Psychologie

La créativité, ça se cultive!

La créativité, ça se cultive!

La créativité, ça se cultive! Photographe : iStock Auteur : Isabelle Bergeron

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La créativité, ça se cultive!

Si bricoler des décorations ou peindre avec de la gouache ne nous inspire pas, cela ne signifie pas qu’on est dénuée de créativité pour autant. Car la créativité, c’est bien plus que cela!

La créativité, c'est quoi, au juste?

«C'est notre capacité à générer du nouveau, résume le psychologue et art-thérapeute Pierre Plante, également enseignant à l'UQAM. C'est aussi ce qui nous rend unique, c'est notre identité.» Une sorte d'antonyme du conformisme. «C'est notre étincelle divine!» croit, pour sa part, Julia Cameron. Réalisatrice, scénariste, romancière, poète, journaliste et essayiste, l'Américaine de 67 ans a toujours été très allumée sur le plan créatif. La créativité est d'ailleurs un sujet sur lequel elle a beaucoup écrit. Elle a publié en 1992 le best-seller Libérez votre créativité, qui a sans aucun doute provoqué l'«étincelle divine» chez de nombreuses personnes. «La plupart des gens pensent que la créativité est réservée à quelques élus, dit l'écrivaine. C'est faux. La créativité habite absolument tout le monde; toutefois, elle est en dormance chez plusieurs.»

Une autre idée fausse qu'on entretient au sujet de la créativité est de ne l'associer qu'avec le domaine artistique. «Un esprit créatif ne s'accommode pas des théories qu'on lui présente, affirme Pierre Plante. Il jongle avec elles, fait des liens, conçoit des idées originales...» C'est en somme notre façon bien personnelle d'aborder le monde dans lequel on vit et de nous exprimer. Si l'enfant ne remet jamais en doute sa façon à lui de vivre et de s'exprimer, plusieurs tendent malheureusement à le faire à mesure qu'ils vieillissent. «La créativité est innée chez l'enfant, estime Pierre Plante. Il est complètement ouvert et découvre le monde avec tous ses sens. Sa pensée n'étant pas rationnelle, il n'y a aucun obstacle à sa créativité.»

Or, si la créativité de l'enfant est alimentée par ses parents, s'il croise sur son chemin des personnes qui la stimuleront, si sa vie est riche d'expériences diverses et s'il a suffisamment confiance en lui pour croire en ses propres idées et en ses talents, il réussira certainement à préserver cette qualité inestimable. «Sans doute que le pire frein à la créativité est la peur du jugement d'autrui, dit Pierre Plante. La créativité exige beaucoup d'assurance, d'audace et de persévérance, car être créatif signifie aussi qu'on expérimente et qu'on réussit rarement du premier coup. Sans compter qu'on s'expose à la critique et à la méfiance des gens plus conformistes.»

Des bénéfices certains

Une vie plus remplie! Albert Einstein a déjà dit que, si la logique nous conduisait du point A au point B, l'imagination et l'audace, elles, nous conduisaient là où on voulait! Ainsi, plus notre esprit est créatif, plus on s'ouvre à des possibilités diverses. Plus le monde et notre propre vie nous apparaissent riches. «La vie est plus belle, plus colorée, plus intense, plus profonde, plus piquante lorsqu'on crée, soutient Julia Cameron. Quand on se laisse aller à créer, on devient plus en accord avec soi-même. On se sent plus complet. Plus vivant.»

Une plus grande facilité à gérer nos émotions. Selon une recherche menée par la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, plus notre potentiel de créativité psychologique est important, mieux on gérerait nos émotions. «La créativité psychologique, c'est l'espace mental dont on dispose pour interpréter une situation difficile, dit la spécialiste. Plus on est capable de donner différentes interprétations d'une situation difficile ou d'un problème donné, plus nos réactions potentielles sont diverses et flexibles.» Un exemple: l'hôtesse du restaurant où l'on mange est bête avec nous. Limitée par une seule interprétation, on pourra se dire qu'on ne lui revient pas. En revanche, en s'appuyant sur diverses interprétations, on pourra se dire qu'elle a reçu une mauvaise nouvelle, qu'elle est tout simplement triste, etc.

