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Sports à risque: comment protéger nos enfants?

Sports à risque: comment protéger nos enfants?

  Photographe : Stocksy

On connaît les bienfaits de l’activité physique et on veut que nos enfants bougent davantage. Mais comme la pratique de certains sports comporte des risques, notamment de commotions cérébrales, il faut aussi s’assurer de ne pas les mettre en danger. Comment s’y prendre?

Quand son fils, Samuel, a commencé à jouer au football en cinquième année du primaire, Christine ne s’est pas inquiétée. «Les joueurs étaient tous de la même grandeur, et il n’y avait pas vraiment de contacts au début. Il démontrait un bel intérêt pour un sport, et c’était positif.» Son regard a changé lorsque, deux ans plus tard, son fils a eu une commotion cérébrale après s’être fait plaquer lors d’une partie. «Il s’est bien remis de ce traumatisme en suivant un protocole sérieux, mais depuis, c’est toujours un stress de le voir jouer. Il a maintenant 15 ans et il se voit aller loin dans ce sport. Je ne l’empêche pas de jouer, mais je le sensibilise aux risques associés au football, surtout en ce qui concerne les commotions cérébrales.»

Il s’agit d’une bonne approche, car, si la pratique d’activités physiques améliore la santé, elle peut aussi entraîner des blessures. Les statistiques du gouvernement du Canada indiquent d’ailleurs que 64 % des visites des jeunes de 10 à 18 ans dans les urgences des hôpitaux sont liées à la pratique d’une activité physique, sportive ou récréative. Ces données ressemblent à ce qu’observe Debbie Friedman, directrice du Département de traumatologie de l’Hôpital de Montréal pour enfants. «Notre centre de traumatologie accueille 16 000 jeunes patients par année, dit-elle. Dans plus de la moitié des cas, leurs blessures sont dues à l’activité physique. Les sports qui causent le plus de blessures sont ceux où il y a des contacts, de la vitesse et des risques de collision.»

Sans surprise, le football, le soccer, le hockey et le basketball sont les sports qui causent le plus de blessures chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans, selon une étude de l’Institut national de santé publique du Québec, publiée en 2012. «Le rugby est aussi un sport à risque, ajoute Debbie Friedman, de même que les sports qui comportent des risques de chute, comme la gymnastique, le cheerleading, le patinage artistique et le vélo.»

Des bienfaits et des conseils de sécurité.

Les risques de blessures ne devraient cependant pas empêcher nos enfants de bouger, selon Debbie Friedman. «Les enfants doivent être actifs, ditelle, mais les parents doivent connaître les risques liés au sport, évaluer si c’est une bonne activité pour leur enfant et prendre des mesures de prévention.» Félix Berrigan, professeur à la Faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke, croit aussi que certaines mesures permettent de limiter les blessures.

  • On varie les activités sportives de notre enfant pour favoriser le développement de différentes habiletés et de différents muscles. «Répéter les mêmes gestes de manière consécutive augmente les risques de blessure, mentionne Félix Berrigan. Ainsi, il est recommandé de ne pas pratiquer un sport unique avant l’âge de 12, 13 ou 14 ans.»
  • On s’assure que notre enfant est encadré par un entraîneur compétent. Le jeune doit apprendre progressivement et maîtriser les techniques de base avant de passer à une autre étape. «Avoir une bonne préparation physique et apprendre les bonnes techniques aide à prévenir les blessures, dit Debbie Friedman. Il faut aussi que l’enfant participe à des activités qui correspondent à son âge.» Même s’il a du talent, on évite de faire jouer notre enfant avec des plus vieux et des plus grands que lui.
  • On veille à ce que notre jeune porte l’équipement adéquat prévu pour son sport. «On l’avertit que cela ne le rend pas invincible, prévient Mme Friedman. Le casque n’empêche pas les commotions cérébrales, il réduit la sévérité du traumatisme.»
  • On s’assure que notre jeune se repose entre ses entraînements.
  • On encourage notre enfant à avoir un bon esprit sportif, à respecter les règles du jeu, et on ne tolère pas les gestes violents.
  • On ne laisse pas notre jeune retourner à l’entraînement s’il est blessé.

Dans ces conditions, l’activité physique apporte beaucoup plus de bénéfices que de risques, soutient Félix Berrigan. «Une période d’activité physique de 20 minutes, par exemple, améliore les capacités d’attention et de mémorisation des jeunes, indique le professeur. Cela a un effet positif sur leurs apprentissages scolaires.» Christine le constate avec son fils. «Le football lui permet de dépenser son énergie, rapporte-t-elle. Lui-même me le dit: il bouge moins en classe, il est plus attentif et il dort bien. On craignait que le foot nuise à ses études, mais c’est le contraire. Son horaire d’entraînement le force à être organisé dans ses travaux et il réussit très bien à l’école.»

