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Couple: l'art de négocier
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Couple: l'art de négocier
Vivre à deux, c'est prendre une foule de décisions, donc négocier sans arrêt. Pour certains, cela se fait naturellement, pour d'autres, c’est plus ardu. Nos conseils pour maîtriser cet art délicat.
Valérie et François s'entendent à merveille pour les décisions importantes, mais quand arrive le temps de planifier leurs loisirs, ça accroche. Elle déteste bousculer l'horaire de leurs jeunes enfants et devoir gérer des crises dues à la fatigue des petits lors de soupers entre amis. Lui trouve qu'à refuser toutes les invitations qui ne cadrent pas avec leur horaire, ils finiront par ne plus avoir de vie sociale. Une éternelle négociation qui se passe parfois bien, parfois difficilement. «J'ai tendance à me braquer et à dire non trop vite, alors que François accumule les frustrations jusqu'au point où il explose, confie Valérie. Une chance qu'on est sur la même longueur d'onde pour les sujets importants (l'achat d'un condo, l'éducation des enfants, les priorités financières), parce qu'on ne s'en sortirait pas.»
Bien négocier est essentiel pour faire durer notre couple, mais ce n'est pas toujours simple. C'est généralement plus facile avec des amis ou des collègues qu'avec notre conjoint. «Nos attentes sont souvent plus élevées envers notre amoureux, explique Nicole Desjardins, sexologue et psychothérapeute de couple. On se dit que s'il nous aimait vraiment, il accepterait ceci ou ferait des compromis sur cela. Un type d'attente moins présent dans d'autres sphères de nos vies.»
Il faut dire qu'au quotidien, on a moins de choses à régler avec nos collègues et nos amies qu'avec notre amoureux. Les repas, l'entretien de la maison, l'éducation des enfants, les vacances, le budget et les rénovations sont au nombre des choses qu'on doit gérer avec lui. «Ces négociations peuvent être difficiles parce que, contrairement aux amies, qu'on a choisies pour nos ressemblances, ce sont souvent nos différences qui nous ont attirée vers notre conjoint», explique Nicole Desjardins.
6 règles d'or de la négociation
1. Apprendre à se connaître. Comprendre comment chacun réagit facilite les négociations. Karl et Chantal, en couple depuis 11 ans et parents de deux jeunes enfants, en savent quelque chose. «Lorsque Chantal me soumet une idée ou un projet, je refuse toujours, lance Karl. Peu importe le moment ou l'endroit, ce ne sera jamais le bon. Je déteste le changement! Heureusement, ma femme me connaît bien. Elle amène son idée et me laisse la rejeter sans argumenter. Elle sait que j'ai besoin de temps pour laisser mijoter tout ça. J'y pense, j'en parle avec des amis et, quelques jours plus tard, je lui reviens avec une décision, positive la plupart du temps», raconte-t-il en riant.
2. Bien se préparer. Les conjoints heureux prennent la responsabilité de leurs besoins et de leurs désirs en faisant ce qu'il faut pour les satisfaire. Ensemble depuis 19 ans et parents de deux enfants, Mélissa et Patrick l'ont bien compris. «Si mon conjoint me soumet un projet, je sais qu'il a fait ses devoirs et qu'il sait où il s'en va, dit Mélissa. Quand il a voulu agrandir le patio, par exemple, il est arrivé avec un budget et un plan. On ne s'est pas entendus sur l'emplacement de l'escalier, mais en consultant nos amis, on a trouvé la solution parfaite.» Pour elle, négocier dans le couple ou au travail requiert les mêmes qualités. «Quand tu te présentes à ton patron, si tu es convaincue de ton idée, qu'elle est claire et que tu as un budget et un échéancier, il y a de bonnes chances qu'elle soit acceptée. C'est pareil dans le couple.»
3. Choisir le bon moment. Si, pendant la préparation du repas, un enfant nous demande de l'aider dans un travail scolaire, on lui dit de revenir nous voir en soirée. La même logique s'applique pour les négociations dans le couple. Si l'un ou l'autre est trop fatigué, occupé ou préoccupé, on reporte la conversation, idéalement à un moment précis comme en soirée ou le lendemain au restaurant. «Mais jamais au lit, précise Yvon Dallaire, psychologue et sexologue. Cet endroit doit demeurer un lieu de détente et de jeu.»
4. Alterner le pouvoir. En consultation, Yvon Dallaire utilise l'image d'un damier pour illustrer les différences dans un couple. D'un côté, un des conjoints dépose les pièces d'un jeu d'échecs tandis que l'autre place celles d'un jeu de dames. Quand un joueur avance un pion, l'autre lui dit que ce n'est pas de cette façon qu'il faut jouer. Si chacun insiste pour jouer à son jeu, rien ne va plus. La solution à cette impasse, c'est de jouer aux échecs, puis aux dames, c'est-à-dire de décider à tour de rôle, comme le font Isabelle et Sébastien. «Lors des dernières rénovations, c'est Isabelle qui a pris toutes les décisions pour la décoration de la cuisine et je ne suis pas intervenu. Pour la salle familiale, c'est moi qui prendrai les choses en main», explique Sébastien.
