0-5 ans

Dormir avec nos enfants: une bonne idée?

Dormir avec nos enfants: une bonne idée?

Auteur : Coup de Pouce

0-5 ans

Dormir avec nos enfants: une bonne idée?

Il est parfois tentant de faire fi des recommandations des pédiatres et de partager notre lit avec nos enfants. Est-ce bon pour leur sommeil? Y a-t-il un risque de trop les gâter? Est-ce sécuritaire? Des parents et des spécialistes se prononcent.

Sophie, enceinte de son quatrième enfant, vit le cododo au maximum. «Dans notre chambre, il n'y a qu'un gigantesque lit constitué de deux matelas doubles et une commode. À l'extrémité du lit, collé au mur, je place mon garçon de 3 ans, je dors auprès de lui avec mon bébé de 18 mois de l'autre côté; mon chum est à l'autre bout du deuxième matelas. Ma fille de 5 ans s'endort maintenant dans son lit, mais elle vient souvent nous retrouver la nuit. Elle se couche alors près de son papa. Je n'ai pas à me lever la nuit. Si mon bébé pleure, je lui brasse les fesses et il se rendort. Si ma grande fait un cauchemar, elle vient nous retrouver et on ne passe pas le reste de la nuit à essayer de la rendormir. C'est pratique pour maximiser nos heures de sommeil!»

L'arrangement nocturne de la famille de Sophie n'est peut-être pas banal, mais il n'est pas unique non plus. «Des études estiment qu'au Québec environ 40 % des parents de bébés de 0 à 3 mois et 25 % de ceux qui ont des enfants de 3 à 12 mois partagent leur lit avec leur petit à un moment ou l'autre», dit le Dr Denis Leduc, pédiatre et porte-parole de la Société canadienne de pédiatrie.

Relativement courante, cette pratique est pourtant controversée, car elle est contraire aux recommandations des pédiatres. Ceux-ci sont formels: l'endroit le plus sécuritaire pour un bébé, c'est sa couchette. Le lit des parents n'est pas l'environnement le plus sûr pour lui. «Partager son lit avec son bébé accroît le risque de mort subite du nourrisson (MSN) ou de suffocation, affirme le Dr Leduc. Pour diminuer les risques de MSN, il faut coucher le bébé sur le dos. Mais, dans le partage du lit, le bébé se place plus souvent sur le côté et même sur le ventre. Il y a aussi un risque que le bébé soit poussé entre le matelas et le mur, entre les couvertures, le duvet ou les oreillers.»  

Pour l'allaitement, mais aussi pour le réconfort

Pourquoi tant de parents dorment-ils quand même avec leurs enfants? D'abord, parce que la proximité la nuit favorise grandement l'allaitement. Quand bébé est déjà dans le lit, on n'a qu'à lui donner le sein tout en restant allongée, chacun pouvant somnoler et ensuite se rendormir à son aise.

«Je crois que le cododo facilite également la transition entre la vie intra et extra-utérine, ajoute Valéry Annie Gaudreault, accompagnante à la naissance pour Mère et Monde et mère de six enfants. Le nourrisson peut vivre beaucoup d'insécurité dans ses premières semaines de vie. On note souvent qu'en cododo, près de l'odeur et de la chaleur de leur maman, les bébés dorment bien et l'allaitement se passe mieux.»

Pour Julie, la pratique s'est imposée spontanément. «Mon garçon est né prématurément. Il a passé ses premières semaines de vie sous incubateur. Au retour à la maison, j'avais vraiment l'impression qu'il fallait que je me colle dessus, comme si quelque chose m'avait manqué. On a donc partagé notre lit avec lui durant un an avant de le transférer dans sa couchette.»

Chantal aussi a spontanément partagé son lit avec sa fille dès sa naissance. «J'avais une crainte de laisser mon bébé naissant seul dans sa chambre, confie la maman. Je voulais qu'elle reste proche de moi pour que je puisse l'entendre respirer en tout temps. Je suis monoparentale et j'ai toujours vécu seule avec mon bébé. Donc, il y avait de la place dans mon lit. Sa couchette n'a jamais servi!»

Le Dr Leduc reconnaît l'importance de garder le bébé près de soi, surtout pour favoriser l'allaitement, qui a des effets protecteurs sur la mort subite du nourrisson. Mais, plutôt que de faire du cododo, il recommande de garder l'enfant dans une couchette dans la chambre des parents durant au moins les trois ou quatre premiers mois, idéalement pendant six mois.

C'est ce qu'a fait Mylène, maman de Victoria, 6 ans, et de Simon, 4 ans. «Ils ont dormi dans un couffin placé à côté de mon lit environ jusqu'à l'âge de 6 mois pour simplifier l'allaitement la nuit, dit-elle. Après, ils ont intégré leur couchette dans leur chambre. Ils connaissaient bien l'endroit puisque c'est là qu'ils faisaient la sieste.»

