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Les effets de l'hiver, et du froid, sur notre cerveau

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Marie-Pier Lavoie, psychologue

2025-11-13T22:11:47Z
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Vous frissonnez? Votre cerveau aussi. Mais l’hiver n’est qu’un cycle naturel, inutile de le redouter chaque année. Notre organisme — et surtout notre cerveau — s’adapte aux mois les plus froids. Il existe même des moyens de l’aider à traverser la saison, à commencer par... prendre l’air.

«J’haïs l’hiver, maudit hiver. Les dents serrées, les mains gercées, les batteries à terre. J’haïs l’hiver, maudit hiver», chantait Dominique Michel. Et avec raison! Des études ont démontré que, tout comme les animaux, l’humain est lui aussi affecté par les saisons, sur le plan physique, certes, mais aussi sur le plan psychologique. 

Avec la diminution de la lumière qui accompagne l’hiver, notre organisme tout entier, corps et esprit, se trouve déréglé. Cette transition saisonnière perturbe nos rythmes internes, ce qui a poussé les scientifiques à s’intéresser de plus près aux changements biologiques provoqués par la saison froide.

Le passage à l’heure d’hiver a jeté une ombre sur notre moral. Les journées raccourcissent, le froid s’installe et, déjà, la mélancolie saisonnière — plus connue sous le nom de blues hivernal — fait son retour, bien avant le 21 décembre, date officielle du début de l’hiver.

Ce phénomène a une explication scientifique. «Chaque année, de manière cyclique, vous pouvez être confronté aux effets d’une perturbation du système sérotoninergique», explique la Dre Émilie Steinbach, neuroscientifique, docteure en sciences et fondatrice du site The Happy Neuron

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En clair, le blues hivernal serait directement lié à un déséquilibre de la sérotonine, ce neurotransmetteur qui régule l’humeur et que l’on surnomme volontiers «l’hormone du bonheur». «Durant l’automne et l’hiver, le manque de lumière naturelle peut freiner sa production dans le cerveau, entraînant un état dépressif», précise la spécialiste. Conséquence supplémentaire: une augmentation des envies de sucre et de féculents. La sérotonine intervient en effet aussi dans le contrôle de l’appétit, ce qui explique l’apparition de compulsions alimentaires à cette période de l’année. 

Si la luminothérapie a fait ses preuves pour atténuer le blues hivernal, une autre approche, plus douce et profondément naturelle, peut aussi nous aider à traverser la saison froide. L’hiver est souvent la saison propice pour une remise en forme, pour repartir à neuf. Bien que ces intentions soient louables, il est souvent difficile de les conserver, surtout lorsque la carence de lumière entraîne une baisse d’énergie et de moral. Et si la nature pouvait nous aider à nous remotiver? Si, en cette saison froide, le fait d’aller à l’extérieur pouvait avoir un effet sur notre forme physique et surtout notre bien-être psychologique? C’est ce qu’on appelle l’écothérapie, ou la guérison par le contact de la nature.

Unsplash | Larisa Birta
© Unsplash | Larisa Birta

Un bain de forêt? Pourquoi pas!

Au début des années 1990, les études du professeur Yoshifumi Miyazaki ont démontré qu’une marche de 40 minutes dans une forêt de cèdres améliorait davantage la vitalité et l’humeur qu’une marche en laboratoire de même durée. Les mesures démontraient également une diminution du cortisol (l’hormone de stress) dans la salive des personnes participantes. Plus tard, plusieurs expériences effectuées dans 24 forêts du Japon ont pu reproduire ces résultats et démontrer l’effet apaisant des forêts sur le système nerveux. Imaginez: une marche de 20 minutes en forêt, comparativement à une marche d’une durée égale en milieu urbain, amène une modification du débit sanguin cérébral et une baisse d’hémoglobine dans le cortex préfrontal, ce qui est un signe de relaxation. 

