qu'elles n'entraînent pas d'état de somnolence.

Quant aux effets secondaires, il est maintenant possible, grâce à un éventail de moyens (pharmacologiques et non pharmacologiques) de les contrer dans une certaine mesure. Les cliniciens en douleur diront d'ailleurs que l'on détermine les doses et la durée des opioïdes à prescrire en fonction des effets secondaires: parfois, on cessera d'administrer des opioïdes devant des effets secondaires difficiles à enrayer, parfois, on les prescrira en rotation, à doses équivalentes.

Dépendance physiologique ou psychologique aux opioïdes

Le risque de dépendance aux opioïdes demande une franche explication. Il est vrai que l'organisme s'habitue aux opioïdes et que leur arrêt brusque risque d'engendrer des symptômes de sevrage: nausées, vomissements, sudations ou palpitations. Ce type de réaction témoigne d'une dépendance physiologique aux opioïdes. Il est toujours possible d'éviter de telles réactions en diminuant progressivement les doses.

La dépendance qu'il faut le plus craindre est la dépendance psychologique aux opioïdes, qui se manifeste par une consommation incontrôlée, obsessionnelle, avec ses conséquences sérieuses: intoxication, sédation, activité réduite, labilité émotive, perturbation du sommeil, augmentation des plaintes concernant la douleur, dysfonction dans les relations interpersonnelles. Heureusement, la documentation scientifique nous informe qu'une telle dépendance ne se développe - au plus - que chez 5 % des patients qui font usage d'opioïdes. Les médecins suivent des formations spécialisées qui leur permettent de rechercher une telle dépendance chez leurs patients et d'aider ceux qui en souffrent. Il n'est jamais trop tard pour corriger la manière de venir en aide à un patient en douleur chronique.

Des patients pourraient faire croire qu'ils sont dépendants psychologiquement parce qu'ils demandent à leur médecin d'augmenter leur dose d'opioïdes. Or, c'est parfois la dose initialement prescrite qui était trop faible et qui n'arrive pas à abaisser la douleur du patient. Il ne s'agit donc pas d'une dépendance mais d'une pseudo-dépendance puisque les demandes du patient sont tout à fait justifiées et c'est au médecin que revient l'erreur de n'avoir pas su s'ajuster à la douleur du patient. Cette situation est fréquente quand la douleur est d'origine neuropathique.

Le rôle de la douleur

Les situations de tolérance et d'hyperalgésie, deux phénomènes qui se ressemblent à plusieurs égards, font intervenir les mécanismes que la nature a prévus pour diminuer ou pour amplifier les douleurs. Sans ces mécanismes, ou bien les douleurs seraient permanentes ou bien elles n'existeraient pas: la douleur joue pourtant un rôle important, celui de donner l'alerte en présence d'un danger. Quand un individu en bonne santé ne ressent aucune douleur, c'est que ces deux mécanismes sont en état d'équilibre. Malheureusement, il arrive qu'avec la prise d'opioïde, l'un et (ou) l'autre de ces mécanismes se dérègle et la douleur s'accentue avec le temps. Par chance, il existe des moyens pour contourner cette difficulté.

L'un d'eux consiste à changer d'opioïde, en conservant, bien sûr, une dose qui procure une analgésie équivalente. Un autre moyen est l'addition de molécules connues pour bloquer les mécanismes d'amplification de douleur. Enfin, il est toujours possible de sevrer complètement le sujet de son opioïde et de  reprendre le traitement un peu plus tard.

Toujours une place pour les opioïdes

Les opioïdes ont toujours une place dans le traitement de la douleur chronique non cancéreuse. Il faut simplement être à l'affût des effets qu'ils exercent et contrôler les effets secondaires. Ce serait une erreur de ne pas les considérer sous le seul prétexte qu'ils pourraient avoir des effets délétères. Il ne nous apparaît pas très «éthique» de laisser souffrir 85 à 95 % des patients en douleur chronique pour la seule raison qu'entre 5% et 15 % d'entre eux auront des inconvénients. Inconvénients par ailleurs réversibles à l'arrêt du traitement ou  tout au moins contrôlables. Les opioïdes ont toujours, pour nous, une place dans le traitement de la douleur chronique non cancéreuse. 

Les opioïdes et la douleur chronique non cancéreuse constituent un faux problème, mais une vraie pseudo-controverse!

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