Couple

Le poids et le couple

Le poids et le couple

Steve Adams Photographe : Steve Adams Auteur : Coup de Pouce

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Le poids et le couple

Un sujet délicat ou futile? Un objet de taquineries ou de disputes? Peu importe la place qu’elle prend dans votre couple, la question du poids pèse assurément dans la balance.

Élise et François ne peuvent nier l'influence du poids au sein de leur couple: c'était la raison de leur rencontre! Dans un groupe de soutien pour les gens obèses ou en surpoids. Tous les deux voulaient perdre du poids pour gagner en santé. «Ce n'est pas deux ans qu'on a l'impression d'avoir partagé, mais deux vies! lance Élise, 31 ans. Le fait d'avoir fait cette démarche ensemble, de s'être encouragés et découragés ensemble, a fait en sorte de nous rapprocher très vite et très fort.» Ils ont tous les deux réussi à perdre plusieurs kilos, se sentent mieux dans leur peau, plus énergiques, mais pas nécessairement plus séduisants. «François, je le trouvais beau à 285 livres, dit Élise. Je le trouve aussi beau à 200.» En fait oui, Élise trouve son amoureux un peu plus beau. Mais c'est une beauté qui passe par l'admiration qu'elle éprouve pour sa détermination, sa générosité et sa persévérance. «C'est cliché, mais la beauté passe par le regard qu'on porte sur l'autre», croit la jeune femme. Et elle, se trouve-t-elle belle? «Le regard de François m'aide à me sentir belle, mais j'avoue que c'est quelque chose que je dois travailler tous les jours. Je suis toujours assez ronde et je sais que je ne répondrai jamais aux critères de beauté actuels. Je dois juste l'accepter.»

Pas tous égaux devant le poids

En 2012, un rapport de l'organisme ÉquiLibre, qui travaille à la promotion d'une image corporelle positive, indiquait que deux fois plus de femmes que d'hommes étaient préoccupées par leur poids. Les hommes, eux, visaient plutôt à augmenter leur masse musculaire. De même, un sondage Ipsos Reid publié en 2008 rapportait que des 73 % de femmes concernées par leur poids, 22 % l'étaient de façon obsessive. Rien de bien surprenant, dans un monde qui n'a jamais mis autant de pression sur les femmes.

«Aujourd'hui, on est littéralement bombardés par des images de femmes "parfaites"», dit Rose Robbins, doctorante en psychologie à l'Université d'Ottawa, dont la thèse porte sur l'impact de l'image corporelle des femmes sur le fonctionnement sexuel. Ajoutée à cela, toute une industrie qui se nourrit de nos insécurités, en laissant miroiter la possibilité que nous pouvons toutes calquer le modèle primé. «Aux États-Unis seulement, on estime que l'industrie de la perte de poids engrange 60 milliards de dollars par année, note Renée Landry, psychologue spécialisée en relations de couple. Que l'on soit bien dans notre peau ne serait pas payant pour elle!»

Et, bien entendu, ce «modèle primé» ne sera jamais assez mince. Un impératif pas évident à satisfaire pour les femmes, bien sûr, mais pour certains hommes aussi. La conjointe de Louis-Philippe, 37 ans, n'a aucun problème de poids. Pourtant, le jour où celui-ci a, pour quelque raison, estimé le poids de sa conjointe à 135 livres, elle lui a presque arraché les yeux! «Elle était vraiment insultée, se rappelle-t-il. J'aime ma femme, mais ça me fatigue de la voir toujours s'en faire à cause de la balance et de se dénigrer ainsi. J'essaie de la rassurer, de lui répéter à quel point je l'aime et la trouve belle, mais rien ne semble y faire. Vraiment, je ne comprends pas. Il me semble qu'il y a assez de "vrais" problèmes sur cette planète pour ne pas avoir besoin de s'en inventer!»

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Problèmes de poids, problèmes de couple?