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En effet, lorsque le cerveau est moins actif, il n’a pas besoin d’un fort débit sanguin dans la partie préfrontale. C’est donc dire qu’une marche de 20 minutes aurait les mêmes effets calmants qu’un sédatif, mais de façon non médicamenteuse. Le professeur Miyazaki a été l’un des premiers chercheurs à établir scientifiquement que le fait de passer du temps en forêt était bon autant pour le corps que pour l’esprit. Il a donc proposé le terme «sylvothérapie» pour désigner l’ensemble des bienfaits que procure la pratique des bains de forêt chez l’humain. Les activités de sylvothérapie comprennent bien sûr la méditation en forêt, mais aussi la marche contemplative dans un parc, le yoga dans la nature, le repos allongé dans un hamac, la contemplation des étoiles ou des couleurs de l’automne, bref toute activité dans un milieu forestier qui calme l’hyperstimulation engendrée par un environnement urbain.

Dans les années 2000, l’équipe du Dr Qing Li, à l’université Nippon Medical School, à Tokyo, a effectué de nombreuses études en utilisant de nouvelles technologies afin de mesurer les réactions physiologiques durant les bains de forêt. D’abord, l’activité cérébrale a été mesurée en fonction de l’oxygène présent dans la partie préfrontale du cerveau et de l’activité du système nerveux autonome, soit les systèmes sympathique (responsable de la réponse d’alerte au stress) et parasympathique (qui permet au corps de se réguler, de se reposer et de récupérer). 

Il est intéressant de constater qu’en plus de diminuer l’activité cérébrale, et donc de favoriser l’apaisement, une simple marche de 15 à 60 minutes en forêt peut stimuler l’activation du système parasympathique (ce qui traduit un état de relaxation) et réduire celle du système sympathique. Il semble de plus que le corps s’y adapte selon ses besoins. Chez les personnes ayant une pression artérielle trop élevée, le fait de prendre un bain de forêt permet une diminution de la pression, alors que l’inverse a été observé chez des personnes dont la pression artérielle était trop faible. Le bain de forêt semble donc pousser le corps à trouver son équilibre, et ses effets peuvent durer jusqu’à sept jours. À l’approche de la saison hivernale, il semble que nous soyons toujours à la recherche de produits, naturels ou non, pouvant renforcer notre système immunitaire. Pourtant, la solution se trouve tout près de chez nous, dans une forêt, un parc ou un endroit vert qui pourrait diminuer notre anxiété en plus de renforcer notre système immunitaire, et même prévenir certaines maladies!

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Pourquoi ça fonctionne?

Les bénéfices de la marche en nature pourraient s’expliquer, entre autres, par la présence invisible dans l’air des forêts de phytoncides, des huiles naturelles volatiles que produisent les arbres et qui font partie de leur système de défense. Les phytoncides permettent en effet aux arbres de se protéger contre les insectes, les bactéries et les champignons, mais aussi de communiquer entre eux. À notre insu, ces substances chimiques sont aussi en mesure de stimuler ou de détendre notre cerveau. Les phytoncides agissent en stimulant les cellules du bulbe olfactif, qui transmettent l’information sensorielle au système limbique du cerveau (qui joue un rôle important dans la mémoire et les émotions) et à l’hypothalamus, ce qui enclenche une cascade de réactions neurochimiques, dont la libération de sérotonine et de dopamine. D’ailleurs, il n’est pas étonnant que certains médicaments et vaccins utilisent la voie nasale (le traitement par inhalation) pour nous soigner; le bulbe olfactif est physiquement près des parties du cerveau, et cette voie y mène de façon plus directe que la digestion et la transmission par le sang. En traversant nos voies nasales, les phytoncides peuvent diminuer la production d’hormones du stress, combattre l’anxiété et élever le seuil de la douleur, en plus d’optimiser le système immunitaire.