Par ailleurs, la thérapie par l'art semble avoir fait ses preuves: de nombreuses recherches ont démontré que l'expression créative sous forme artistique aidait bien souvent des personnes ayant vécu un traumatisme physique, psychologique ou émotif. En plus de favoriser la guérison sur le plan psychologique, cette forme de créativité aiderait certains malades, telles les personnes atteintes d'un cancer, à réduire leur stress, notamment. Une recherche américaine publiée en 2010 a même démontré les effets bénéfiques de l'expression créative auprès d'enfants atteints d'asthme, qui ont vu leur anxiété diminuer et leur qualité de vie s'améliorer. «Le monde dans lequel on vit est complexe, et tout ne peut pas se régler de façon rationnelle, dit le psychologue Pierre Plante. Le dessin, le théâtre, le chant... Tout ça peut nous aider parfois, à condition que ces pratiques ne privilégient pas la théorie et les techniques, mais plutôt l'expression de soi.»

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Une plus grande facilité à trouver des solutions à nos problèmes. «La créativité, c'est une sorte de flexibilité de l'esprit, affirme M. Plante. Par exemple, si je demande à quelqu'un de me dire ce qu'il ferait avec un crayon, il pourra me répondre: "Écrire des poèmes ou prendre des notes", alors qu'une autre personne affirmera que le crayon pourrait servir de tuteur pour une plante.» Donc, plus notre «flexibilité mentale» est grande, plus on est capable de découvrir plusieurs solutions là où d'autres n'en verraient qu'une. Ken Robinson, auteur et orateur américain bien connu, a déjà dit que la créativité était plus importante que jamais à cause des problèmes planétaires auxquels nos sociétés doivent faire face (environnement, surpopulation, accessibilité à la nourriture, etc.). «Ces enjeux sont nouveaux, affirme-t-il. On n'a jamais rien connu de tel. La créativité doit être fortement encouragée dans les milieux scolaires.»

Bonne nouvelle: ça se cultive!

Qu'on ait de petites ou de grandes ambitions, développer et alimenter notre créativité aura toujours un impact très positif sur nous. Comment on s'y prend?

S'exercer à l'écriture automatique. Peut-être avez-vous déjà entendu parler de ces fameuses pages sur lesquelles on laisse notre crayon dériver sans réfléchir, une quinzaine de minutes chaque jour? C'est Julia Cameron qui les a popularisées dans Libérez votre créativité. «Pour quelqu'un qui pense vraiment qu'il n'est pas créatif, c'est une bonne amorce, dit Mme Cameron. Toutefois, ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air. Laisser de côté le rationnel et se laisser guider par notre inconscient n'est pas évident. Mais à force de pratiquer l'écriture automatique, on s'améliore. Et ça ouvre des portes en soi qu'on ne soupçonnait pas!»

S'imprégner de nouveauté aussi souvent que possible. On pense spontanément aux musées, aux spectacles, aux livres... Mais il peut aussi s'agir de se balader dans un quartier de la ville qu'on ne connaît pas, d'aller vers un collègue à qui on n'a jamais vraiment parlé, de cuisiner des recettes exotiques, etc. Même pour les habitués, il y aura toujours quelque chose de nouveau à découvrir. On adore le Musée d'art contemporain? Et si on allait au Musée d'histoire naturelle? «Tout comme notre hérédité et les personnes importantes de notre vie ont un impact sur notre créativité, nos expériences et nos apprentissages représentent également des matériaux de création», avance Geneviève Beaulieu-Pelletier. À nous de les multiplier!