«Quand la question du poids entraîne vraiment des problèmes dans le couple, c'est généralement parce qu'il y a autre chose qui cloche», estime Catherine Bégin, professeur en psychologie à l'Université Laval. Comme dans le cas de Louis-Philippe, dont la conjointe souffre peut-être à la base d'un manque de confiance et d'estime de soi. Comme dans le cas de Simon, le conjoint de Brigitte, qui avait sans doute commencé à mettre sa santé en péril à cause des 125 livres qui s'étaient confortablement installées au fil des années. «Quand j'ai connu Simon, à 19 ans, il pesait 175 livres, dit Brigitte, 40 ans. Jusqu'à tout récemment, il frôlait les 300 livres. À 42 ans, il était devenu le candidat idéal à toutes sortes de problèmes de santé, notamment les maladies cardiaques.» Bien que depuis une dizaine d'années, Brigitte lui faisait part de ses craintes de temps à autre et l'encourageait à y voir, c'est de lui-même que Simon s'est finalement lancé. «Son père a souffert d'un cancer de la prostate, et je crois que ça a fait réaliser à Simon à quel point la vie est précieuse et fragile», dit Brigitte. Ce dernier s'est donc mis à la course et a remanié ses menus. Résultat? En deux mois, il a perdu 40 livres. Si Brigitte est fière et soulagée - Simon vient sans doute d'ajou-ter quelques années à son compteur -, elle ne voit pas son amoureux autrement qu'elle l'a toujours vu. Car si son poids a été un sujet d'inquiétude, jamais il n'a fait décroître le désir et l'amour qu'elle a pour lui. «Nous sommes ensemble depuis 20 ans, dit-elle. Nos corps ont changé ensemble, ont vieilli ensemble. Ça fait en sorte, je pense, que nous sommes beaucoup plus enclins à nous accepter tels que nous sommes.»

L'acceptation n'est cependant pas toujours aussi aisée. Éric ne s'attendait certainement pas à se sentir menacé quand sa conjointe, Patricia, a décidé de s'occuper de son corps avec plus d'assiduité. «Au contraire, je pensais que le fait que Patricia prenne autant soin d'elle allait me plaire», dit l'homme de 57 ans. Au début, c'était effectivement le cas. Mais plus sa femme devenait en forme, plus son attitude se transformait aussi : plus confiante, plus énergique. «Elle s'épanouissait, et ça me confrontait à mes propres insécurités, confie Éric. Est-ce que je faisais moi-même assez attention à ma santé? Est-ce que ma femme allait cesser de m'aimer? Est-ce que j'allais toujours être le bon pour elle? Est-ce qu'elle ne préférerait pas être avec quelqu'un d'autre?»

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Une réaction plutôt commune semble-t-il. Pour Catherine Bégin, l'insécurité gagnerait bien des hommes, surtout quand leur femme perd du poids. «Parce qu'elle se rapproche des critères communs de beauté. La femme devient plus attirante pour d'autres hommes, donc plus à risque de partir... D'autant qu'une perte de poids entraîne souvent une augmentation de la confiance en soi.» De fait, Patricia se sent beaucoup plus sûre d'elle depuis qu'elle a perdu les 15 livres qui la gênaient. «Mais je ne pense pas que ça soit tant la perte de poids qui m'a fait cet effet que le fait de prendre enfin, à 50 ans, le temps de m'occuper de moi, de m'accorder de l'importance, bref de m'aimer un peu plus!» À cet âge, souvent l'orée de la ménopause, les femmes se diviseraient en deux groupes, selon Rose Robbins : «Il y a celles qui apprécient tout ce qu'elles ont accompli, qui sont capables de s'évaluer bien au delà de l'apparence; puis il y a celles qui ont beaucoup de difficulté à gérer ça, souvent celles qui ont toujours accordé une très grande importance à leur image.»

À 2 kilos du bonheur

L'insécurité qu'Éric a ressentie au début s'est traduite par une certaine jalousie à l'égard des réussites qu'accumulait Patricia par sa volonté d'être mieux dans sa peau. «Des fois, je chialais parce qu'elle prenait une soirée pour aller s'entraîner, admet-il. Ou alors je critiquais ce qu'elle mangeait ou la nouvelle robe qu'elle s'était offerte. Il m'est même arrivé une fois de suggérer qu'elle s'en allait draguer alors qu'elle sortait avec ses amies. Immature, je sais!» Une réaction dont Éric n'est pas très fier, mais qui a heureusement pu être résorbée grâce à une bonne communication entre Patricia et lui. Et grâce aussi au fait que tous les deux partagent leur vie depuis plus de 17 ans et que la base de leur couple est saine et solide. «Ma réaction m'a vraiment étonné, dit-il. En revanche, ça m'a fait réaliser que, même après 17 ans, même après trois enfants, on ne pouvait jamais tenir l'autre pour acquis. Je me suis aussi rendu compte que mes taquineries à propos de quelques livres gagnées étaient déplacées, stupides même, car vraiment sans importance.»