Les activités sportives de groupe permettent aussi aux jeunes de se faire des amis. «Ça améliore le sentiment de compétence et l’estime de soi, ajoute Félix Berrigan. Les études montrent d’ailleurs que les jeunes qui font du sport ont souvent moins de problèmes de santé mentale.»

Attention aux commotions cérébrales!

Au Québec, les blessures sportives les plus souvent rapportées sont (dans l’ordre) les entorses, les tendinites- bursites, les fractures, les claquages musculaires, les dislocations, les coupures, les éraflures et les commotions cérébrales. Ce sont donc principalement les genoux, les chevilles, les pieds, les épaules, les bras et le dos qui en prennent un coup. Toutefois, même si elles sont moins fréquentes, les blessures à la tête et au cou sont à craindre. Elles représentent 21 % des blessures chez les enfants de 6 à 11 ans, et 11 % des blessures chez les adolescents de 12 à 17 ans. Elles sont souvent considérées comme sévères parce qu’elles peuvent entraîner une commotion cérébrale.

«La commotion cérébrale est une blessure sérieuse dont il faut se préoccuper, avertit le Dr Dave Ellemberg, neuropsychologue, qui a présidé le Groupe de travail sur les commotions cérébrales mis sur pied par le gouvernement du Québec. Cette blessure survient lorsqu’un impact fait rebondir le cerveau contre les parois très dures de la boîte crânienne. Cela cause des microlésions au tissu mou du cerveau et entraîne une perturbation des fonctions cérébrales.»

Avec une entorse ou une fracture, on voit les conséquences de la blessure, comme de l’enflure, et la douleur immobilise l’athlète. Le problème avec la commotion cérébrale, c’est qu’elle est invisible et peut passer inaperçue. «Ça se passe dans la tête, et les symptômes mettent parfois 24 à 48 heures avant de se manifester», note Dave Ellemberg. Marie-Hélène, dont le fils de 13 ans joue au hockey, a bien failli passer à côté l’hiver dernier. «Mon garçon a foncé sur un grand hockeyeur, raconte-t-elle. Après l’impact, il a continué à jouer. Quand il est revenu à la maison, il n’a pas pensé à nous parler de l’incident. Le soir, il avait une partie de hockey avec son équipe et il s’est donné à fond. Après le match, il s’est mis à avoir mal à la tête, à être étourdi et à voir des points de lumière. C’est là qu’il s’est souvenu de sa chute. Il reconnaissait les symptômes d’une commotion parce qu’il en avait fait une à l’automne.»

Selon le groupe de travail dirigé par M. Ellemberg, chaque saison, un athlète sur trois qui pratique un sport de contact ou impliquant des collisions, comme le soccer, le hockey, le football ou le rugby, subit une commotion cérébrale. Comme parent, il faut être attentif à cette blessure, car le cerveau des jeunes est encore en formation, ce qui le rend plus fragile que celui des adultes. «Et nos enfants et adolescents ont besoin d’un cerveau en santé pour bien apprendre», souligne Dave Ellemberg.

Comment protéger le cerveau de nos jeunes?

«Quand elle n’est pas bien prise en charge, la commotion cérébrale peut avoir des conséquences graves, avertit le neuropsychologue. Un sportif qui retourne au jeu avant d’être remis d’une commotion a plus de risques d’en subir une autre, parce que ses réflexes ne sont pas au point. Et si une nouvelle commotion se produit alors que le cerveau n’est pas entièrement remis, les dommages peuvent être importants; dans de rares cas, ça peut même être mortel.» À Ottawa, en 2013, une joueuse de rugby âgée de 17 ans, Rowan Stringer, est morte après avoir subi trois commotions cérébrales en quelques jours lors d’un tournoi. La joueuse est restée au jeu malgré ses blessures. «Le troisième impact reçu était plus léger que les précédents, rapporte M. Ellemberg, mais comme son cerveau était déjà lésé et enflé, le coup a été fatal.» Ce genre d’histoire inquiète au plus haut point Marie-Isabelle, dont la fille de 17 ans a subi trois commotions cérébrales en jouant au soccer. «Chaque fois, elle a eu une convalescence de plusieurs mois avant de retourner au jeu, dit-elle. Mais je reste inquiète. J’aimerais la mettre dans du papier bulle pour qu’elle ne se blesse plus jamais.»

