Vie de famille

Témoignages: papa et monoparental

Témoignages: papa et monoparental

Martin Laprise Photographe : Martin Laprise Auteur : Coup de Pouce

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Témoignages: papa et monoparental

La monoparentalité se conjugue le plus souvent au féminin. Mais il y a des exceptions. Coup de pouce a rencontré des papas qui éduquent leur marmaille en solo.

Nicolas Dubé, 45 ans, papa de Sarah, 16 ans, de Frédérique, 14 ans, et d'Antoine, 10 ans

Comment je me suis retrouvé dans cette situation: «Ma conjointe est décédée subitement il y a trois ans. Elle avait un petit problème cardiaque, c'était génétique, mais jamais on ne s'était empêchés de faire quoi que ce soit à cause de ça. Ce fut un choc. Je suis parti travailler un matin et, le soir, elle n'était plus là.»

Comment je suis passé au travers: «C'est drôle à dire, mais, dans les mois qui ont suivi, j'avais beaucoup d'énergie, j'étais confiant. C'est probablement arrivé à d'autres: on a beaucoup de soutien, autour. Les gens nous aident, on se sent encore habité par l'autre. Au bout d'un an, deux ans, on réalise l'ampleur de la perte, on fait encore notre deuil. On a l'impression d'attendre quelque chose encore et encore.»

Comment je m'organise au quotidien: «Je n'ai pas de routine, je ne prévois pas beaucoup les choses d'avance, je vois au jour le jour. Les fois où j'ai planifié le quotidien, ça m'a déprimé. J'avais l'impression de ressentir plus crûment le fait que je suis seul avec mes enfants. Pour les repas, par exemple, je préfère faire quelques arrêts à l'épicerie dans la semaine plutôt qu'une grosse commande en fonction d'un menu établi. Avec les trois enfants, ça va vite. Je fais le taxi pour leurs activités, je m'occupe de la maison. Avec le boulot, ça fait beaucoup de choses. C'est un beau brouhaha plein de vie.»

Ce que je trouve le plus difficile: «Parfois, je me demande si je vais être capable, comment je vais faire. Ça n'arrive pas souvent, mais il suffit d'une petite chicane avec ma fille, par exemple, pour que je me remette en question. Ça, je trouve ça vraiment dur. Je me sens comme un Slinky, ce ressort qui descend l'escalier. Les moments où ça va moins bien, je me sens en bas de l'escalier. Heureusement, ça passe: le Slinky revient vite en haut!»

Ce que j'aime le plus: «Voir mes enfants grandir. Je réalise qu'ils se définissent de plus en plus. Ils ont leurs rêves, ils évoluent bien, même si on n'est pas deux à les élever. Ils amènent beaucoup de vie, chacun à sa façon. Je me rends compte qu'ils ont bougé plus vite que moi depuis le décès de leur mère. Lorsqu'ils parlent d'elle, maintenant, il n'y a plus de tristesse, il y a des souvenirs heureux.»

Ce que j'ai appris en étant père célibataire: «J'ai appris à recommencer une histoire. Quand on fait des enfants avec quelqu'un qu'on aime, on partage un rêve. Lorsqu'on se retrouve seul du jour au lendemain, il faut faire le deuil de ce rêve-là, s'en créer un autre. Par rapport à mes enfants, il m'est arrivé de me demander si je devais agir comme l'aurait fait leur mère, si je devais jouer un peu les deux rôles en même temps. Et puis, j'ai réalisé que je ne devais pas tenter de remplacer leur maman, que je pouvais juste essayer d'être un bon père.»

Joël Legendre, 39 ans, papa de Lambert, 3 1/2 ans

Comment je me suis retrouvé dans cette situation: «Tout petit déjà, je faisais ce rêve, toujours le même: je trouvais un enfant dans un panier. Lorsque j'ai appris que la loi permettait désormais aux pères célibataires d'adopter un enfant, j'ai immédiatement fait les démarches. Le 17 mai 2003, je m'inscrivais à l'agence et, 15 mois plus tard, j'adoptais Lambert en Chine. J'ai passé deux semaines là-bas. Il avait deux ans, parlait mandarin, et c'était déjà un petit clown! Quand on sortait dans la rue, il faisait rire les gens en disant des choses que je ne comprenais pas! Mais, après deux jours seulement, il m'appelait papa.»