5. Créer un conseil des ministres. Le couple peut déléguer des pouvoirs à chacun des conjoints dans différents domaines. C'est ce que font Mélissa et Patrick. «Mon chum dit que c'est moi qui décide tout, mais en réalité, nous avons chacun nos champs de compétences. La décoration et l'éducation des enfants sont sous ma gouverne, tandis que les rénovations et la voiture sont sous la sienne», explique Mélissa, en précisant que les décisions importantes concernant les enfants ou impliquant de gros montants d'argent sont toujours prises à deux.
6. Accepter de ne pas toujours s'entendre. Les couples qui vont bien n'essaient pas d'établir un consensus à tout prix. Ils reconnaissent que parfois, il n'y a pas de solution et savent se montrer satisfaits malgré tout. Ils acceptent que, sur certains terrains, ils auront toujours des opinions différentes et des désaccords. «Au-delà de la résolution de conflits, ces couples veulent préserver la qualité de leur relation. Ils préfèrent être heureux plutôt que de gagner leur point», affirme Yvon Dallaire.
Quand les négos échouent: 5 erreurs à éviter
On n'arrive pas à s'entendre? Attention aux tactiques de repli pour exprimer notre désaccord!
1. Bouder. C'est une façon de dire: «J'ai raison, tu as tort.» Pour Nicole Desjardins, il s'agit d'une forme d'agressivité passive dangereuse pour la relation. «Les échanges deviennent utilitaires et avec le temps, l'intimité du couple est compromise. Si on a besoin de prendre du recul, mieux vaut dire à l'autre qu'on veut être tranquille pour reprendre notre souffle.»
2. Insulter. Un couple qui vit une dispute se met en danger si les conjoints se lancent des insultes, font des sous-entendus culpabilisants ou deviennent violents verbalement ou physiquement. Lyne et Joël, ensemble depuis 15 ans et parents de trois enfants, ont appris à exprimer leur colère en gardant un certain contrôle émotionnel. «Grâce à la thérapie de couple, nous exprimons nos sentiments, nos désirs et nos besoins beaucoup plus clairement. Nous avons surtout compris l'importance d'écouter l'autre et de le laisser nous répondre», avoue Lyne.
3. S'obstiner. On s'accroche pour des broutilles? Ces petites luttes quotidiennes sur qui a tort ou raison, sur le comportement de l'autre au volant ou sur sa manière de faire la cuisine risquent d'user notre couple. «On doit choisir ce qui est important et lâcher du lest sur ce qui ne l'est pas. Quand on commence à s'obstiner, il faut savoir s'arrêter avant que cela devienne trop chargé d'émotion», prévient Nicole Desjardins.
4. Se résigner. Il arrive que l'un ait plus de poids que l'autre lors des négociations. Si ce dernier ravale toujours ses émotions, il va exploser un jour. Ce couple doit apprendre à négocier, faute de quoi il court vers l'échec, croit Yvon Dallaire. «Plusieurs couples maintiennent un climat de désaccord perpétuel. Ils ne sont pas heureux dans leur relation, se résignent et vivent dans l'indifférence. C'est à mon avis une attitude très malsaine.»
5. Menacer. Il peut être tentant d'utiliser cette tactique comme monnaie d'échange lors des négociations conjugales. «Tu ne veux pas qu'on aille dans le Sud? Tu n'auras pas d'abonnement au golf cet été!» «Tant que le sous-sol n'est pas réparé, on ne change pas la voiture.» Sans parler de ceux qui se servent du sexe comme monnaie d'échange. «La sexualité et l'argent sont des zones de pouvoir, rappelle la sexologue Sylviane Larose. Ce comportement est très malsain, à moins qu'il ne s'agisse d'un jeu.»
Non négociable!
Apprendre à négocier est essentiel pour le couple, mais il importe de le faire dans le respect de nos limites. Certaines choses, comme la fidélité ou l'honnêteté, sont beaucoup moins négociables. «Heureusement, on ne choisit pas notre conjoint uniquement parce qu'il a des goûts différents des nôtres, mais aussi pour nos valeurs communes», conclut Nicole Desjardins.
Pour poursuivre notre réflexion
Être vraiment soi et aimer pleinement, par Marshall B. Rosenberg, Jouvence, 2011, 160 p., 12,95$.
Qui sont ces couples heureux?, par Yvon Dallaire, Le Livre de poche, 2008, 320 p., 10,95$.
Que se passe-t-il en moi?, par Isabelle Filliozat, Marabout, 2007, 318 p., 10,95$.
Les couples heureux ont leurs secrets, par Silver et Gottman, Pocket, 2001, 352 p., 13,95$.
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