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Le chat est-il vraiment territorial?

Le chat est-il vraiment territorial?

  Photographe : iStock

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Le chat est-il vraiment territorial?

Des phrases maintes fois entendues, comme «il fait son territoire» ou «il protège son territoire», prouvent que nous étions persuadés que le chat était un animal territorial. Or les recherches récentes et les nouvelles technologies laissent entrevoir une tout autre réalité. 

De plus en plus d’éthologues, d’intervenants en comportement félin et de chercheurs remettent en question la territorialité du chat. Qu’en est-il au juste?

 

Pendant très longtemps, l’observation est demeurée la seule méthode permettant de comprendre le comportement du chat domestique. Un chercheur pouvait passer des heures sur le territoire de plusieurs chats à les observer et à documenter chacun de leurs mouvements.

Malgré son grand intérêt, ce dernier ne pouvait pas suivre un félin durant une journée entière et encore moins en surveiller plusieurs en même temps!

 

La technologie à la rescousse

L’arrivée du GPS et de la caméra portative – attachée au cou des félins – a changé la donne. Nous pouvons désormais suivre précisément le parcours d’un chat dans une journée et voir les images captées durant ses balades et ses rencontres.

L’un des premiers spécialistes à avoir utilisé ces technologies il y a une dizaine d’années est le professeur John W.S. Bradshaw, de l’Université de Bristol en Angleterre. Ses études ont d’ailleurs fait l’objet d’une série intitulée La vie secrète des chats, diffusée sur les ondes de la BBC.

Inspirés par cette série, nous avons décidé de faire une étude de petite envergure – et sans prétention scientifique – pour voir si nos chats québécois étaient différents des chats anglais.

Cette expérience a fait l’objet de deux épisodes à l’émission Animo, diffusée sur ICI Radio-Canada Télé, et nous a permis de voir que leurs comportements sont très similaires à ceux de leurs semblables européens, à l’exception près que les chats d’ici n’ont pas accès à l’extérieur à volonté comme c’est le cas pour ceux du Vieux Continent. Au Québec, les chats ont un comportement un peu moins routinier.

 

Le biais cognitif de confirmation

À première vue, les données GPS et le visionnement des images filmées semblaient confirmer ce qu’on avait toujours cru, c’est-à-dire que le chat est un animal territorial selon les critères éthologiques que voici:

  • Avoir un territoire défini
  • Patrouiller activement sur son territoire
  • Défendre activement son territoire
  • Faire des proclamations olfactives, visuelles et sonores, ainsi que des marquages répulsifs
     

La chose étonnante est qu’aujourd’hui, lorsque nous expliquons pourquoi le chat n’est pas un animal territorial, nous utilisons exactement les mêmes données GPS et les images de l’époque qui nous permettaient de confirmer qu’il en était un... tout cela à cause du «biais de confirmation», l’ennemi numéro un du chercheur, qui correspond à une inclination naturelle qu’a notre cerveau de privilégier des informations qui confortent nos idées, qui confirment ce que nous croyons.

De plus, comme la technologie n’était pas encore au point à cette époque, nous avions tendance à «remplir les vides» laissés par des données souvent incomplètes (dues à des problèmes techniques). Prenons donc chacun des critères d’un animal territorial et expliquons pourquoi le chat n’en est pas un, malgré les apparences. 

 

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Son territoire est-il vraiment défini?

Sur la 1re photo, chaque couleur montre le parcours d’un des chats habitant la maison du centre. À priori, nous constatons que chaque chat semble avoir défini son territoire à un endroit précis, qu’il défend activement. C’est du moins ce que nous avions conclu à l’époque.

Mais si nous observons attentivement, nous constatons que le chat parcourant le tracé bleu, bien qu’il concentre ses activités au nord-est de la maison, se promène pas mal partout et va souvent «envahir» les territoires des autres. Même chose pour le chat parcourant le tracé rouge qui, même s’il se tient surtout de l’autre côté de la rue, va très souvent là où le chat parcourant le tracé jaune se trouve et parfois là où
le chat «bleu» se situe.

Nous avions très bien dénoté ces comportements, mais vu l’influence du biais de confirmation, nous les avions qualifiés d’exceptions et ne les avions pas retenus, étant beaucoup plus excités de confirmer nos croyances d’une territorialité du chat telle qu’on la connaissait à l’époque. 

 

Patrouille-t-il activement sur son territoire?

Plus il y a eu d’études, plus nous avons compris que le chat n’avait pas vraiment de territoire défini et qu’en plus, il ne le surveillait pas activement. Le félin va plutôt là où il y a quelque chose d’intéressant pour lui. Certes, il a tendance à fréquenter souvent les mêmes endroits aux mêmes heures de la journée, mais, en ce sens, il n’est pas très différent de nous en tant qu’animal routinier: nous allons toujours aux mêmes restos, passons toujours par le même chemin pour aller au travail et fréquentons souvent les mêmes amis aux mêmes endroits.

