Nutrition

On démystifie le déjeuner

On démystifie le déjeuner

  Photographe : Shutterstock

Nutrition

On démystifie le déjeuner

On nous martèle depuis des décennies que le déjeuner est le repas le plus important de la journée. Mais on entend aussi qu’il n’y a pas de mal à le sauter...

Trois experts en nutrition démystifient quelques croyances populaires sur le sujet.

 

Le déjeuner est le repas le plus important de la journée

C’est une diététiste qui aurait émis pour la première fois cette affirmation en 1917 dans le magazine Good Health. Une déclaration qui n’était pas totalement désintéressée, puisque le rédacteur en chef était nul autre que le Dr John Harvey Kellogg (oui, oui, l’inventeur des Corn Flakes!). Reste que le concept a tellement été repris qu’il a réussi à se rendre jusqu’à nous. «Le problème, c’est qu’aucune étude n’a pu le prouver scientifiquement», indique Amélie Charest, nutritionniste et coordonnatrice de la Chaire de nutrition à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval.

Les spécialistes de l’alimentation s’entendent toutefois sur une chose: le déjeuner n’est peut-être pas le repas le plus important, mais il est aussi important que les autres. «On peut ajouter que c’est le plus négligé et le plus sous-estimé des repas», mentionne le docteur en nutrition Hubert Cormier.

Pourtant, les études ont révélé que manger le matin suppose un ensemble de bonnes habitudes. «Les recherches montrent que les gens qui déjeunent fument moins et boivent moins d’alcool, sont plus actifs et ont une meilleure hygiène de sommeil ainsi qu’une alimentation plus saine», détaille Stéphanie Côté, nutritionniste, auteure et conférencière.

 

Je ne déjeune pas parce que je pratique le jeûne intermittent (fasting)

Dans le but d’améliorer leur santé ou de perdre du poids, certaines personnes omettent volontairement de manger le matin afin de concentrer tous leurs repas sur une période de quelques heures (de midi à 20 h, par exemple).

Mme Côté émet un bémol à ce sujet: «C’est déconseillé de se forcer à taire sa faim pour suivre un horaire précis, parce qu’on se déconnecte des besoins de notre corps. C’est comme de se dire: “Je ne dois pas faire pipi avant midi.”»

 

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Je n’ai jamais faim le matin

Certaines personnes n’ont à peu près jamais déjeuné de leur vie et elles ne s’en portent pas plus mal... Mais si la fatigue nous tenaille au cours de la journée, qu’on a mal à la tête constamment ou qu’on a de la difficulté à maintenir notre poids santé, il est peut-être temps de revoir nos habitudes.

Est-ce que je peux varier mes déjeuners?

Certains sautent le déjeuner parce que les céréales et les rôties ne leur ouvrent pas l’appétit. Mais ce qu’on met dans notre assiette le matin est culturel, font remarquer les experts en nutrition consultés. On peut très bien manger des restants (une soupe tonkinoise, des pâtes à la sauce bolognaise, un riz au poulet et brocoli, un sauté de légumes et tofu) si l’on en a envie.

Ce que je mange le soir me coupe-t-il l’appétit le lendemain?

«Si l’on soupe tard, qu’on prend un repas copieux ou une grosse collation en soirée, il est fort possible qu’on n’ait pas faim le lendemain matin», fait remarquer M. Cormier.

Est-ce que je peux changer ma routine matinale afin de déjeuner avant de travailler?

«Devancer le réveil de 15 minutes ou déplacer le déjeuner à la fin de la routine matinale est suffisant pour éveiller l’appétit», note Mme Côté.

Est-ce que je peux fractionner sans mon déjeuner?

Si l’idée de manger un gros repas le matin est inconcevable, on le sépare en deux prises alimentaires (un smoothie fraises et graines de chia à la boisson d’amande au réveil, et un muffin au son et aux carottes à la pause café, par exemple).

Est-ce que je peux décaler l’horaire de tous mes repas?

