Psychologie

Comment déjouer les paroles culpabilisantes

Comment déjouer les paroles culpabilisantes

Thinkstock Photographe : Thinkstock Auteur : Coup de Pouce

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Comment déjouer les paroles culpabilisantes

«On sait bien, tu as mieux à faire!» Au détour d’une conversation, voilà que surgit la petite phrase qui nous fait sentir coupable. Sans compter tous ces reproches qu’on se fait nous-même. Huit remarques culpabilisantes et des trucs pour les gérer.

Qu'elles soient lancées de manière anodine ou utilisées exprès dans le but de nous manipuler, certaines paroles ont le don d'attiser notre culpabilité. «On peut avoir affaire à des gens qui veulent vraiment nous faire sentir coupable, explique la psychologue Mariève Landry, mais il arrive aussi que ce soit nous qui interprétons ce qu'on nous dit en nous basant sur des situations antérieures.»

Par exemple, si notre mère nous répétait telle ou telle phrase dans le but de nous réprimander et que, des années plus tard, notre chum utilise une expression similaire, on ressentira peut-être un sentiment de culpabilité qui n'a rien à voir avec la situation actuelle. «Ce ne sont pas les mots en tant que tels qui causent les émotions, mais plutôt la lecture qu'on en fait», atteste Marie-Hélène St-Hilaire, docteure en psychologie au Centre d'éducation en psychologie.

Quelques situations typiques et des conseils pour museler la culpabilité qu'elles éveillent en nous.

1. «Mais les autres mères le font, elles!», lance notre fils devant notre refus de préparer des biscuits pour son équipe de soccer.

Pourquoi se sent-on coupable? «Il est question de pression sociale ici, croit Mariève Landry. Il y a une norme, une pratique, que semblent partager certaines mères et qu'on est tentée de respecter afin que notre enfant ne soit pas jugé différemment ou mis de côté.»

On gère comment? Une réflexion s'impose: qu'est-on prête à concéder (notre heure de yoga?) pour faire comme les autres parents, ou quelles conséquences accepte-t-on d'assumer (être vue comme une mère négligente?) si on ne se conforme pas? «On peut aussi tenter de trouver une solution alternative, comme de faire appel à notre plus vieille ou de faire équipe avec une autre mère, dit la psychologue. Et si on convainc notre jeune lui-même de collaborer, c'est encore mieux!»

 

2. «Après tout ce que j'ai fait pour toi!», se plaint notre père à qui on refuse une autre de ses demandes extravagantes.

Pourquoi se sent-on coupable? Parce que cette phrase sous-entend qu'il devrait y avoir réciprocité. «Mais ça ne fonctionne pas comme ça, s'exclame Mariève Landry. Nos parents ont certes fait beaucoup de choses pour nous, mais n'oublions pas qu'ils ont choisi de les faire. Si on peut être reconnaissante envers eux, on n'a pas à les "rembourser".»

On gère comment? «Je suis reconnaissante à ma mère pour tout ce qu'elle a fait pour moi et je le lui dis souvent, raconte Karine, 42 ans. Je lui ai aussi expliqué que, pour moi, cette notion de réciprocité prend plutôt la forme de "donner au suivant" avec mes propres enfants. C'est, à mon sens, l'ordre normal des choses. Elle l'a bien compris et accepté.»

3. «J'aurais donc dû y penser!», se répète-t-on nous-même, prise en voiture dans un embouteillage avec les enfants qui hurlent qu'ils ont faim!

Pourquoi se sent-on coupable? «L'expression «J'aurais donc dû» laisse croire que c'est très grave de ne pas y avoir pensé, analyse Marie-Hélène St-Hilaire. Il faut dire que les femmes ont tendance à se culpabiliser lorsque les choses tournent mal.»

On gère comment? «En remplaçant d'abord les "J'aurais dû" par "Ç'aurait été préférable que j'y pense", suggère la psychologue. Cela évacue la notion de faute grave. Puis, on remet les choses en perspective: quel était le contexte lorsqu'on a quitté la maison ce matin? A-t-on été distraite dans nos préparatifs? Pouvait-on prévoir qu'un accident causerait un tel bouchon? Enfin, on se met en mode proactif pour chercher une solution plutôt que de rester dans la culpabilité paralysante.»

4. «Il faut que tu m'aides!», implore notre copine au téléphone au moment où on se prépare à partir pour le week-end.

Pourquoi se sent-on coupable? «Parce que certaines expressions comme "il faut" sont championnes pour susciter la culpabilité, indique Marie-Hélène St-Hilaire. Cela renvoie à une notion d'obligation, de devoir. Une bonne amie a le devoir d'aider sa consoeur.»

On gère comment? «En mettant ce "il faut" en perspective, conseille Mariève Landry. Quel est le type de difficulté auquel la personne fait face? A-t-elle demandé l'aide d'autres personnes? Y a-t-il d'autres stratégies auxquelles notre amie n'a pas pensé? Est-ce urgent? Peut-être qu'effectivement, on est la seule personne qui peut l'aider dans cette situation précise, mais peut-être pas non plus.»

5. «Tu es une mère extraordinaire, mais c'est tellement dommage que tu ne repasses pas leurs chemises!», dit notre mère devant les vêtements froissés des petits.