Louis-Philippe aimerait aussi que cette question ne soit pas aussi sensible pour son amoureuse. «Mais je sais bien que ce n'est pas son poids qui est un problème, dit-il. C'est sa confiance, l'estime qu'elle a d'elle-même. Et je me rends compte que même mon amour pour elle ne semble pas l'aider à se sentir mieux.» Son couple occupe pour l'instant une sorte de zone grise. «Je ne sais pas ce qui va arriver, admet-il. Moi, j'ai envie de mordre dans la vie, d'avoir du plaisir, pas de me contenter d'eau et de grignoter de la salade!» Ce n'est pas tant la question du poids que celle de l'image corporelle qui fait une réelle différence au bout du compte. Pour soi d'abord, puis pour son couple. «Mon travail de recherche m'a démontré que le fait d'avoir une piètre image corporelle constituait un des principaux facteurs d'insatisfaction sexuelle pour les femmes», note Rose Robbins.

Élise et François, bien qu'ils aient tous les deux perdu beaucoup de poids, se moquent bien de ne toujours pas correspondre au modèle de beauté idéal. «S'accepter, surtout quand on est très différent de ce modèle, est un travail quotidien, car on doit littéralement se battre contre un courant très fort, dit Élise. Mais je peux aujourd'hui dire que je suis fière de moi et que je m'aime de plus en plus. Et je sais que François ressent la même chose. Notre but n'est pas d'être minces, c'est d'être bien dans notre peau.»

Le poids du bonheur!

Le fait d'être heureux en couple aurait une influence sur notre poids. Une étude américaine parue en 2013 avançait que plus on était heureux et épanoui en amour, plus on risquait de prendre du poids. En 2015, des chercheurs britanniques estimaient cette prise de poids «par amour» à environ deux kilos. Bien peu cher payé pour une vie de couple heureuse!

Témoignages

«J'aime ma blonde. Je la trouve belle et je ne la changerais pour aucune autre. Est-ce que j'aimerais qu'elle ait gardé les fesses qu'elle avait à 30 ans, avant nos deux enfants? Oui. Est-ce que je vais lui dire? Jamais! Parce que c'est une goutte d'eau comparativement à toutes ses qualités.»

Marc, 39 ans

«Vers 40 ans, j'ai commencé à douter de ma capacité à séduire, plaire. Parce que je vieillissais, parce que j'avais pris un peu de poids, parce que je n'avais plus 25 ans finalement. Mais l'amour de mon conjoint, son regard, son désir, son admiration m'ont aidée franchir ce cap. Je focalisais sur le fait que j'avais pris 20 livres alors que tout dans ma vie allait bien. C'est tellement ridicule quand on y pense.»

Catherine, 48 ans

«Mon mari me taquine parfois au sujet de la relative mollesse de mes fesses et de leur léger épanouissement, par rapport à mon postérieur de 20 ans! Ça ne m'atteint pas le moins du monde. D'abord, parce qu'il m'aime. Puis, parce que mon apparence n'est qu'un tout petit facteur parmi des dizaines d'autres qui définissent la personne que je suis et la vie que j'ai.»

Marie-Anne, 52 ans

«J'ai eu un chum qui était accro au gym et qui surveillait tout ce qu'il mangeait de façon quasi maniaque. Oh! oui, il avait un corps d'Adonis et pas une once de gras. Mais quel ennui! Comme s'il n'avait pas d'autres intérêts que d'"entretenir" son corps. Vraiment, je préfère un homme un peu enrobé mais intéressant, drôle et intelligent. Et de loin!»

Valérie, 31 ans

«Mon chum a pris de la bedaine avec le temps, mais il est toujours actif. Il joue au hockey, il s'occupe de la maison, travaille dans le jardin, etc. S'il avait pris sa bedaine parce qu'il s'avachissait sur le sofa et ne voulait plus faire d'activités, là ça m'aurait dérangée.»

Isabelle, 38 ans

«Je comprends que les femmes subissent beaucoup de pression pour correspondre à un idéal de beauté. Mais je pense aussi qu'elles doivent essayer de travailler là-dessus, en s'acceptant, en se trouvant belles comme elles sont. J'ai connu des femmes magnifiques que j'ai fini par trouver moins belles parce qu'elles ne cessaient de s'autoflageller à cause de leurs cuisses "trop grosses" ou d'une bedaine imaginaire. Une telle attitude est un éteignoir.»

Jean-François, 42 ans

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