Vie de famille

Aider son enfant à traverser le «coming out»

Aider son enfant à traverser le «coming out»

  Photographe : Unsplash | Clem Onojeghuo

Vie de famille

Aider son enfant à traverser le «coming out»

Les mots eux-mêmes sont empreints d’une connotation négative et dissocient de la normalité. Le coming out , ou comment avouer qu’on est différents.  

Le Festival de la Fierté à peine terminé, l’équipe de Coup de Pouce a voulu rencontrer Jordan Dupuis, ambassadeur de l’événement, pour discuter de cette étape cruciale dans la vie d’un enfant qui porte ce secret.  

On s’est rencontrés au restaurant Les Entretiens sur Laurier. Étrangement, au même moment à la table d’à côté, il y avait Béatrice Martin (Cœur de pirate) et Nathalie Petrowski qui échangeaient tout en prenant un café.  

Ça ne s’invente pas.  

 

Coming out

© Unsplash | Tallie Robinson

 

Raconte-nous comment s’est déroulé ton coming out 

«Je venais de terminer ma 5e secondaire. Dans ces années-là et avant que je me dévoile, j’avais beaucoup été victime d’homophobie. Pour moi, c’était important de le faire à ce moment-là. Je voulais le faire dans ma transition vers le cégep. […]  J’ai écrit une lettre à ma mère que j’ai déposée dans sa voiture un matin avant de me rendre à l’école. Une lettre dans laquelle je lui avouais tout et où je lui demandais de ne pas en parler à mon père. Je ne sais pas si je voudrais la relire aujourd’hui…[…] Ce soir-là, je ne suis pas rentré chez moi, je suis allé chez une amie. J’anticipais toute la discussion qui allait s’en suivre. Mon père l’a su, et c’est à partir de ce moment-là que j’ai eu envie de vivre, l’opinion des gens m’importait peu, mais pour mes parents, c’était important. J’étais devenu “le gay de Saint-Jean-sur-Richelieu”.  

À la suite d’une querelle au sujet de ma présence à la Fierté, j’ai quitté la maison. Je suis allé vivre chez ma meilleure amie. J’étais très déçu de la réaction de ma mère, qui avait l’impression à l’époque que je m’étais fait “brainwasher” le cerveau. J'ai plus tard compris que c'était pour maintenir notre famille en place qu'elle a réagi ainsi, devant garder sous silence l'inconfort de mon père face à la situation. Elle était donc prise entre l'arbre et l'écorce, entre mon émancipation et les réactions de mon père. Avec le temps, mes parents ont fait la promesse de ne jamais me faire sentir leur malaise par rapport à tout ça. Après un certain temps, je suis revenu. Aujourd’hui, ma mère est pro LGBT et mon père est capable de prendre position dans des discussions où la discrimination et l’homophobie planent.  

Tu sais, quand tu brilles tellement fort, y’a personne qui peut te faire de l’ombre. La réaction des autres me donnait beaucoup d’énergie. Maintenant, je peux dire que la vie avant mon secondaire, ce n’est pas ma vie. J’ai commencé à vivre à l’été 1998.» 

 

Pour un parent, cette annonce peut être déstabilisante. Certaines réactions peuvent même mener à de grandes problématiques familiales. Quel conseil donnerais-tu aux parents?  

«Selon les personnalités, certains coming out peuvent être explosifs, d’autres plus tranquilles. Le coming out, c’est comme ouvrir les portes d’une cage; tu ne sais pas ce qui en sortira. Avec les années, j’ai découvert le double coming out. En se dévoilant, les parents doivent aussi annoncer le tout à la famille. C’est eux, en bout de ligne, qui doivent se ramasser avec les différentes réactions sur un sujet qu’ils ne maîtrisent pas encore. Pour ma part, j’ai su bien plus tard que mes frères m’ont beaucoup défendu auprès des membres de ma famille.  

Le conseil que je donnerais aux parents : premièrement, N’AYEZ PAS PEUR et surtout, NOMMEZ votre incompréhension. Ouvrez le dialogue, informez-vous, consultez et parlez aux autres parents. Ce n’est pas une maladie et il faut démentir les stéréotypes. Le rôle d’un parent est de protéger son enfant. Si votre enfant est différent, valorisez cette différence-là. Il n’y a pas de réaction parfaite, mais l’essentiel, c’est d’être ouvert.»  

 

Comment vois-tu l’avenir pour la communauté LGBT?  

«Je suis plein d’espoir et rassuré, mais extrêmement apeuré quand je regarde ce qui se passe à l’international. Beaucoup de dictateurs veulent maintenir leur peuple dans l’ignorance, ce n’est pas profitable pour eux si un peuple s’instruit et ouvre son esprit. Par contre, je suis soulagé quand je vois deux filles ou deux gars se tenir la main dans la rue à Montréal. De plus en plus, le pouvoir des réseaux sociaux et l’influence des personnalités publiques aident énormément. Maintenant, l’homophobie est perçue autrement. Si quelqu’un crie haut et fort qu’il est homophobe, c’est lui qui est en marge. Le vocabulaire a changé, le dialogue s’ouvre de plus en plus sur les différents types d’orientation. C’est rassurant.» 

 

Certains pensent que le fait de faire une Fierté en 2018, c’est de se mettre volontairement en marge. Que pense-tu de ça?  

«Est-ce qu’on a ce même discours-là pour la communauté noire et les conditions hommes/femmes? Non. Pour normaliser quelque chose, il faut brasser la cage. Ça prend une communauté et des gens pour ouvrir le bal et ouvrir la discussion. La raison d’être de la Fierté est encore plus importante aujourd’hui, parce qu’on est ailleurs dans l’élaboration des acquis. Quelques kilomètres plus loin, aux États-Unis, il y a un pâtissier qui refuse de faire un gâteau de mariage à un couple homosexuel. Le Québec demeure l’un des meilleurs endroits où vivre en tant qu’homosexuel. Nos droits ne sont pas immuables dans le monde entier, on ne va pas se leurrer. Les gens ont besoin de se rassembler et c’est pour cette raison que c’est présenté comme un festival: c’est parce que ça englobe plein d’aspects. C’est familial, culturel avec sociétaire.  

La preuve qu’on a encore besoin d’une Fierté en 2018: je fais encore des entrevues sur le coming out.» 

 

Voici quelques pistes et ressources d’aide :  

 

Coming out

© Unsplash | Felix Russell

 

 

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