Sabit - stock.adobe.com
© Sabit - stock.adobe.com

Même par temps froid, le cerveau a soif

Notre corps est principalement composé d’eau. Une bonne hydratation est donc essentielle pour assurer le bon fonctionnement de notre organisme. Le cerveau, tout comme les muscles du corps, est composé à 70 % d’eau. Ainsi, l’eau est indispensable au maintien des fonctions physiologiques et psychologiques. Elle joue un rôle crucial dans le transport des nutriments aux cellules du corps et dans l’élimination des déchets de notre organisme. Elle assure aussi la protection du cerveau et la lubrification de nos articulations, et contribue à la régulation de la température corporelle. Lorsque la sensation de soif apparaît, c’est que nous avons déjà perdu 1 % d’eau, ce qui constitue un stress pour notre corps. Cela entraîne une diminution de nos capacités intellectuelles, dont la concentration, la vigueur, la mémoire et l’attention, en plus d’avoir un effet négatif sur nos capacités physiques, soit la fatigue.

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En hiver, il est plus difficile de prendre conscience des signaux de la soif. Puisque les températures froides retardent l’apparition de la sensation de soif, et que notre corps transpire moins qu’en période de canicule, il peut sembler moins naturel de boire fréquemment. Toutefois, le corps est soumis au même stress en hiver qu’en été, quand il est en état de déshydratation. De plus, l’air froid contribue au dessèchement de la peau, des cheveux et des muqueuses. Boire suffisamment d’eau peut donc prévenir ce type de problèmes. En hiver, le chauffage de nos maisons constitue également une source de déshydratation, ce qui peut entraîner de la fatigue et d’autres problèmes cognitifs.

Attention aux ruminations mentales

En hiver, plusieurs personnes s’adonnent à des ruminations mentales: «Tu parles d’un mauvais temps!», «C’est toujours la même chose, l’hiver est trop long!», «Je ne peux pas croire qu’on est déjà rendus là!», «Encore six mois à pelleter et à geler!» Le fait de tomber dans ce style de réponse pour gérer son état dépressif amplifie bien souvent l’état initial. Une personne qui n’est pas en recherche de solutions et qui entretient des pensées négatives participe au maintien de ses symptômes dépressifs.

Que représente l’hiver pour vous? Est-ce une saison difficile? Est-ce une période où vous êtes en deuil de certaines activités sociales ou sportives? Ou encore un moment qui vous rappelle un mauvais souvenir, qui rime avec les conflits familiaux plutôt qu’avec la joie généralement associée au temps des fêtes? Demandez-vous ce que vous pouvez modifier afin de changer votre perception. Mettez vos lunettes grises de côté pour transformer votre perception de l’hiver. Les ruminations et les anticipations négatives ruinent déjà votre moral avant même que vos symptômes se déclarent.

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HYGGE ET HIVER: une combinaison gagnante!

La saison froide est particulièrement appropriée pour s’initier au hygge. En effet, ce concept propre à la culture danoise englobe des sensations de chaleur, de confort et de contentement, et il est souvent associé à des moments simples et agréables de la vie. Bien plus qu’un confort physique, cet état constitue aussi une approche envers la vie qui valorise les relations sociales, le partage de moments avec des proches et une atmosphère de bienveillance. Les Danois considèrent le hygge comme un concept clé de leur bonheur et de leur bien-être, surtout lors des longs mois d’hiver. Alors qu’ils vivent dans un pays où l’hiver est sombre, où la météo n’est pas clémente, et qu’ils sont parmi les citoyens les plus imposés au monde, ils comptent pourtant parmi les populations les plus heureuses de la planète. Toutes les pratiques caractéristiques du hygge — le fait de cultiver l’art de ralentir, de prendre conscience de son confort, d’accorder de l’importance aux petites choses et de cultiver la gratitude — sont certainement de bons indices de contentement.

Pour en apprendre plus

Le cerveau en hiver: Astuces scientifiques pour prévenir et soigner la déprime saisonnière de Marie-Pier Lavoie, 32,95$

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