Psychologie
40 ans: un drame féminin?
Photographe : Marie-Eve Tremblay | Colagene.com
Psychologie
40 ans: un drame féminin?
J’ai soufflé les 40 bougies sur mon gâteau. Ma sœur aînée m’a tendu une carte d’anniversaire. Comme je m’y attendais, elle me mettait en garde, de manière humoristique, contre la crise de la quarantaine. Je lui ai tiré la langue, mais mon estomac s’est noué...
On parle souvent de la crise de la quarantaine chez les hommes mais, selon moi, les femmes aussi en traversent une, qui est similaire. Je savais que je n’échapperais pas à cette remise en question: dans la famille, mes deux sœurs plus âgées ont eu une «middle life crisis», comme disent les anglophones. Pour être honnête, je redoute la quarantaine depuis longtemps.
Ça commence sournoisement par des insatisfactions au travail. Je repense sans cesse à mes aspirations de jeune femme voulant changer le monde. Ce n’est pas avec mon emploi de conseillère financière que j’ai l’impression de faire une différence. Puis, devant tous ces témoignages de femmes qui ont transformé leur vie pour suivre leurs rêves, on finit par sentir que le besoin de corriger le tir, quand notre carrière ne suit pas la trajectoire qu’on avait imaginée, est légitime.
Heureusement, mon couple tient la route. Ce n’est plus l’amour fou, mais je ne cherche pas à séduire les jeunes hommes de mon entourage (même si je ferais bien une exception pour Éric Bruneau!). Mon mari trouve amusant que je sois celle des deux qui vive une crise de la quarantaine. Enfin, il semblerait que l’on devrait qualifier cette période de crise existentielle car, selon Louise Cossette, professeure au département de psychologie de l’UQAM, «on remet de plus en plus en question le concept populaire de la crise de la quarantaine». À son avis, presque toutes les femmes vivront au moins une crise existentielle dans leur vie. L’âge à laquelle elle surviendra dépend d’un éventail de facteurs, tels que la durée des études, l’état de santé, l’âge auquel on a eu les enfants, la relation avec le conjoint, etc.
Mme Cossette affirme que la crise de milieu de vie est «beaucoup plus reliée au contexte social qu’à la biologie». Si l’on part avec l’idée que la quarantaine sera terrible, on pourrait même provoquer une crise qui, autrement, n’aurait jamais existé. «C’est comme l’adolescence, donne-t-elle en exemple, certains parents s’attendent à une telle catastrophe qu’ils finissent par la provoquer.» Tiens, tiens... ça me ressemble, ça.
Pourtant, il y a certains faits qu’on ne peut nier: la quarantaine annonce la fin de la fertilité pour les femmes. Pour celles qui n’ont pas eu d’enfants, l’horloge biologique tictaque de plus en plus fort. Inversement, pour celles qui, comme moi, voient leurs enfants atteindre la maturité sexuelle, c’est tout aussi troublant. Quand je regarde mon adolescente de 14 ans avec ses charmes naissants, je me sens vieille et moche, moins féminine et moins désirable. La première fois que j’ai intercepté le regard flatteur d’un homme à son endroit, j’en ai eu la chair de poule. Encore aujourd’hui, je ne pourrais dire si mon malaise est venu du fait que mon bébé devienne une femme ou de la réalisation que ce regard ne m’était plus destiné. Pour sa part, le sociologue français Gérard Mermet croit que la crise de milieu de vie sera de plus en plus présente en Occident, puisqu’on évolue dans une société adolescente qui refuse de vieillir.
Pour traverser cette période trouble, j’ai décidé de me mettre en haut de ma liste des priorités. J’ai aussi opté pour la solution proposée par plusieurs spécialistes: m’asseoir et dresser mon bilan de vie en deux colonnes. La première pour les insatisfactions et les rêves refoulés, la seconde pour les accomplissements dont je suis le plus fière.
La deuxième colonne me confirme que ma vie est riche de sens. Et quand je relis celle de mes rêves oubliés, ça me donne des projets pour de nombreuses décennies... au moins jusqu’à ma prochaine crise existentielle!
Hélène V. 40 ans et toutes ses dents.