Vie de famille
Retrouver l'amour quand on est mère
Jack Hollingsworth (Thinkstock) Photographe : Jack Hollingsworth (Thinkstock)
Vie de famille
Retrouver l'amour quand on est mère
Trouver l'âme soeur est un défi. Plus encore quand on a des enfants! Comment concilier notre statut de mère et la recherche d'un amoureux?
Marie-Ève, jeune professionnelle de 30 ans, croyait s'être mariée pour la vie. Elle était en congé de maternité quand son mari lui a fait part de ses doutes au sujet de leur relation. Aujourd'hui, seule avec sa fille de quatre ans, elle espère rencontrer l'amour et avoir un autre enfant pour enfin fonder la famille unie dont elle rêve. «Au début, je cherchais un homme pour me faire du bien en tant que femme et je ne parlais pas trop de ma fille, raconte-t-elle. Mais maintenant, je cherche un partenaire de vie qui veut une famille et j'exprime ce projet très clairement. J'ai déjà fait une dizaine de rencontres grâce à des sites Internet ou à des amies, mais ça n'a pas cliqué.»Madeleine Laferrière, travailleuse sociale et thérapeute conjugale et familiale, convient que la situation des mères monoparentales est plus complexe: elles ont moins de liberté à cause de leurs enfants, et la présence inévitable de l'ex-conjoint peut créer quelques tiraillements. D'autres problèmes peuvent aussi survenir, comme une mauvaise réaction de la part des enfants. Cela dit, on peut surmonter les obstacles, à condition d'être attentive à nos besoins et à ceux de notre progéniture.
Manque de temps ou besoin de temps?
On entend fréquemment dire que les mères monoparentales ont moins de temps pour faire des rencontres. Pourtant, aucune des femmes interviewées ne s'en est plainte. La plupart d'entre elles admettent toutefois ne pas toujours profiter de leurs temps libres comme elles le devraient. Lorsque la séparation est toute récente, il est primordial de prendre le temps de faire le deuil de son ancienne histoire et de s'occuper de soi, surtout si on s'était perdue en cours de route.
C'est ce qui est arrivé à Caroline, 38 ans, maman de deux garçons de 11 et 13 ans, qui a délaissé la plupart de ses intérêts pendant sa longue relation avec un homme contrôlant et dévalorisant. «Maintenant, j'essaie de faire ce que j'aime: aller au théâtre, déguster du vin de qualité et prendre des cours de cuisine. J'imagine que c'est un bon endroit pour rencontrer des gens intéressants!»
De son côté, Dominique, 46 ans, a eu besoin d'une période de transition de deux ans avant de ressentir l'envie d'être à nouveau en couple. Elle a alors profité de sa garde partagée pour sortir. «Les premiers temps, je n'étais ni disponible ni active. Je ne voulais tout simplement pas rencontrer d'hommes. Puis, sortir m'a manqué, et j'ai accepté des invitations. Quand j'ai été prête à rencontrer quelqu'un, mon rôle de mère n'a pas créé d'interférences.»«J'ai des enfants»
Est-ce une bonne idée d'être complètement transparente par rapport à notre situation familiale lors d'un premier rendez-vous? «Certaines femmes essaient de vivre deux vies parallèles en ne parlant pas de leur enfant à leur petit ami. Dans ce cas, il est possible que l'homme se fâche lorsqu'il apprendra la vérité, signale Madeleine Laferrière. D'ordinaire, si l'attrait est mutuel, je suggère de le dire le plus tôt possible.»
Sonia, 37 ans, mère d'un garçon de 9 ans et d'une fille de 7 ans, considère pour sa part que le dire trop tôt peut nous faire rater de belles occasions. «Je ne conseille pas de le taire, précise-t-elle, mais plutôt de commencer par voir si on s'entend bien. Je pense que, à la première rencontre, on devrait sortir de notre rôle de mère et redevenir une personne.»
Les hommes sont-ils plus réticents à s'engager avec des femmes qui sont mères? C'est parfois l'impression qu'on a, et cette pensée peut décourager bien des mères! Pourtant, ce préjugé ne tient pas la route, selon les experts. Oui, certains hommes peuvent avoir de la difficulté à s'engager avec une personne qui a déjà des enfants. Mais il y en a autant qui voient cette situation d'un oeil favorable, pour toutes sortes de raisons (par exemple, des hommes qui ne veulent pas devenir pères et qui craignent de vivre un conflit avec une femme dont le désir d'être mère n'a pas été réalisé).
Et puis, ce n'est pas qu'une question de sexe: autant de femmes que d'hommes peuvent avoir des réticences à s'engager avec quelqu'un qui a des enfants. C'est d'ailleurs le cas de Caroline et de Marie-Ève: toutes deux souhaitent idéalement rencontrer un homme entièrement libre pour éviter de compliquer davantage leur situation.
Mère, mais aussi femme
On souhaite rencontrer quelqu'un, mais on tarde à poser des actions en ce sens? Selon la psychologue clinicienne Mylène Giroux, on devrait se demander si notre rôle de mère ne l'emporte pas totalement, si on s'autorise vraiment à être femme. La psychologue insiste aussi sur l'importance du tiers, qui a pour fonction de séparer la mère et l'enfant. Ce peut être un homme, mais aussi toute chose qui nous occupe en dehors de l'enfant, comme un réseau social, un travail ou un loisir. «Plus la relation est fusionnelle, plus l'arrivée d'un nouveau conjoint sera difficile pour l'enfant et pour la mère, explique-t-elle. Si la femme est totalement absorbée par son rôle de mère, elle peut aussi, sans en être consciente, ériger des obstacles ou poser des conditions inatteignables qui rendront toute relation durable impossible.»
