Entretien
Quand l'air de la maison menace la santé
Istockphoto.com Photographe : Istockphoto.com
Entretien
Quand l'air de la maison menace la santé
L'air que nous respirons dans nos demeures a une incidence sur notre santé. La poussière, en apparence banale, renferme plusieurs composants nocifs. Par exemple des pesticides, de l'arsenic, des phtalates ou d'autres agents cancérigènes. Sans compter les moisissures, les acariens (ces petites bêtes qui vivent dans nos draps et nos tapis), les poils d'animaux, les parfums, la fumée de tabac et les émanations des produits d'entretien ménager!
La présence de ces contaminants aggrave les symptômes de maladies pulmonaires en plus d'augmenter le nombre de cas d'asthme et d'allergies, en particulier chez les enfants vulnérables.
C'est l'une des conclusions d'une étude sur la santé respiratoire des enfants de l'île de Montréal parue en juin 2011. Publiée par la Direction de santé publique de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal et menée en 2006 auprès de 8 000 enfants de 6 mois à 12 ans, l'étude a permis de conclure que la moisissure et l'humidité trop élevée dans les domiciles figuraient parmi les facteurs de risque modifiables de maladies respiratoires les plus importants. Ils seraient responsables de 26% des infections respiratoires, de 17% des cas d'asthme et de 14% des rhinites allergiques hivernales. La fumée de cigarette apparaît aussi dans le peloton de tête constitué par les chercheurs.
«Des études européennes, canadiennes et américaines avaient déjà démontré que les facteurs environnementaux comme les moisissures aggravaient les maladies respiratoires ou les déclenchaient. Notre étude visait à déterminer quels étaient les facteurs de risque les plus contributifs à ces maladies respiratoires sur l'île de Montréal pour trouver des pistes de solutions et voir les disparités selon les secteurs», explique le Dr Louis Jacques, auteur principal de l'Étude sur la santé respiratoire des enfants montréalais.
Les contaminants présents dans l'air
Plusieurs types de contaminants peuvent affecter la qualité de l'air ambiant d'une maison. Santé Canada les classe en deux catégories: les polluants biologiques et les polluants chimiques. Les premiers regroupent les acariens, la moisissure, les poils d'animaux, les bactéries, les blattes et le pollen. Les seconds comprennent, entre autres, la fumée secondaire, le parfum, le radon, les produits de combustion venant des véhicules à moteur et du chauffage et les composés organiques volatils (COV), ainsi que des substances chimiques émanant notamment des produits domestiques, du mobilier et des matériaux de construction.
«La moisissure excessive est un problème assez méconnu, mais très répandu. Si on ignore l'historique du bâtiment, s'il a subi des infiltrations d'eau par exemple, les signes de contamination ne sont pas toujours visibles, explique le Dr Jacques. Les moisissures peuvent demeurer cachées à l'intérieur des murs et des plafonds pendant des années. Or, les fines particules qu'elles émettent peuvent être diffusées à travers les prises de courant et les divers interstices des murs ou des plafonds et être respirées par les occupants du logement. À la longue, ceux-ci peuvent contracter des maladies respiratoires et d'autres problèmes de santé.»
La moisissure et les maladies respiratoires
Les maladies respiratoires causées par la présence d'humidité excessive ou de moisissures les plus fréquentes sont l'asthme, les infections respiratoires et la rhinite allergique. Les symptômes de la rhinite s'apparentent à ceux d'un rhume des foins. Le nez est congestionné, les yeux sont rouges et irrités, et il peut en découler des sinusites à répétition. «Ces symptômes sont plus fort l'hiver, car les fenêtres sont fermées et l'air circule moins bien, ce qui fait que les moisissures sont plus concentrées», affirme le Dr Jacques.
La personne asthmatique aura besoin d'utiliser plus souvent ses inhalateurs. Et un individu non asthmatique pourrait le devenir.
Infections, fatigue, asthme et maux de tête
Les occupants en contact avec des contaminants présenteront davantage d'infections à la gorge, aux poumons et aux sinus dues à l'inflammation des muqueuses, qui sont alors moins résistantes aux bactéries. Des problèmes cutanés ou un état de fatigue général peuvent aussi résulter d'une mauvaise qualité de l'air, poursuit le Dr Jacques.