«On n’est pas obligé de manger dès le réveil, rappelle M. Cormier. On peut très bien attendre nos premiers signaux de faim et adapter l’horaire des autres repas de la journée en conséquence.»

Est-ce que je bois beaucoup de café le matin?

«Non seulement le café coupe l’appétit, mais il est aussi un stimulant, précise Mme Charest. S’enfiler quelques cafés dès le réveil nous donne donc un faux sentiment d’énergie et de satiété.»

 

Il faut manger comme un roi le matin, comme un prince le midi et comme un pauvre le soir

Si nos grands-parents avaient jadis tendance à appliquer cet adage, on fait plutôt le contraire aujourd’hui en mangeant peu le matin et en privilégiant les repas copieux en fin de journée. Est-ce qu’on va à l’encontre des besoins de notre corps? «Le déjeuner est un repas important, mais ce n’est pas nécessaire de remplir son assiette», répond Mme Charest, en précisant qu’il faut toujours écouter nos signaux de faim.

L’idéal serait tout de même de consommer trois repas équilibrés par jour. «En répartissant bien les aliments qui nous procurent de l’énergie et qui nous rassasient dans la journée, on n’a pas besoin de varier la grosseur des repas», soutient pour sa part Mme Côté. 

 

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Déjeuner fait grossir

S’empêcher une ou plusieurs fois par semaine de manger le matin dans le but de réduire le nombre total de calories qu’on absorbe est contre-productif, selon Mme Charest. «Les recherches tendent à démontrer que sauter le déjeuner peut affecter négativement la qualité des aliments ingérés le reste de la journée. Les gens ont tendance à compenser le déficit énergétique en consommant des aliments moins nutritifs.»

 

Un bol de céréales me suffit le matin

Le problème du déjeuner, c’est qu’on ne le traite pas comme un repas à part entière. La majorité d’entre nous déjeunent peu et mal, et prennent peu de temps pour le cuisiner et pour le manger. Ainsi, un bol de céréales du commerce avec du lait ou deux rôties de pain blanc avec de la confiture et un café noir ne constituent pas un repas équilibré et nourrissant.

En Amérique du Nord, nos déjeuners contiennent d’ailleurs beaucoup (trop) de glucides. On n’a qu’à penser aux pains, bagels, céréales, muffins, croissants, granolas, gruaux, fruits, crêpes, confitures, jus et compagnie. «Les glucides sont des sucres. Ils nous donnent un boost d’énergie immédiat, suivi d’un crash dans l’heure et demie qui suit.

Ça explique pourquoi les personnes qui ont la dent sucrée le matin ressentent une baisse de motivation et de concentration vers 10 h. Elles seront alors portées à prendre une collation sucrée pour retrouver leur énergie. Ça entraîne une prise alimentaire supplémentaire qui n’aurait pas eu lieu si elles avaient privilégié un déjeuner équilibré», souligne Hubert Cormier, qui vient de publier Chargé à bloc: finis les coups de barre, bon- jour l’énergie!.

Les trois spécialistes de la nutrition insistent sur un autre point: nos déjeuners sont souvent trop pauvres en protéines pour nous soutenir jusqu’au dîner. Idéalement, on veille tous les matins à garnir la moitié de notre assiette de fruits et de légumes, le quart de grains entiers (pain, gruau, céréales) et le quart restant de protéines (yogourt, viande, œufs, noix, graines, fromages, beurre de noix, lait, tofu).

Au bout du compte, ce n’est pas tant l’heure du déjeuner qui importe que ce que l’on met dans notre assiette. Cela peut vouloir dire d’attendre avant d’avaler notre premier repas ou de le manger en plusieurs temps si l’on n’a pas faim au saut du lit... mais aussi de ne pas faire exprès de le sauter si notre ventre crie famine.

Parce que, tout comme le dîner et le souper, le déjeuner est l’occasion de donner à notre corps des aliments nourrissants qui lui fourniront l’énergie nécessaire pour bien fonctionner toute la journée. Alors, on s’appelle et on déjeune? 

 

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