De l'avis du thérapeute conjugal et familial Sylvain Nadeau, il est important que la mère se réserve de l'espace et du temps pour elle. Il recommande d'ailleurs de ne pas dormir avec ses enfants et de garder sa chambre comme un lieu à soi, entre autres en prévision du jour où un homme y entrera. «Je conseille aussi à la femme de conserver un soir par semaine pour prendre soin d'elle et entretenir son réseau social, et ce, avant même qu'elle songe à chercher un nouveau conjoint. Le jour où elle rencontrera un homme, elle gardera le même temps de sortie, et l'enfant ne sera pas déstabilisé.»La réaction des enfants
Pour Caroline, la question de la disponibilité ne se pose pas puisque son adolescent est en mesure de garder son frère. Mais, selon elle, avoir un enfant plus vieux crée un autre genre de complications. «Mon fils traverse une période difficile et est sans cesse sur le mode de la confrontation. J'ai déjà rencontré un homme qui avait peur de son accueil et qui a refusé de s'embarquer, entre autres pour cette raison», raconte-t-elle. Pourtant, son grand garçon ne s'oppose pas à ses rencontres. Il lui a même donné ses critères: un homme gentil qui aime jouer, non fumeur, qui ne boit pas et ne sacre pas. Pas mal! De son côté, Dominique s'est sentie soulagée lorsque son fils lui a demandé, sans aucun malaise: «Maman, quand vas-tu avoir un chum?»
Bien sûr, il est réconfortant de sentir que notre progéniture est d'accord avec notre désir de retrouver l'amour. Mais attention: «Est-ce que les mères attendent l'autorisation de leurs enfants pour trouver quelqu'un? Ce n'est pas la responsabilité de ces derniers», met en garde Mylène Giroux. Toutefois, «si l'enfant voit sa mère seule et triste, il est possible qu'il voie l'arrivée d'un conjoint comme quelque chose de positif et que cela amène un soulagement, dit-elle. Chose certaine, il faut s'attendre à ce que les enfants réagissent puisque l'arrivée d'un nouveau conjoint aura une incidence directe sur leur vie.»
Les jeunes enfants et les ados réagissent-ils différemment? Madeleine Laferrière refuse de généraliser. «Le petit peut être plus troublé parce qu'il comprend moins clairement les choses. L'ado peut prendre la situation à la légère parce qu'il a une vie à l'extérieur. Ou encore, un aîné qui a le rôle de substitut parental auprès de la mère peut se sentir à la fois soulagé et menacé à l'arrivée d'un homme: on ne laisse pas aller un rôle si facilement, même lorsqu'il est lourd, précise-t-elle. Mais surtout, les réactions dépendent de ce qui s'est passé avant et pendant la rupture, et avant la nouvelle rencontre. Par exemple, si le père est parti, l'enfant pourrait avoir un comportement très émotif, qui peut s'expliquer par la peur de subir une autre perte. Il faut aussi garder en tête que les réactions des enfants résultent entre autres de la capacité des parents à les permettre et à les accepter.»
Les présentations
Le moment des présentations venu, il est essentiel de faire preuve de doigté. Avant de présenter un homme à ses fils, Caroline voudrait être bien certaine de son choix. «C'est facile de se trouver un chum, mais pas de rencontrer un bel amour. Je dois être prudente parce que je ne suis pas seule. La vie de plusieurs personnes sera chamboulée.» Mais, des principes à la réalité, il y a parfois une marge. Il y a quelques mois, ses fils sont revenus plus tôt de chez leur père et sont tombés sur l'homme qu'elle fréquentait. L'histoire s'est bien terminée: ce fut l'occasion pour les enfants de poser leurs questions, car ils se doutaient de quelque chose depuis un moment. Marie-Ève aussi tient à la prudence. «Je ne veux pas présenter n'importe qui à ma fille. Avant de faire entrer quelqu'un dans sa vie, je veux être sûre de mon choix.»
Mylène Giroux suggère de faire les présentations lorsque les deux parties sont prêtes à s'engager, quand il y a une certaine stabilité ou un investissement mutuel dans la relation. Toutefois, comme on ne peut pas savoir ce que l'avenir nous réserve, Madeleine Laferrière conseille de rester franche en tout temps. On peut bien, la première fois, présenter notre amoureux comme un ami, mais les enfants devinent souvent la vérité tout de suite. «Dès qu'on a l'impression que l'enfant se pose des questions, franchise et respect sont de mise. Et, en tant qu'adulte, il faut accepter que l'enfant ait besoin de temps avant de se sentir bien dans son nouveau contexte familial.»
Une famille recomposée, c'est bel et bien «une famille à composer», comme le dit Madeleine Laferrière. Et ce remodelage peut prendre du temps. «Les actes parlent plus que les mots, mentionne Sylvain Nadeau. Les enfants sentent quand les parents ne sont pas naturels. Plus une mère est en paix avec elle-même et avec son nouveau conjoint, plus les enfants auront de la facilité à accueillir ce changement.»