Loisirs et culture
Kim Thúy en 5 mots
Vi, son quatrième roman, parle d’amour, de dévouement et des liens familiaux très forts qui subsistent au-delà du temps. À l’auteure qui choisit ses mots avec la délicatesse de l’orfèvre, on a demandé d’en choisir cinq dans sa langue natale qu’elle aime et qui l’inspirent.
Cu'ng «Ça signifie chéri. J'aime beaucoup la douceur de ce mot-là, même si personne ne m'a appelée comme ça quand j'étais petite. Ce n'est pas dans notre vocabulaire familial! Mais quand je suis retournée au Vietnam, dans la partie sud, les marchandes ou les serveuses m'appelaient ainsi. Comme le vietnamien est une langue sans pronom personnel, c'est leur façon d'interpeler les clients.»
Nu hôn «On pourrait le traduire par "un bourgeon de baiser". Avec un bourgeon, on sait que la suite sera plus grande, plus belle encore. Mais ça commence avec quelque chose de petit, tout en retenue. Je trouve que c'est une très belle image.»
Mê «Le vietnamien contient beaucoup d'expressions pour expliquer l'adoration qu'on voue à quelqu'un. Adorer à la folie, aimer au point de figer comme un arbre, adorer avec ivresse... Même si elle est très amoureuse, mon personnage Vi n'arrive pas à définir cette sensation-là, car elle ne l'a jamais ressentie auparavant. Elle se demande même si cet amour a déjà vraiment existé. »
Yêu «C'est vraiment "être amoureux de quelqu'un". Il n'y a pas d'ambiguïté ici. J'aime l'existence même de ce mot-là. En français, "je t'aime", on peut le dire à toutes les sauces, ce qui lui fait un peu perdre sa beauté. Yêu reste précieux, car il n'a qu'un seul sens, et c'est rare, dans une langue, d'avoir un mot qui n'a qu'un seul sens. Ce genre d'amour-là, selon moi, mérite d'avoir un seul mot.»
Vi «Ce mot signifie d'abord "minuscule". Mais le nom complet de mon personnage est , ce qui veut dire "protéger la plus petite". On est dans une époque où plus c'est gros, mieux c'est. On oublie souvent que c'est le plus petit qui fait le plus gros, et que les choses minuscules - les fleurs par exemple - peuvent être tellement complexes. J'aimais aussi l'idée qu'au Vietnam, on donne ce nom à une fille qu'on souhaite douce et mignonne, mais qu'en français, la vie, c'est infiniment grand. Et la vie, elle est tout, sauf douce!
Vi, Libre Expression, 2016, 144 p., 24,95$
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