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Mon patron a-t-il des émotions?

Mon patron a-t-il des émotions?

  Photographe : Getty Images

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Mon patron a-t-il des émotions?

Des collègues bavardent en caucus, dans une atmosphère détendue à l’heure de la pause. Soudain, en une nanoseconde, le climat se rafraîchit, les langues se nouent et tout le monde regagne ses quartiers les yeux rivés au plancher.

Attention, le directeur est là! Un fantôme traversant la pièce ne créerait pas plus grand malaise. La scène vous semble-t-elle familière? Pourquoi les gestionnaires sont-ils si intimidants? Cheffe d’entreprises dans le domaine de l’aéronautique, MarieChantal Chassé reconnaît avoir déjà eu l’air au-dessus de ses affaires. Cold Mary était d’ailleurs le surnom que ses employés lui avaient donné. L’arrivée de ses trois filles ainsi que la franchise d’une directrice qui lui a un jour reproché son manque de chaleur l’ont fait se remettre en question.

La gentillesse peut être payante, confirme Jean Poitras, professeur titulaire en gestion des ressources humaines aux HEC Montréal. À condition d’en faire preuve pour les bonnes raisons.

«En voulant plaire à tout prix, on peut déplaire à tout le monde. Le patron peut être sympathique, mais il doit continuer à régler les problèmes avec justice et logique», affirme l’expert en relations de travail, qui croit qu’une telle approche sera gagnante dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. «Les jeunes employés aiment l’esprit de groupe. Ils ne resteront pas longtemps en poste si climat de travail n’est pas chaleureux.»

 

UNE FAÇADE

Dans son livre Pourquoi mon patron est aussi chiant? (Éditions La Semaine), MarieChantal Chassé tente de déconstruire le mythe du gros méchant boss. Son but: humaniser ces personnages qui ont un cœur sous leur costume en téflon, afin de rapprocher les deux solitudes du monde du travail.

Selon elle, l’image cassante du président ne serait qu’une armure antiadhésive destinée aux émotions, qu’il enfile au bureau pour dissimuler ses doutes et protéger son statut. Sous sa superbe, votre supérieur serait un être rongé par le doute et écrasé sous la pression. «Quand des difficultés surgissent, un patron ne peut fondre en larmes devant tout le monde. Pour éviter de se décomposer, il se fabrique un personnage. Lorsqu’on est en mille miettes, on sauve les apparences avec de la Krazy Glue», image l’auteure, avec humour et humilité.

Pour Isabelle Chagnon, psychologue industrielle spécialisée en développement des compétences relationnelles chez les gestionnaires, un patron peut montrer ses émotions à condition de réfléchir à l’impact qu’aura son attitude sur son équipe. «Je dis toujours qu’il faut faire preuve d’intelligence émotionnelle, explique la consultante chez Conscience ressources humaines. Quand on reçoit une brique sur la tête, il faut prendre du recul et laisser monter nos émotions. Si être sincère et authentique aide à créer un lien de confiance, réagir à chaud, par contre, peut se révéler démobilisateur et contre-productif. Il vaut mieux prendre le temps de digérer une mauvaise nouvelle avant de l’annoncer.»

De son point de vue, MarieChantal Chassé craint que les «faux superhéros», créés de toutes pièces pour ne pas perdre la face, nuisent à l’entrepreneuriat. Or, selon Mme Chagnon, ce type de leadership serait en train de s’éteindre tranquillement au profit d’une gestion plus collaborative. «La nouvelle génération de gestionnaires se rend compte de la valeur ajoutée d’une relation patron-employés plus ouverte, dit-elle. En restant campés dans l’ancienne mentalité, les réfractaires vont perdre de bons candidats, parce que ceux qui arrivent sur le marché du travail veulent se sentir considérés.»

Et si vous, gestionnaires du troisième millénaire, au lieu de vous rendre rapidement à votre bureau, vous vous arrêtiez bavarder avec vos employés quelques minutes? Vous pourriez être surpris! 

 

COMMENT DIFFÉRENCIER UN PATRON DIFFICILE D’UN PATRON TOXIQUE?

Un patron peut être désagréable de bien des façons: il peut est colérique, trop rigide, trop laxiste, il peut faire preuve de favoritisme, etc.

Cette personne peut miner l’ambiance, rendre le climat de travail malsain, mais est-elle toxique pour autant? Il est important de ne pas s'y tromper. «Lorsqu'on observe une faille dans l'exercice du leadership du gestionnaire, on parle alors d'un patron difficile», précisent les auteurs du livre Gestion des conflits au travail (Les Éditions Québec-Livres). Non seulement le patron toxique est difficile, mais il fait également des attaques personnelles qui ont des répercussions sur l’estime de soi des employés. Malveillant et sournois, il a une façon d’agir qui s’apparente fréquemment à du harcèlement psychologique, qui mérite d’être dénoncé. «Les patrons toxiques, par leur comportement, sont responsables de l’épuisement professionnel des personnes qu’ils visent et du taux de roulement élevé», indiquent les experts.

Même s’ils ne seront jamais des gestionnaires hors pair, entre autres à cause de certains traits de personnalité, les patrons difficiles peuvent s’améliorer en suivant des formations et du coaching. Dans le cas des patrons toxiques, l’intervention des ressources humaines est souvent nécessaire, de même que l’application de sanctions disciplinaires. La santé et le bien-être du personnel en dépendent.

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