Vie de famille
La soloparentalité: un phénomène de plus en plus présent

Photographe : iStock
Faire face seul aux défis quotidiens de l’éducation, de l’organisation et du travail représente un véritable parcours du combattant, mais aussi une expérience unique, marquée par une résilience exceptionnelle.
C’est à l’âge de 32 ans que Geneviève Breton plonge de tout son être dans le projet d’avoir un enfant en solo. Elle entreprend alors de tout documenter pour lever le voile sur ce modèle familial dans son livre SOLO.
Soloparentalité
(Nom féminin) Situation dans laquelle une personne choisit d’avoir un enfant seule, souvent en faisant appel à une technique de procréation médicalement assistée ou à l’adoption. Dans le cas d’une famille soloparentale, l’enfant n’a qu’un seul parent déclaré sur son acte de naissance.
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être maman. Ç’a toujours été une conviction, même plus jeune, alors que je ne savais pas du tout ce que j’allais choisir comme carrière. Quand on me le demandait, j’hésitais entre actrice, avocate et coiffeuse pour les stars. Mais je savais que je voulais un ou plusieurs enfants.
J’ai longtemps pensé que je réaliserais ce projet avec quelqu’un. C’est normal, c’est ce qu’on nous enseigne toute notre vie: les contes de fées et la famille nucléaire. Pourtant, quand je me suis mise à regarder autour de moi, j’ai vu toutes sortes de familles qui, malgré leur nature non conventionnelle, me semblaient heureuses. J’ai alors compris qu’il n’y avait pas une seule voie possible...
Trouver le bon partenaire n’est pas toujours un jeu d’enfant et, malheureusement, les problèmes de fertilité existent et touchent plus de personnes qu’on le pense. C’était mon cas. Et plus on vieillit, plus ça se complique. C’est donc dans ma quête du bon partenaire dans la jungle du dating moderne, et avec une date d’échéance en prime, que j’ai réalisé que je désirais beaucoup plus le statut de maman que celui de conjointe.
Pour réaliser un projet comme celui-là, il faut du courage, certes, mais aussi un profond désir de devenir parent. Je pense qu’il est également essentiel d’être en paix avec ce choix et de ne pas le voir comme un piètre plan B.
Le deuil de la famille idéale
Comme tout le monde de ma génération, j’ai grandi avec les films de Disney et le fameux cliché du parcours de vie tout tracé: trouver l’âme sœur, se marier, acheter une maison et la remplir de bébés! Or, plus j’avançais dans ma vie adulte, plus je constatais que tout cela n’était pas fait pour moi. Plus le temps passait, plus je passais d’une amourette insatisfaisante à une relation éphémère et plus je me rendais compte que je préférais demeurer célibataire. Je n’étais peut-être pas faite pour être en couple. Du moins, pas à ce moment-là. Et c’est le sentiment qui m’habitait quand j’ai pris la grande décision de devenir maman solo.
Je me trouvais réellement bien toute seule. Je suis une personne très sociable, mais j'avoue avoir besoin de temps pour recharger mes batteries et vaquer librement à mes activités sans avoir de comptes à rendre. Une soirée idéale, selon moi, consiste à écouter une bonne série, verre de vin à la main, à prendre un bain moussant, verre de vin à la main (oups!) ou lire un bon roman, verre... De plus, je suis une personne assez autonome et j’aime faire les choses à ma façon. En fait, je dis souvent que je ne suis pas faite pour être en relation, mais je crois que c’est surtout que j’ai une conception si idéalisée du couple qu’il devient presque impossible de trouver un partenaire qui répond à mes attentes. Je ne vous cacherai pas que je vis beaucoup d’anxiété lorsque je suis en couple. Je suis beaucoup plus stressée dans une relation que lorsque je suis seule. J’ai énormément de mal à faire confiance à l’autre. J’ai peur de ne pas être à la hauteur. Je crains qu’on me joue dans le dos... Bref, j’envisage toujours les pires scénarios. Célibataire, je suis plus zen.
En rétrospective, je suis une éternelle célibataire qui a réalisé, à l’aube de la trentaine, qu’elle se portait très bien. J’ai compris que j’étais parfaitement autonome et que ma vie me comblait. Sauf pour une chose: je voulais à tout prix être maman.
L’adoption ou la clinique de fertilité?
