Couple

Apprendre à accompagner un conjoint dépressif

Apprendre à accompagner un conjoint dépressif

  Photographe : Lucila Perini | agoodson.com

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Apprendre à accompagner un conjoint dépressif

Comment préserver son couple et sa propre santé mentale quand celle de son conjoint vacille? 

Témoignage et conseils lorsque tout dérape.

 

L'impression que le sol se dérobe sous mes pieds, que le monde tangue brutalement et que je n’ai rien à quoi me raccrocher. Pire: que celui qui me sert habituellement d’ancrage dans les tourmentes de la vie, qui me ramène à bon port lorsque je chavire, est maintenant la cause de la plus violente tempête que je n’aurai jamais à affronter. Mon amoureux est en dépression. Lui, mon partenaire dans toutes les joies et les déroutes, s’est effondré. 

Tout a commencé par la fatigue. Immense, persistante, elle le terrasse. Il s’épuise au travail, sous les ordres d’une gestionnaire sadique qui maltraite son équipe. Il tient bon pendant le jour et craque à la maison. Je ne le reconnais plus. Il a perdu son élan vital, sa patience avec les enfants, sa capacité à contenir mes inquiétudes. Je viens d’accoucher de notre troisième enfant, et je me sens terriblement vulnérable. Au moment où j’ai le plus besoin d’être soutenue, j’ai l’impression d’être non seulement abandonnée, mais également accablée par une urgence: celle de sauver mon chum.

Aude Caplette-Gingras, psychologue, reconnaît bien là l’effet ricochet de la dépression sur l’entourage: «La conjointe risque de voir sa charge mentale se décupler, de devoir maintenir l’équilibre familial à bout de bras. Or, si son soutien et sa compréhension font partie des facteurs de guérison, le risque de se brûler est réel. Il faut percevoir et respecter ses limites, et aller chercher de l’aide, pour soi, à l’extérieur.»

Mon chéri part à la dérive, et je dois puiser très loin en moi les ressources pour le comprendre et le secourir, alors même que je me sens vidée par le bébé qui tète et les grands qui cherchent leur place. Je ravale une colère que je ne me permets pas de vivre, car comment en vouloir à quelqu’un qui souffre? Cet interdit entre en collision avec mon besoin d’être aidée, pour que je puisse me remettre de mon accouchement et m’attacher à mon nouveau-né. Je me sens coincée, déchirée, et cette tension intérieure finit par jaillir sous la forme d’un terrible mal de dos. Il disparaît quand je prends conscience de ce conflit psychique et nomme ma rancœur.

Pour la psychologue, ressentir de la peur, de la tristesse, de l’impuissance ou de la colère de devoir subir une épreuve sur laquelle on a si peu de contrôle est parfaitement normal, tout comme la tendance à mettre ses besoins de côté pour prioriser l’être aimé en souffrance et ne pas se culpabiliser. Or, «cette abnégation nous expose à l’épuisement et à la détresse. Il est indispensable de se donner la permission de trouver la situation difficile et de se protéger pour ne pas perdre pied à son tour. Sinon, le corps peut se charger de nous envoyer des signaux clairs... comme le mal de dos qui nous forcera à nous arrêter de tout porter. Des ressources* existent pour les proches des personnes souffrant de troubles mentaux, tels que la dépression. N’attendez pas d’être vous-même en détresse pour y avoir recours.»

Et puis on émerge. Il accepte enfin les outils pour s’en sortir. Il change de boulot, se remet au sport, commence une psychothérapie, prend des antidépresseurs. Il remonte la pente. Le premier confinement, en nous cantonnant à la maison, scelle notre intimité retrouvée. Ç’a été une épreuve effroyable, mais on en a triomphé. Ensemble.

* Info-Social 811, 1 866 APPELLE (ligne d’aide et de prévention du suicide), Association québécoise des parents et amis de la personne atteinte de maladie mentale (AQPAMM), Réseau Avant de craquer pour les proches des personnes en souffrance psychique, Info-aidant: 1 855 852-7784 (ligne d’écoute et de référence de l’Appui pour les proches aidants).

 

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