S’il y a quelque chose d’attirant sur son parcours, il changera sa routine et investiguera. Nous avions noté ce fait chez certains chats de notre étude (comme le montrent les autres images, prises lors de différentes journées), mais, encore une fois, lorsqu’ils divergeaient de leur routine, nous avions qualifié leurs comportements d’exceptions.

 

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Défend-il activement son territoire?

Nous avons tous entendu ou vu notre félin réagir fortement face à un chat du quartier qui s’approche trop près de notre maison. Nous pourrions croire que le chat défend son territoire et les ressources qui s’y trouvent, comme le fait un animal dit territorial. Or les recherches ont démontré qu’il va plutôt défendre une ressource là où elle se trouve et non le milieu où elle se trouve.

De plus, les chats sont parfois intolérants par rapport à certains individus, mais ils en accepteront d’autres en fonction de leurs affinités et de la disponibilité d’une ressource. Voilà pourquoi votre chat réagit parfois fortement à la vue de certains matous et peu ou pas du tout lorsqu’il en aperçoit d’autres.

Il est à noter également qu’il est possible que le chat considère la maison comme un lieu renfermant une tonne de ressources (sécurité, nourriture, caresses, gâteries, jeux) et que c’est l’ensemble de ces ressources qu’il veut protéger. Elles sont simplement concentrées dans un seul «contenant», qu’est la maison, chose très rare dans la nature. Voilà pourquoi un chat pourrait chercher à chasser un autre chat qui s’approcherait trop près de la maison.

 

Fait-il des proclamations et des marquages répulsifs?

De tous les points définissant la territorialité du chat, c’est probablement celui qui a été le plus décomposé et remis en doute grâce aux GPS et aux caméras. S’il était vrai que le chat était un animal territorial, il aurait fallu que son fameux marquage urinaire (que nous avons qualifié de «marquage territorial» dans le passé) soit distribué en périphérie de son territoire.

Ce serait un peu comme nous le faisons lorsque nous voulons délimiter notre propriété en disposant clôtures et affiches «terrain privé» aux limites de notre terrain. Or les données GPS ont clairement montré que les marquages urinaires n’étaient pas distribués de cette façon, mais plutôt à des endroits précis, et souvent regroupés sur les mêmes lieux pour plusieurs chats. Nous sommes donc très loin des marquages répulsifs ici.

 

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À propos des marquages...

Chez les chats non stérilisés, le marquage urinaire n’a qu’une seule fonction: il agit à la manière d’un site de rencontre sur lequel serait inscrit «chat cherchant l’âme sœur pour accouplement rapide» sur la fiche personnelle du matou. Voilà pourquoi plusieurs chats vont avoir tendance à uriner au même endroit. C’est plus efficace de visiter un seul lieu que d’avoir à se promener un peu partout, non?

Chez les chats stérilisés, le marquage urinaire n’a pas la même fonction, surtout s’il est fait à l’intérieur de la maison. Encore ici, il faut différencier le marquage urinaire des besoins hors litière. Le marquage est
fait en position debout, la queue frétillante dans les airs et souvent sur une surface verticale alors que les besoins hors litières sont faits en position accroupie.

Si le chat fait du marquage urinaire, il ne peut y avoir que deux causes possibles: soit il est en conflit avec un chat (à l’intérieur ou à l’extérieur), soit il souffre d’une condition médicale. On consulte d’abord un vétérinaire puis, si aucun trouble n’est détecté, on fait appel à un expert en comportement félin pour savoir quelle est la source du conflit et comment le régler. Ce problème de comportement se règle assez facilement. 

Quant à la raison pour laquelle un chat se frotte sur les objets, nous avons longtemps cru qu’il s’agissait d’une façon d’y déposer volontairement ses phéromones afin de délimiter son territoire, comme pour dire «cela m’appartient». Or nous croyons de plus en plus que le chat n’est pas conscient de ce comportement et qu’il fait cela de façon involontaire.

Certes, il dépose des acides gras, mais leur fonction n’est pas encore parfaitement comprise à ce jour. Pour l’instant, on se demande toujours pourquoi le chat se frotte sur les jambes de son humain, et la réponse à cela est probablement beaucoup plus en lien avec le fameux conditionnement opérant ou, en termes plus simples, parce que ça lui rapporte quelque chose (caresse, nourriture, attention).

 

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Le chat n’est pas territorial. Et puis?

Qu’est-ce que ça fait de savoir que le chat n’est pas un animal territorial? Pour les adoptants de chats, ça ne veut probablement pas dire grand-chose, mais pour nous, les intervenants en comportement félin, cela est d’une utilité incroyable.

Avant, quand nous croyions que le marquage urinaire avait une fonction territoriale, nous étions constamment en train d’analyser le comportement des chats dans leur environnement pour savoir où placer la litière et éviter les croisements de territoire avec les autres chats de la maison. Cela compliquait bien sûr notre diagnostic, mais surtout l’application de nos solutions et conseils.

Depuis que nous avons éliminé le facteur territorial et que nous savons que ça ne peut être lié qu’à un conflit avec un autre chat ou à une cause médicale, nous avons fortement augmenté le taux de succès de nos interventions, qui atteint maintenant de 85% à 90%.

 

 

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