Pourquoi se sent-on coupable? Sûrement parce qu'on se dit qu'on devrait en faire davantage, surtout pour nos enfants. «Souvent, la culpabilité s'installe lorsqu'on n'a pas clairement défini nos priorités, affirme la psychologue Marie Rachel Clermont. Même si on est déjà débordée, des modèles irréalistes suggèrent qu'on peut toujours en faire plus. Cela crée une brèche où s'infiltre le doute. Or, on ne peut pas tout prioriser.»

On gère comment? En assumant pleinement nos choix. «Je sais que mes enfants ne manquent de rien, explique Emma, 36 ans. Mais pour garder la tête hors de l'eau, j'ai fait des choix: je cuisine chaque jour des repas santé maison à mes fils, mais je ne repasse pas leurs chemises. Alors, lorsque ma mère me sort ce genre de remarque, je choisis d'entendre le compliment et non le reproche.»

6. «Tu dois encore partir aussi tôt?», demande notre patron alors qu'on s'apprête à quitter le bureau.

Pourquoi se sent-on coupable? «En utilisant le mot "encore", notre patron insinue que ce comportement est constant chez nous, et cela mène au sentiment de ne pas être adéquate», avance Marie-Hélène St-Hilaire.

On gère comment? «On décortique la situation, suggère Mme St-Hilaire. Si notre emploi du temps est de 8 h à 16 h et qu'on quitte à 16 h ou 16 h 15, c'est l'interprétation de notre patron qui est mauvaise, car on part à l'heure prévue. En regardant objectivement la situation, on sait qu'on a procédé de manière adéquate. Par ailleurs, quand ce type de circonstance se reproduit, cela peut être une bonne idée de prendre la balle au bond en demandant à notre supérieur ce qu'il attend de nous exactement et d'en discuter avec lui.»

7. «On sait bien, tu es tellement occupée!», ironise notre meilleure amie, contrariée, quand on arrive en retard à un rendez-vous avec elle.

Pourquoi se sent-on coupable? «Tout est dans le non-dit, croit Marie Rachel Clermont. Souvent, les gens tolèrent et accumulent silencieusement. Et même s'ils ne l'expriment pas clairement, notre comportement les blesse.» Devant ces marques de déception et ces sous-entendus, on se sent inadéquate.

On gère comment? «En interrogeant la personne sur ce qu'elle n'exprime pas, croit Mme Clermont. «Ça semble te déranger, pourquoi? Comment voudrais-tu que ça se passe?»» On amène la personne à développer et on clarifie la situation ensemble. «Si notre copine a été blessée de manière répétitive par notre comportement, ça peut être l'occasion de s'excuser et de lui proposer de repartir sur de meilleures bases, poursuit la psychologue. On cessera alors de culpabiliser et de se sentir redevable.»

8. «Tu te laisses aller...», glisse notre conjoint alors qu'on a bien conscience d'avoir pris quelques kilos.

Pourquoi se sent-on coupable? Probablement parce qu'on a l'impression d'avoir failli dans notre quête de la perfection. «La culpabilité naît du conflit entre soi et l'image idéale de soi», affirment Catherine Aimelet-Périssol et Aurore Aimelet dans leur livre Apprivoiser sa culpabilité. On voudrait toutes être des Demi Moore et on se sent coupables de ne pas aller au gym, malgré nos agendas de ministres.

On gère comment? «J'en ai profité pour déclencher une bonne discussion sur notre vie de couple, dit Céline, 45 ans. Contrairement à ce que j'avais cru, ses paroles ne se voulaient pas un reproche, mais relevaient plutôt d'une maladresse. Il m'a dit que ce n'était pas tant mes poignées d'amour qui le dérangeaient que le fait que j'aie perdu cette légèreté qui me caractérisait autrefois. Il ne me sentait pas heureuse. On a redéfini le partage des tâches afin que je puisse me consacrer à mes activités préférées. Ça me fait un bien fou, je suis beaucoup mieux dans ma peau et je ne me sens plus coupable de ne pas être parfaite. De plus, mon conjoint est ravi!»

9. «Je devrais en faire plus...», se dit-on encore, en regrettant de ne pas avoir plié cette dernière brassée de linge avant d'aller se coucher.

Pourquoi se sent-on coupable? «Les "Je devrais" et "Il faut que" amènent automatiquement un sentiment d'obligation et une pression, rappelle Marie-Hélène St-Hilaire. Mais il n'y a pas grand-chose dans la vie qui mérite un "Il faut" ou "Je devrais"...»

On gère comment? En apprenant à mettre l'accent sur ce qui a été accompli et non sur ce qui reste à faire (cela pourrait mener à la dépression). Il y aura toujours d'autres tâches à faire! Mieux vaut reconnaître qu'on a bien travaillé et qu'il est temps de se coucher pour bien récupérer et être d'attaque le lendemain. On n'a pas à s'en faire: notre brassée non pliée ne se sauvera pas durant la nuit!

Pour en savoir plus

  • Responsable, oui! Coupable, non!, par Yves-Alexandre Thalmann, Jouvence Pratiques, 2014, 96 p., 5,99$ (en format numérique).
  • Au diable la culpabilité!, par Yves-Alexandre Thalmann, Jouvence, 2013, 192 p., 16,95$ (en format numérique).
  • Dire non sans culpabiliser, par Patti Breitman et Connie Hatch, Les Éditions de l'Homme, 2013, 242 p., 24,95$.

 

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