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Être amie avec sa patronne, oui ou non?

Être amie avec sa patronne, oui ou non?

  Photographe : iStock

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Être amie avec sa patronne, oui ou non?

On passe tellement de temps au travail qu’il est normal de se lier d’amitié avec des collègues.

Parfois, aussi, c’est avec notre supérieure que le courant passe. Une telle amitié pose toutefois des défis particuliers. Pistes de réflexion.

 

Le monde du travail a changé. Les rapports entre employés et patrons sont plus décomplexés qu’avant. Il y a moins de barrières hiérarchiques, davantage de convivialité. Plusieurs travailleurs, surtout les jeunes, recherchent une relation d’égal à égal avec leur supérieur. Mais faut-il pour autant aller jusqu’à être l’amie de notre boss ou de notre employée? La question divise. Certains n’y voient pas de problème. D’autres pensent qu’une telle amitié est impossible ou du moins à éviter.

Pour la conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) Joëlle Charpentier, on ne peut pas concilier ces deux rôles. «La gestionnaire peut perdre en crédibilité auprès de son équipe, car elle ne sera plus perçue comme impartiale. L’employée, elle, pourrait être vue comme un chouchou, ce qui peut nuire à ses relations avec ses collègues», estime la présidente de Charpentier DO, une firme-conseil en expérience employé.

Coach et psychologue du travail chez Humance, Jacinthe Ouellet est moins catégorique. «Cela dépend des équipes et de la culture d’entreprise. Dans une culture cool et collégiale, ce type d’amitié est généralement mieux accepté.» Tout comme Joëlle Charpentier, elle est toutefois d’avis qu’il y a des risques et qu’il faut en être consciente.

 

Les pièges

Le favoritisme

On est amie avec la patronne? Si nos collègues croient qu’on bénéficie de privilèges, ils peuvent ressentir de la jalousie, de l’insécurité ou une perte de motivation. «Il n’est même pas nécessaire que ce soit vrai. La simple apparence de favoritisme peut avoir des conséquences sur le climat de travail», note Jacinthe Ouellet. Et si on pense qu’être amie avec notre cheffe nous place en meilleure position pour décrocher les mandats les plus intéressants ou obtenir une promotion, on pourrait vite déchanter. Certains patrons sont en effet plus durs avec leurs amis, de peur d’être accusés d’iniquité envers les autres employés, a montré une étude du Journal of Experimental Social Psychology. Faire amie-amie avec notre boss pourrait donc nous pénaliser!

Conflits de loyauté

La dynamique d’amitié patron/employé donne lieu à de nombreuses situations inconfortables. «Comme gestionnaire, on doit être capable de prendre des décisions qui déplaisent, souligne Joëlle Charpentier. Mais si on a noué une amitié avec une employée, on peut avoir de la difficulté à bien jouer notre rôle.» Pas facile, il est vrai, de refuser une promotion à une grande amie. «Ce genre de situations entraîne un conflit de loyauté, renchérit Jacinthe Ouellet. La personne en autorité se trouve coincée entre les intérêts de l’entreprise et ceux de son amie.»

Bref, une amitié entre un patron et un salarié, c’est compliqué. D’ailleurs, plus de 70% des personnes qui sont promues gestionnaires perdent des amitiés parmi leurs collègues et 90% d’entre elles ont du mal à naviguer entre les deux rôles, selon une étude publiée dans la revue Harvard Business Review en 2020.

 

Pour que ça se passe mieux

Malgré les enjeux, il y a toutefois des histoires d’amitié réussies. Comme celle de Sophie, une technicienne en aménagement paysager qui travaille sous la direction d’une amie depuis trois ans. «Ça fonctionne, parce qu’on est toutes deux capables de se mettre à la place de l’autre pour comprendre sa réalité, dit-elle. Par exemple, je comprends que mon amie n’a pas à tenir compte de notre amitié lorsqu’elle prend des décisions professionnelles.»

Faire preuve de jugement et d’empathie est en effet une clé du succès. Il est aussi important de s’entendre sur la manière de ne pas mélanger travail et amitié, et cela, avant que des malentendus arrivent. «On ne peut pas juste espérer que tout aille bien. Il faut que les choses soient claires», insiste Jacinthe Ouellet. Par exemple, on peut se dire qu’au boulot, on est avant tout patronne et employée, et qu’on va rester dans nos rôles respectifs. «Il est bon de préciser certains points, comme le fait qu’on ne pourra plus parler ensemble d’information confidentielle concernant l’entreprise ou les employés, ni manger ensemble chaque midi», ajoute la psychologue du travail.

On doit aussi veiller à ne pas laisser notre lien affectif nous influencer. Si on est patronne, il faut éviter tout favoritisme. Et si on est employée, on doit s’abstenir de demander un traitement de faveur. Ainsi, pas question pour Sophie de profiter de son amitié avec la boss pour obtenir les projets les plus intéressants. «Ça la mettrait dans une position délicate, et c’est la dernière chose que je veux, assure-t-elle. Sans compter qu’il est plus agréable de travailler dans une équipe où tout le monde est traité de façon équitable.»

Notre amitié s’est développée avant que l’une ne devienne la supérieure de l’autre? La transition pourrait être difficile, car on passe d’une relation d’égale à égale à un rapport où l’une des deux a du pouvoir sur l’autre. Pour éviter qu’un malaise s’installe, les chercheurs de la Harvard Business Review conseillent de reconnaître que notre dynamique au travail va changer et d’en discuter ensemble. «Se faire accompagner par un coach peut aussi grandement aider la personne qui passe de collègue à leader à réussir cette transition», conclut Jacinthe Ouellet, de Humance. 

 

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