Vie de famille

Témoignage: la famille que je me suis choisie

Témoignage: la famille que je me suis choisie

  Photographe : Anne Villeneuve

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Témoignage: la famille que je me suis choisie

Les films de Noël m’ont menti. Chez nous, Noël était tendu et violent. Un mélange d’alcool et de gens fébriles réunis pour la première fois depuis des mois: quel beau cocktail explosif!

Et la conclusion déchirante que, chez moi, la magie des fêtes n’existait tout simplement pas. Et puis, plus vieille, collègues et amis sont devenus mon noyau, mon filet, ma famille. Je ne passerais les fêtes avec personne d’autre.

 

Ça a commencé comme beaucoup d’histoires qui ressemblent à la mienne: avec des parents toxicomanes et le vain espoir que, comme par magie, les conflits familiaux disparaîtraient quelque part entre le 21 décembre et le 2 janvier. Et au milieu, moi, une enfant au cœur «boosté» aux chansons festives et aux magasins décorés. Moi qui réalise que l’ambiance des fêtes, loin de diluer les tensions, les nourrit, au contraire.

Je pense que ce qui fait le plus mal, c’est le fait de se rendre compte qu’entre ce que Noël est censé être et ce que tu vis réellement, il y a un gouffre. Je me rappelle un party chez ma tante. Elle m’avait passé le téléphone en me disant: «Julie, ta mère veut te parler.» Elle savait très bien que j’avais coupé les ponts avec ma mère. Je le lui ai rappelé. Je pense encore à sa réponse: «Oui, mais c’est Noël.»

«Nos attentes envers ce qu’une famille devrait être sont extrêmement élevées, explique Annie Cloutier, sociologue de la famille, des couples et du féminisme. Ce qu’on veut d’une famille, c’est la reconnaissance, la validation, la sécurité. On veut croire aux liens de sang indissolubles, à cette image de famille parfaite, mais la réalité est différente. Plus on a d’attentes, plus le contraste avec la réalité est explosif.»

J’avais huit ans la première fois où je me suis promis que, dès que je le pourrais, je couperais tout contact avec ma mère. Ado, au boulot, je couvrais tous les shifts de Noël. Puis, jeune adulte, j’ai travaillé dans un camp de jour qui a changé ma vie. Mes collègues sont devenus ma première vraie famille. C’est avec eux que j’ai compris que les fêtes pouvaient être simples, qu’on pouvait juste chanter, manger et se sentir en sécurité.

C’est drôle à dire, mais on se reconnaît entre «orphelins», entre victimes d’abus, mais aussi entre gens issus de la communauté LGBTQ+ rejetés par leurs proches. «La famille choisie, c’est d’ailleurs un concept élaboré par les personnes queers, note Annie Cloutier. C ’est une source de soutien qu’on ne retrouve pas dans notre famille biologique. On a en nous un besoin inépuisable de validation, de se faire dire: “Je comprends ce que tu as vécu, et tu as raison de chercher à t’en sortir”.»

Avec les années, ma famille choisie a évolué, s'est solidifiée. Il faut dire qu’au début, je voulais tellement appartenir à un groupe que je m’accrochais à tous ceux qui me montraient de la bonne foi. J’ai appris à choisir plus adéquatement. Quand mon conjoint est arrivé dans ma vie, j’ai compris qu’il y avait également des problèmes au sein de son foyer. On s’est créé une famille avec un couple d’amis et leurs deux enfants. Ils sont notre noyau. Nos contacts en cas d’urgence. On célèbre Noël à six, dans notre famille reconstituée.

Je me considère comme très chanceuse. Ma mère m’a mise dehors quand j’avais 19 ans, et j’ai toujours eu de l’aide, un sofa, un toit. Pour moi, c’est tout à fait normal de redonner au suivant. Quand un de nos proches a besoin de nous, d’un endroit sécuritaire où passer les fêtes, notre porte est toujours ouverte. On les implique (ou pas, c’est leur choix) dans les cadeaux. L’invitation est lancée, sans attentes particulières. Parce que parfois, à Noël et toute l’année, juste le fait de savoir que quelqu’un est là pour nous, ça fait du bien.

Même si elle en a longtemps voulu aux films de noël, Julie les regarde désormais avec tendresse (et un peu moins de naïveté!).

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