Quand les bébés deviennent grands

En fait, c'est quand les bébés grandissent que le cododo se complexifie... et que les opinions se font plus tranchées. Ainsi, pour Mylène, il n'est plus question d'emmener ses enfants dans son lit. C'est une question de principe et de confort. «Je trouve important que les parents, comme les enfants, aient leurs territoires privés. Je veux que mes enfants aiment leur chambre et leur lit, que ce soit un lieu agréable pour eux. Il arrive parfois que mon fils vienne se coucher dans mon lit. J'essaie chaque fois de le raccompagner dans sa chambre. Mais parfois je suis trop fatiguée, je cède, et pour moi c'est un échec. Je travaille beaucoup, j'ai besoin de sommeil. Quand je dors avec un petit bonhomme qui bouge et me donne des coups, je manque d'énergie le matin. Je veux protéger cette bulle pour être une maman en forme pour mes enfants.»

Hélène Boissonneault, intervenante en petite enfance, a une vision totalement différente de la chose. Elle fait du cododo depuis toujours avec son fils de 10 ans et sa fillette de 5 ans. Pour elle, c'est notamment une question de réconfort. «Dans mon lit, mes enfants se sentent en sécurité. Ils dorment en toute tranquillité. Pour moi aussi, c'est rassurant de les sentir proches.» Son lit devient également un lieu de confidences où créer des liens forts avec ses enfants. «Quand mon fils vit des difficultés avec son père, de qui je suis séparée, c'est blotti près de moi dans mon lit qu'il m'en parle.»

«À partir du moment où le bébé commence à moins réclamer la nuit et où les parents sont moins fatigués, il peut être bon de le mettre dans sa couchette, soutient Valéry Annie Gaudreault, mais c'est à eux de décider. Personnellement, j'ai pratiqué le cododo avec mes deux derniers durant quelques années. Mon plus jeune a cinq ans et c'est lui qui a décidé qu'il est maintenant trop grand pour dormir avec moi. Cela dit, comme mon conjoint travaille à l'extérieur du pays, j'avais de la place pour partager mon lit. Quand il était à la maison, je me trouvais coincée avec les enfants dans le lit. Si sa situation professionnelle avait été différente, je n'aurais sans doute pas fait de cododo aussi longtemps.»

Cododo: une transition pas toujours facile

Evelyne Martello est infirmière clinicienne à la clinique du sommeil de l'Hôpital Rivière-des-Prairies et auteure de Enfin je dors... et mes parents aussi. Elle n'est pas contre le cododo, même si cette pratique va à l'encontre des techniques pour aider les enfants à dormir seuls qu'elle propose aux parents dans son livre. À son avis, partager notre lit avec nos enfants de manière sécuritaire (voir l'encadré, page xx) n'a pas d'impact sur le sommeil des enfants ni sur leur développement.

Par contre, dès qu'un parent commence à moins bien dormir ou que l'enfant se réveille parce qu'il manque de place, il faut intervenir, poursuit-elle. Le sommeil est un besoin fondamental. Quand on en est privée, surtout de manière entrecoupée, cela a un impact néfaste sur notre énergie le lendemain.» Si on dort moins bien, il faut ramener graduellement l'enfant dans son lit. Selon son tempérament et son âge, cette transition se fera plus ou moins facilement. «C'est qu'avec le cododo, l'enfant prend l'habitude de dépendre de ses parents - de leur présence et de leur chaleur - pour s'endormir, note Mme Martello. Quand on veut que ça cesse, il faut lui apprendre à le faire seul. Avant un an, ça se fait bien. Après, c'est plus difficile, mais c'est possible. Il faut être bien motivée.»

Maria José, maman de Sébastien, 4 ans, et de Sofia, 18 mois, en sait quelque chose. «J'ai fait du cododo avec ma fille, car je ne voulais pas me lever la nuit. J'aimais beaucoup me réveiller avec elle collée contre moi. Toutefois, lorsqu'elle a eu 9 mois, j'ai reçu un diagnostic de dépression postpartum et il a fallu changer nos habitudes. Sofia réclamait souvent le sein la nuit et elle bougeait beaucoup. Conséquemment, je ne dormais pas bien et j'étais épuisée. On a dû l'amener à dormir dans sa couchette, et la transition n'a pas été facile. Elle ne voulait pas dormir dans son lit, elle hurlait et ça me crevait le cœur.» Malgré tout, Maria José ne regrette pas d'avoir dormi avec sa fille.

Julie, dont le fils a maintenant 5 ans, est plus ambivalente. «Depuis qu'il a commencé la maternelle (un événement qui suscite de l'angoisse chez lui), Émile vient systématiquement nous rejoindre la nuit. Puisque je dors mal quand il est là, on a essayé différents trucs comme le tableau de récompenses pour l'inciter à rester dans son lit, mais en vain. Il a maintenant un petit matelas à côté de mon lit où il peut venir dormir sans nous déranger. Mais c'est maintenant sa soeur de 2 ans qui, pour imiter son frère, vient se glisser dans notre lit la nuit! Souvent, mon chum finit par se coucher dans la chambre des enfants pour qu'on puisse enfin dormir.» Avec le recul, Julie estime qu'elle aurait dû habituer son fils à dormir seul dans son lit beaucoup plus tôt pour s'éviter des nuits de va-et-vient comme celles qui l'épuisent en ce moment. «C'est une pratique insidieuse. On commence, poussée par un élan naturel, mais, si on attend trop, ça devient un mauvais pli difficile à défaire.»