Se «détacher» régulièrement de notre logique. Si on en juge par les recherches sur le sujet, rêvasser semble être un préalable à la créativité. «Notre société valorise beaucoup les actions productives qui rapportent immédiatement, note Julia Cameron. Or, on a besoin de ne rien faire, de s'amuser et de jouer...» Un peu comme on dit, d'ailleurs, qu'un enfant a parfois besoin de s'ennuyer pour que de nouvelles idées émergent. Par ailleurs, une étude publiée en 2012 dans la revue Consciousness and Cognition a démontré que le fait de rêvasser, de se projeter dans le futur, permettait de nous détacher de notre logique, et que tout ce qui avait cet effet favorisait notre créativité. Une autre recherche parue dans le Journal of Consumer Research en 2012 a établi que des bruits ambiants modérés (comme ceux souvent présents dans un café) stimulaient la créativité. La raison? Notre esprit logique, trop occupé à essayer d'analyser ces bruits, laisserait alors s'exprimer notre créativité.

On songe sérieusement à renouer avec notre créativité si...

  • Ça fait une éternité qu'on n'a pas essayé quelque chose de nouveau.
  • La peur de l'échec et du jugement des autres nous empêche souvent d'entreprendre un projet.
  • On éprouve souvent un sentiment de vide.
  • On a l'impression que nos idées ne font pas le poids, ne sont jamais bonnes.
  • On est influençable, ce qui fait qu'on adhère facilement aux propos qu'on entend ou qu'on lit.


Pour s'inspirer davantage

  • Libérez votre créativité, Julia Cameron, J'ai lu, 2007, 340 p., 13,95$
  • Une conférence TED exceptionnelle de Ken Robinson, sommité mondiale de la créativité:
 Do schools kill creativity? (avec sous-titres français), www.ted.com.

Témoignages

«J'ai toujours cru que j'étais dépourvue de toute créativité. Je pensais qu'on devait écrire des romans à succès ou peindre des œuvres admirables pour avoir le "droit" de s'y mettre. Sauf qu'à l'arrivée de mes enfants, j'ai plongé dans la gouache, joué des personnages et inventé des chansons avec énormément de bonheur! La magnifique créativité de mes enfants m'a séduite et m'a aidée à trouver la mienne.» Roxanne, 40 ans

«Dès l'âge de 14 ans, j'ai tenu un journal tous les jours. À 35 ans, j'ai arrêté de le faire. J'étais prise dans une sorte de tourbillon, et écrire ne faisait plus partie de mes priorités. Pourtant, par moments, je me sentais mal, comme si je m'étais un peu déconnectée de moi-même. J'ai donc recommencé, à 42 ans, et j'ai compris à quel point cet aspect de ma vie, de moi, m'avait profondément manqué et que je me sentais plus entière lorsque j'écrivais.» Geneviève, 44 ans

«Il ne faut pas accepter les idées toutes faites ni les théories soi-disant inébranlables. Quand une psychologue m'a dit que dormir avec ma fille de trois ans était mauvais, j'ai rejeté cette idée. Parce que mon intuition me disait le contraire. C'est ainsi que je juge être créative. Je ne me ferme pas aux conseils des autres, mais je me fie d'abord à ma propre façon de voir et de ressentir les choses. Ma façon de faire est unique, car c'est la mienne.» Katie, 36 ans

«À 16 ans, j'ai vécu une épreuve très difficile: le décès de ma mère. Si je n'avais pas eu l'écriture et le théâtre, je ne suis pas certaine que je serais passée à travers. Ça m'a aidée à exprimer mon désespoir, car je n'avais pas les mots pour le faire.» Natalie, 31 ans.

«J'ai eu trois entreprises dans ma vie. J'ai connu de belles réussites, mais aussi pas mal d'échecs. Mais j'ai toujours persévéré. Je ne me voyais pas travailler pour quelqu'un d'autre. Concrétiser mes idées d'entreprises, les bâtir, c'est ma façon d'exprimer qui je suis. C'est ma raison d'être.» Marie-Hélène, 52 ans

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