Après cette fameuse décision, je devais me demander de quelle manière j’avais envie de procéder. Mon premier réflexe a été de me renseigner sur l’adoption au Québec. L’idée d’être enceinte et, surtout, de vivre un accouchement m’avait toujours angoissée. J’ai assisté à une séance d’information offerte par la DPJ. J’y ai notamment appris que le temps d’attente pour l’adoption régulière d’un nouveau-né, ce qui m’intéressait, était d’environ 10 ans, période durant laquelle aucun processus de fertilité ne pouvait être entamé en parallèle. J’ai aussi appris l’existence du programme de la banque mixte, qui «concerne les cas d’enfants qui risquent fortement d’être abandonnés et qui sont confiés à des familles d’accueil en vue d’être adoptés». Souvent, c’est le cas lorsque les parents ne peuvent prendre soin de leurs enfants en raison de difficultés personnelles (troubles de santé mentale, consommation, dépendance, etc.). Cela signifie qu'il faut d'abord être en famille d'accueil et que l'adoption n'est jamais garantie puisque la DPJ privilégie le retour des enfants au sein de leur milieu familial biologique et que l'adoption n'était plus envisageable. J'ai donc éliminé cette option.
Cette rencontre a suscité une autre réflexion: je me suis demandé si je souhaitais que mon enfant partage mes gènes. Je savais que si j’attendais plusieurs années pour l’adoption régulière, ce seraient des années perdues sur le plan de la fertilité, et qu’il serait peut-être trop tard ensuite pour me faire inséminer ou essayer naturellement avec un partenaire. Bien que je croie fermement que le concept de famille transcende les liens de sang, je me suis surprise à vouloir concevoir un enfant de façon biologique.
La grande annonce
Lorsque mon projet de devenir maman solo s’est confirmé, j’ai tout de suite voulu partager et propager la bonne nouvelle autour de moi. Mes proches ont très bien réagi et j’ai même eu l’impression que la plupart s’en doutaient. Sur le coup, mon père a semblé très étonné et est resté muet. À ma grande surprise, il n’a ni approuvé ni désavoué ou jugé. Il ne m’en a jamais plus reparlé, mais il a été très présent pour moi par la suite. Je me rappelle avoir abordé la question avec lui, en mentionnant les groupes Facebook et le fait que nous étions près de 1000 membres de Mamans solos par choix de Montréal. À ce moment-là, il a semblé comprendre que mon plan n’était pas aussi marginal qu’il l’avait cru.
© iStock
Les premiers pas
Comme je suis un livre ouvert dans la vie, je ne pouvais pas passer à côté des réseaux sociaux. J’ai donc entrepris de documenter mon aventure de A à Z, d’abord sur mon blogue, puis sur mon compte Instagram. Mon intention n’était pas d’influencer, mais plutôt de normaliser ce genre de démarche. Trop de gens considèrent encore la famille nucléaire comme l’unique voie à emprunter. Mais aujourd’hui, ça importe peu qu’on soit une famille recomposée, soloparentale, homoparentale, monoparentale, adoptive, et j’en passe. On peut décider de fonder la famille de son choix.
Je dois avouer que je ne m’attendais pas à un accueil aussi positif, et je m’étonne encore de recevoir l’admiration de ceux et celles à qui je raconte mon histoire. Les gens voient dans la soloparentalité un acte de courage alors que, pour moi, c’est tout le contraire; ç’aurait été insensé de risquer de ne jamais devenir maman.
Quand la peur laisse place à l’excitation
L’une des choses qui m’effrayaient le plus dans le processus de devenir maman solo, c’était l’idée de vivre une grossesse et un accouchement seule. C’est principalement pour cette raison que j’ai envisagé l’adoption avant la procréation assistée. Je m’étais toujours imaginé traverser une grossesse à deux, pour que mon partenaire puisse me rassurer si j’avais des inquiétudes et pour qu’il me flatte les cheveux pendant l’accouchement.
J’ai toujours eu une peur bleue d’accoucher. En fait, tout ce qui concerne mon utérus m’a toujours rendue extrêmement mal à l’aise. Lors de mes tests PAP, j’ai souvent eu l’impression que j’allais m’évanouir juste à l’idée qu’on joue dans cette région de mon corps. Je me disais donc que, pendant la grossesse, plusieurs changements s’opéreraient dans mon corps et que mon utérus en serait forcément l’acteur principal. Pourtant, dès que je suis tombée enceinte, la peur d’accoucher a laissé toute la place à la hâte d’enfanter. Soudainement, mon utérus était devenu un bar ouvert pour tous les professionnels de la santé qui désiraient s’y aventurer!
La rencontre
Le 17 août 2022 est assurément le plus beau jour de toute ma vie. Ma miraculeuse Raphaëlle, tant attendue, est née à 7h16 du matin, après 56 minutes de poussées. Sept livres et trois onces de pur bonheur. Mon plus grand rêve se tenait là, sur moi, à pleurer et à chercher mon sein pour téter.
Même si je n’avais pas de conjoint avec moi lors de ce jour mémorable, j’ai vécu un très bel accouchement. En fait, je crois que ça m’a même permis de me concentrer pleinement sur l’arrivée de ma fille. C’était notre moment à nous. J’ai adoré être accompagnée de mon amie et de ma doula. Elles m’ont offert un bon soutien moral et étaient à l’écoute de mes besoins. Mon amie, qui avait déjà accouché deux fois, était calme et de bon conseil. Ma doula est arrivée à temps pour me guider et a même pris de superbes photos.