Sylvie Galarneau, éducatrice spécialisée et auteure de Fais dodo mon trésor, croit en l'importance d'apprendre à l'enfant à dormir seul. «En le plaçant dans son lit, dans sa chambre, dès qu'il est bébé, on indique à notre enfant qu'il a son lieu d'intimité, son propre nid. Il apprend qu'il est capable d'être seul pendant un certain temps.»

Elle recommande aussi aux parents d'être vigilants quant aux motivations qui les poussent à choisir le cododo. «Il faut que ce soit pour le bien des enfants et non pour pallier certaines des difficultés des parents. Par exemple, on ne choisit pas le cododo pour fuir une forme d'intimité dans le couple, souligne Mme Galarneau. Le parent monoparental ne devrait pas non plus dormir avec son enfant pour combler un vide affectif. Parfois, un parent fait ce choix pour calmer ses craintes ou parce qu'il ne voit pas assez son petit le jour. Il veut ainsi récupérer du temps en dormant avec lui. Je pense qu'il est préférable de trouver des solutions le jour pour satisfaire le besoin d'affection et d'amour de notre enfant.»

Le cododo: un sujet tabou?

«Certains proches ou membres de ma famille ne voyaient pas d'un bon oeil que Sofia dorme avec moi, avoue Maria José. On me disait que j'en ferais un bébé gâté, qu'elle ne serait pas indépendante. Ça n'a rien à voir. Ma fille est autonome. Par exemple, il a été facile de l'habituer à aller à la garderie.» Même son de cloche du côté de Sophie. «Mes enfants sont indépendants et sociables. Je ne reçois que de bons commentaires sur leur comportement.»

C'est vrai qu'il y a un tabou autour du cododo, note Hélène Boissonneault. «J'ai des amies qui ne peuvent pas en parler avec leur famille sans que ça déclenche des discussions énormes. Moi, je me réfère aux tribus où tout le monde dort ensemble. Je suis l'avant-dernière d'une famille de 12 enfants. On a toujours dormi à plusieurs dans la même chambre. La nuit, si j'avais peur, j'allais rejoindre une de mes soeurs. Je ne crois pas que cela nuise à l'autonomie. Je pense plutôt que le cododo donne une plus grande confiance aux enfants.»

Plusieurs se demandent aussi quel impact le cododo peut avoir sur l'intimité du couple. Les mamans interrogées assurent n'avoir jamais mis de côté cet aspect de leur vie. Selon elles, il faut juste faire preuve d'imagination. «Il n'y a pas qu'un lit dans une maison, dit Sophie. Quand je demande à mes amies qui ont des enfants si elles font l'amour aussi souvent qu'avant, je m'aperçois qu'on vit un peu la même situation. Ce n'est pas le cododo qui restreint les moments d'intimité d'un couple, mais le simple fait d'avoir des enfants.»

Julie n'est pas tout à fait du même avis. «Quand ça fait deux ou trois nuits que mon chum va dormir dans le lit de notre fils, je trouve que ce n'est pas super pour notre couple, dit-elle. Ça nous enlève des petits moments, pas juste pour se coller, mais pour se parler, se raconter notre journée, etc.»

Au bout du compte, il revient aux parents de juger si le cododo est la solution pour leur famille. Qu'on partage le lit ou non, l'important est que tous les membres de la famille soient confortables et heureux... Et dorment paisiblement.

Pour du cododo sécuritaire

  • On ne dort pas avec notre bébé si on a pris de l'alcool, des médicaments ou toute autre substance qui altère la vigilance.
  • On s'abstient également si on fume (autant la mère que le père), car cela augmente les risques de MSN.
  • On couche bébé sur le dos sur une surface ferme (pas de divan, de lit d'eau, de sofa ou de matelas soufflé).
  • On utilise un minimum de couvertures: pas de gros duvets ni d'oreillers près du bébé.
  • On s'assure qu'il n'y a pas d'espace entre le mur et le matelas.
  • La température ambiante dans la chambre doit être confortable pour nous, mais surtout pas trop chaude.
  • On évite de partager notre lit avec d'autres enfants.

 

Des lectures pour mieux dormir

  • Fais dodo mon trésor, par Sylvie Galarneau, Bayard Canada, 2008, 320 p., 24,95 $.
  • Chut! Fais dodo... Le sommeil et les troubles du sommeil chez les enfants, les adolescents et leurs parents, par Nadia Gagnier, Éditions La Presse, 2007, 112 p., 14,95 $.
  • Enfin je dors... mes parents aussi, par Evelyne Martello, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2007, 116 p., 14,95 $.
  • Être parent la nuit aussi, par William Sears, La Lèche, 2005, 227 p., 20 $.

À LIRE: Mon enfant a peur de dormir seul
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