Les acariens et les blattes sont des causes fréquentes de rhinites allergiques et d'asthme, alors que les allergènes provenant des poils, de la salive et de l'urine de souris ou de rats peuvent déclencher des allergies respiratoires et aggraver l'asthme.
La fumée de tabac secondaire et les polluants issus du transport, surtout dans le cas des domiciles situés près des routes très achalandées, vont souvent entraîner des maladies respiratoires.
Quant aux COV, ils peuvent causer des irritations aux yeux et aux voies respiratoires et digestives, des maux de tête et des difficultés de concentration. Certains, comme le formaldéhyde, peuvent même provoquer le cancer.
Assainir l'air de la maison
Le Dr Jacques recommande d'être attentif aux indices qui peuvent indiquer la présence de moisissures ou de contaminants. «De grosses taches sur la brique extérieure sous une fenêtre signalent un problème d'infiltration d'eau. Une odeur de terre, de la peinture écaillée, des fenêtres très embuées et des taches noires au plafond ou sur les murs sont des signes avant-coureurs de problèmes d'humidité. Par ailleurs, si nos symptômes disparaissent lorsque l'on quitte le logement ou si l'on suit un traitement et que les symptômes reviennent, c'est signe que quelque chose cloche.» Dans un tel cas, on doit chercher la cause de l'humidité excessive ou des infiltrations d'eau (toiture, plomberie), corriger le problème et décontaminer.
En cas de dégât dus à l'humidité ou d'infiltrations d'eau, on doit nettoyer rapidement - les moisissures apparaissent déjà après 48 heures - et colmater les fissures pour éviter l'apparition de moisissures.
L'utilisation d'un échangeur d'air est recommandée, surtout dans les maisons récentes, mieux isolées mais qui risquent davantage de retenir l'humidité à l'intérieur l'hiver. L'appareil permet de tirer l'air extérieur vers les pièces principales et de pousser l'équivalent en air vicié dehors. Les ventilateurs récupérateurs de chaleur sont à privilégier, puisqu'ils remplacent l'air tout en gardant plus de la moitié de la chaleur. Une méthode plus économique consiste à utiliser les systèmes de ventilation de la cuisine et de la salle de bain pour faire circuler l'air. En période de chauffage, il est conseillé de maintenir le taux d'humidité à un maximum de 50%.
Pour éliminer les acariens et la poussière, la Société canadienne d'hypothèques et de logement recommande de passer l'aspirateur, équipé d'un filtre HEPA(haute efficacité pour les particules de l'air), toutes les semaines et de consacrer de 30 à 60 secondes par mètre carré de surface, de façon à faire un ménage en profondeur. L'emploi de peintures à faible teneur en COV, de bois franc, de revêtements de sol faits à partir de sources naturelles (bois certifié FSC, bambou ou eucalyptus) et de matériaux de construction certifiés ÉcoLogo aidera à limiter la présence de COV.
Quelques trucs supplémentaires
Pollen et autres allergènes: utiliser un filtre à haute efficacité dans le générateur d'air chaud et le changer tous les 90 jours.
Acariens et poussière: utiliser des taies d'oreillers et alèses de matelas antiacariens, et laver les draps toutes les semaines. Nettoyer régulièrement les rideaux, coussins, peluches des enfants et meubles rembourrés.
Résidus d'eau dure: les adoucisseurs d'eau ou les échangeurs d'ions peuvent éliminer cette accumulation sur les pommes de douche et dans les lave-vaisselle.
Monoxyde de carbone: installer des détecteurs de monoxyde de carbone certifiés par l'Association canadienne de normalisation (CSA), et faire vérifier annuellement le générateur d'air chaud et la cheminée par un professionnel.
Produits d'entretien ménager: utiliser des nettoyants non toxiques à base de plantes et opter pour des formules sans produits chimiques pour se débarrasser des organismes nuisibles (tue-mouches, pièges adhésifs, trappes, appâts).
Lire aussi: Les effets du smog et de la pollution sur la santé
Références
Étude sur la santé respiratoire des enfants montréalais, Direction de santé publique, Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2011.
Pour respirer la santé: dehors moisissures, coquerelles et rongeurs, Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2011.
Des clés pour améliorer la qualité de l'air de votre demeure, site du ministère de la Santé et des Services sociaux, de l'Institut national de santé publique, de la Société d'habitation du Québec et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Conseils pour un air intérieur sain, Santé Canada.