Le retour à la maison
La première chose que je tiens à aborder, c’est qu’on te renvoie chez toi illico après l’accouchement. Lorsque tout va bien, on te donne ton congé après seulement une journée à l’hôpital. Pour ma part, je n’avais pas très bien dormi (lire ici: aucunement dormi), et une partie de moi avait donc hâte de retrouver son lit... Mais, entendons-nous: il est absolument terrifiant de rentrer chez soi aussi rapidement avec son premier bébé! Surtout lorsqu’on est seule. Tu as entre les mains la vie d’un bébé d’à peine quelques heures et tu n’as pas dormi depuis... avant sa naissance! Même si j’avais fait beaucoup de lectures et que j’avais suivi des cours prénataux, je me suis sentie vulnérable.
Lorsque je suis retournée à la maison, j’ai eu BEAUCOUP de visites de mes proches, qui étaient très excités de venir rencontrer ma progéniture. J’ai probablement été plus accueillante que si j’avais été en couple, puisque j’entends souvent dire que les couples nouvellement parents souhaitent être dans leur bulle au cours des premières semaines. De mon côté, les visites ont été grandement appréciées, voire nécessaires. Ma famille et mes amis m’apportaient des plats cuisinés et effectuaient quelques tâches ménagères pendant que j’allaitais. Encore à ce jour, mon amie Vanessa fait ma vaisselle et sort mon compost chaque fois qu’elle vient me voir. Ma mère s’occupe toujours de mes plus grosses courses (bonjour, Costco), et mon père vient nettoyer la litière du chat. Avoir un bon réseau est un atout non négligeable.
Le donneur et la filiation
J’ai très bien choisi mon donneur! Ma fille me ressemble beaucoup, comme je le souhaitais, même si je peux voir certains traits du donneur en elle. Chaque jour, on me souligne la ressemblance entre Raphaëlle et moi. Elle est ma version améliorée! Depuis sa naissance, elle est hyper allumée et en avance sur le plan de la motricité. J’aimerais tellement pouvoir dire merci à cet homme, qui m’a permis de réaliser mon rêve et qui m’a donné une enfant parfaite! Le don de sperme est un geste généreux. Je lui en serai éternellement reconnaissante.
Lorsque j’ai déclaré la naissance de ma fille sur le site de la banque de sperme, j’avais l’option d’être mise en contact avec des familles qui avaient choisi le même donneur. L’une de mes amies mamans solos l’avait fait et se réjouissait d’avoir des photos des «demi-frères» et «demi-sœurs» de sa fille. J’ai décidé de me lancer. Si Raphaëlle peut un jour développer un lien à distance avec des enfants qui partagent la moitié de sa génétique, je me dis: pourquoi pas?
Je fais maintenant partie d’un groupe avec ces familles, et on s’échange sporadiquement des photos et des nouvelles des moments charnières de la vie de nos enfants. Nous sommes environ une dizaine de familles de tous les horizons — Royaume-Uni, États-Unis, Australie et ailleurs au Canada!
La question du papa
Lorsque des inconnus ou de nouvelles connaissances me questionnent au sujet du papa, je leur dis tout de suite que Raphaëlle n’en a pas, que je me suis fait inséminer. Je n’aime pas les ambiguïtés dans la vie. J’avais la même philosophie lorsque j’ai choisi de devenir maman solo. Je suis toujours ouverte à en discuter.
Parfois, c’est même moi qui cherche d’emblée à aborder le sujet pour éviter les malaises. Par exemple, dès l’entrée de ma fille à la garderie, j’ai avisé les éducatrices qu’elle n’avait pas de papa. Il n’y a aucune honte à avoir une famille qui sort du cadre de la famille nucléaire. C’est ce que je souhaite inculquer à ma fille quand elle grandira. Je serai honnête avec elle à propos de ses origines et je tiens à ce qu’elle se sente fière de notre famille de deux.
Quand on me demande ce que je souhaiterais dire à celles qui se lanceront dans cette aventure, je réponds que cette démarche demande une mûre réflexion. Je proposerais aux futures mamans solos de bien s’informer. Soyez prêtes à ce que des gens autour de vous, même tout près, ne soient pas en accord avec votre choix. Ce sera l’une des plus grandes et merveilleuses décisions que vous aurez prises de toute votre vie, même si vous serez souvent épuisées. C’est la plus belle chose qui me soit arrivée.
Pour l’histoire complète de sa prise de décision jusqu’aux premiers mois de sa petite Raphaëlle, on se procure le livre SOLO: faire le choix de la soloparentalité, de Geneviève Breton, Édition Trécarré, 199p., 29,95$.