Pour aider les parents, les entraîneurs et les équipes sportives à bien gérer ce genre de blessures et à en éviter les conséquences graves, le gouvernement du Québec a rendu public, en juillet dernier, son Protocole de gestion des commotions cérébrales pour le milieu de l’éducation et dans le cadre des activités récréatives et sportives. «Le but est que tous les intervenants aient la même démarche pour la gestion des commotions cérébrales, indique Dave Ellemberg, qui a piloté le dossier. Le protocole est accessible sur le site du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (education.gouv. qc.ca). Les athlètes, les parents, les entraîneurs et les écoles peuvent le télécharger et l’utiliser.»

Quand le sport devient trop dangereux...

Même quand elles sont bien gérées, les commotions cérébrales ont un effet cumulatif. «Après deux ou trois commotions cérébrales, l’attention peut être moins bonne, et la mémoire, moins efficace, indique M. Ellemberg. Parfois, il faut arrêter le sport.» Marie- Isabelle se demande souvent si sa fille aurait intérêt à laisser le soccer. «Elle est plus sujette aux maux de tête, et j’ai peur des conséquences d’une quatrième commotion. Jusqu’ici, les spécialistes me disent que tout est beau, que ses traumatismes étaient assez espacés et qu’elle a bien récupéré.» Dave Ellemberg croit, pour sa part, qu’il est pertinent d’aller chercher une évaluation complète en neuropsychologie après deux ou trois commotions cérébrales. «On teste alors les capacités d’attention, d’organisation et de mémoire. Cela permet de voir dans quel état est le cerveau et quelles pourraient être les conséquences d’une autre blessure. Il faut arrêter les jeunes avant que cela ait un impact sur leur avenir.»

Si notre enfant se blesse souvent dans son sport, qu’il revient plus fatigué qu’à l’habitude et qu’il a de la misère à récupérer, ça peut aussi être signe que l’activité est trop intense pour lui. «Ce n’est pas normal, qu’un jeune se blesse souvent dans un sport, dit Debbie Friedman. On peut alors trouver une activité plus appropriée à ses habiletés, à sa coordination, à sa taille et à sa personnalité. Parfois, nager est un meilleur sport que le hockey pour un enfant; le flagfootball ou le badminton peuvent être meilleurs que le football pour un autre jeune. C’est du cas par cas, mais l’enfant doit s’amuser dans sa pratique, et le sport doit être bon pour lui.»

La gestion des commotions cérébrales par étapes

Il doit s’écouler au moins 24 heures entre chacune des étapes. Le rétablissement prend au moins deux à trois semaines, mais il s’étale parfois sur des mois lorsque les symptômes persistent. Chaque fois que les symptômes réapparaissent ou augmentent, on recule d’une étape.

  • Dès qu’on soupçonne une commotion cérébrale, on retire le jeune du jeu et on l’observe pendant 48 heures.
  • S’il ne présente aucun signe ou symptôme de commotion, il peut retourner au jeu après les 48 heures d’observation.
  • E n cas de vomissement, perte de connaissance, convulsions, trouble d’élocution, mal de tête sévère ou qui augmente en intensité, on va à l’urgence.
  • S’il présente des symptômes de commotions (mal de tête, nausée, étourdissement, vision floue, fatigue, difficulté à se concentrer, à se souvenir et à dormir), le jeune doit être mis au repos complet pendant au moins 48 heures pour que son cerveau récupère. Il faut aussi obtenir l’évaluation d’un médecin le plus rapidement possible.
  • L e jeune doit attendre que ses symptômes aient disparu ou qu’ils aient diminué avant de reprendre graduellement des activités intellectuelles à la maison (p. ex. 15 minutes de lecture ou de télévision) et de faire une petite marche de 10 minutes.
  • Quand il est capable de faire un effort mental d’environ 50 minutes sans que cela déclenche des symptômes, le jeune peut graduellement retourner en classe (demi-journées, sans devoirs ni examens).
  • Parallèlement, il peut reprendre des activités physiques légères et individuelles.
  • L e jeune retourne à sa routine scolaire normale quand il n’a plus de symptômes.
  • Il peut alors reprendre son entraînement en équipe sans contacts.
  • Quand il n’a plus de symptômes à l’effort, qu’il est à jour dans ses travaux scolaires et que son médecin a donné son accord, il peut faire un entraînement complet avec contacts.
  • Il peut retourner au jeu quand ses entraînements avec contacts se déroulent sans symptômes.

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