Psychologie
Le charme des introvertis
Le charme des introvertis Photographe : Marie-Ève Tremblay / collagene.com
Psychologie
Le charme des introvertis
Julie n'est pas sauvage, mais a besoin d'être seule pour se ressourcer. Elle appréhende donc un peu la ronde sociale des fêtes de fin d'année. On plonge avec elle dans la vie des discrets.
J'ai une relation ambiguë avec Noël. Même si j'adore placoter, un verre de vin à la main, avec ma jeune cousine qui est chef, j'éprouve toujours un peu d'appréhension quand je sais que je vais devoir naviguer dans un party bourré de monde où certaines personnes seront gentilles et, d'autres, moins, qui boivent parfois un peu, souvent pas mal trop. Il m'arrive, encore aujourd'hui, d'avoir envie d'aller me réfugier sous la pile de manteaux de fourrure de mes tantes, entassés sur le lit de mes parents.
Je ne suis pas sauvage. Pas vraiment. Mais ces soirées me bouffent toute mon énergie. Quand j'enfile mes bottes, au petit matin, je suis vannée, et tout ce que je veux, c'est m'enrouler dans ma couette et me brancher sur Ciné-Cadeau. Toute seule.
Il n'y a pas si longtemps, j'ai appris que c'était ça, être introverti. Rien à voir avec le fait d'être sociable, rassurez-vous. «Pendant les fêtes, les introvertis ont souvent l'impression que leurs batteries sont à plat. Pour eux, les partys de bureau, les réveillons en famille leur demandent beaucoup d'énergie», explique Jacinthe Leclerc, psychologue à Sherbrooke. En fait, les introvertis puisent leur énergie dans la solitude, et les extravertis... dans les partys!
Pour Suzie, 50 ans, la distinction est claire. Elle travaille avec des équipes de création depuis des années, et elle est loin d'être une ermite. «J'aime les gens, mais je n'aime pas le monde!» Voilà comment elle explique son aversion pour les grands groupes, les activités mondaines et le fameux «réseautage». «Des conversations vite oubliées, très peu pour moi.»
Dans La force des discrets (publié au Livre de Poche), l'auteure Susan Cain explique comment la société actuelle valorise davantage les comportements propres aux personnes extraverties, comme le travail d'équipe, le réseautage et une vie sociale bien remplie. J'ajouterais aujourd'hui que les réseaux sociaux sont aussi emblématiques de la personnalité extravertie.
Pas surprenant, donc, que les introvertis se sentent un peu à côté de leurs pompes, surtout à Noël, où les invitations à divers partys pleuvent. Gérer l'agenda des fêtes, ça me donne le tournis. Si je refuse d'aller au party de Noël, mes collègues seront-elles déçues? Devrais-je inventer cette année encore quelques excuses pour ne froisser personne? Peut-être devrais-je consulter un psychologue dès novembre afin de développer mon côté extraverti, pile-poil pour Noël?
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«L'introversion, ce n'est pas une pathologie! C'est un tempérament qui ne se modifie pas. Les difficultés que peut vivre une personne introvertie viennent souvent du fait qu'elle pense qu'elle devrait être plus extravertie, car elle croit que c'est ce trait de caractère qui est valorisé ou attendu dans la société», explique la psychologue.
Il faut savoir s'assumer et agir en vue d'assurer son équilibre. Récemment, j'ai donc décidé d'arrêter d'aller aux partys qui m'épuisaient et où je ne m'amusais pas. Sans aucune culpabilité. Même chose pour Suzie. «J'aime écouter les gens, mais quand on est 150 dans une salle, avec la musique dans le tapis, ça devient impossible pour moi d'avoir une véritable discussion. À partir de là, je décroche», explique-t-elle.
Pour les festivités qui me tiennent le plus à coeur (comme le souper avec la famille de ma tante où on jase bouquins jusqu'à pas d'heure!), je fais une petite sieste en après-midi afin d'être en pleine forme le soir venu. Jacinthe Leclerc propose deux trucs pour que l'expérience soit plus agréable. «Si on a un conjoint ou quelqu'un qui nous accompagne, on peut convenir de l'heure du départ avant la soirée ou même prendre chacun sa voiture. Si, à un certain moment, on ressent le besoin de partir, il n'y aura pas de malaise», explique-t-elle.
Suzie, elle, aime maintenant recevoir ses amis chez elle, à la bonne franquette. «Étant occupée en cuisine, je ne suis pas obligée de faire la conversation, donc, ça me stresse beaucoup moins», dit-elle. Et avec des invités timides, on fait quoi? «Si on sent qu'un des invités n'est pas dans son élément, on peut lui demander de nous donner un petit coup de main dans la cuisine, par exemple. En se concentrant sur une tâche à accomplir, on est moins angoissé à l'idée de jaser de tout et de rien», suggère la psychologue.
Assumer son besoin de solitude, ce n'est pas si sorcier que ça. Ça pourrait d'ailleurs être une résolution pour 2016: se créer un cocon où on se sent bien, et se donner le droit de recharger ses batteries comme on le veut.