Comment je m'organise au quotidien: «Lambert fréquente une garderie familiale la semaine. Il adore ça. En orphelinat, il vivait avec 500 enfants, alors il aime côtoyer d'autres tout-petits. Autrement, je le traîne beaucoup avec moi. J'ai installé une routine quotidienne à laquelle je ne déroge pas. Je m'arrange pour finir de travailler chaque jour à la même heure et, si je dois faire appel à une gardienne, c'est toujours la même.»

Quelles inquiétudes m'habitaient: «Quand j'ai su que j'allais adopter, j'ai acheté des livres comme Tout se joue avant six ans. Plus je lisais, plus j'angoissais. Finalement, j'ai fermé les bouquins. J'ai décidé de me faire confiance. J'ai fait une psychanalyse, question d'aller voir ce que j'avais aimé ou pas de ma propre enfance. Quand je suis parti pour la Chine, je savais que j'étais, à ce moment-là, la meilleure personne que je pouvais être.»

Ce que j'ai trouvé le plus difficile: «La première semaine. J'étais dépassé. L'Union des artistes prévoit un congé payé de 10 semaines pour les mères célibataires qui adoptent, mais il n'y avait rien d'inscrit pour les pères célibataires. Alors, à mon retour de Chine, j'ai dû travailler. Ma mère me donnait un coup de main, mais j'étais débordé. Finalement, j'ai fait appel au Comité des droits de la personne et j'ai eu droit à mes 10 semaines.»

Le regard de l'entourage: «Souvent, les gens sont admiratifs, ils trouvent que c'est beau et grand, ce que je fais. Je précise toujours que des milliers de femmes élèvent leurs enfants seules. Je ne suis pas meilleur qu'elles. Je suis un parent parmi tant d'autres, qui sont seuls ou en couple.»

Nos moments précieux: «Le matin, en voiture, on chante. Dès qu'on est assis, Lambert me demande des chansons douces. Et, tous les soirs, je lui raconte une histoire.»

Michel Grenier, 43 ans, papa de Francis, 15 ans, et de Maxime, 13 ans

Comment je me suis retrouvé dans cette situation: «En 2001, mon ex-conjointe est partie en me laissant les deux garçons. Un an après, elle reprenait les enfants. Je ne les ai pas vus pendant six mois. J'étais vraiment découragé. Lorsque je les ai finalement revus, ils voulaient revenir vivre avec moi. Dès lors, j'ai fait des démarches. En 2003, j'obtenais la garde complète de mes fils. En sortant du palais de justice, je pleurais comme un enfant. C'est la plus grande bataille que j'ai gagnée dans ma vie.»

Comment je m'organise au quotidien: «Il faut beaucoup de discipline. En plus du travail, je dois tout faire à la maison, alors je ne perds jamais de temps. Quand j'arrive le soir, je commence une brassée de lavage avant de préparer le souper. Le dimanche, je fais l'épicerie et je popote toute la journée. Avoir une vie sociale à travers tout ça, c'est un défi!»

Le regard de l'entourage: «J'ai de bons amis qui m'ont apporté beaucoup de soutien, mais, en général, ça étonne qu'un père ait la garde de ses enfants. J'ai parfois le sentiment d'avoir à prouver que je suis capable de prendre soin d'eux, comme si un père monoparental était suspect d'emblée parce que c'est moins fréquent. À l'école, notamment, il m'est arrivé d'avoir à me battre simplement pour obtenir les résultats scolaires de mes fils.»

Ce que je trouve le plus difficile: «Être seul avec les enfants alourdit les choses quand ça va moins bien. En période de crise, je n'ai pas l'appui et la perception de quelqu'un d'autre, je ne peux me référer qu'à moi-même et à ma vision masculine des choses. Je veux bien jouer à la mère, mais, à la base, je reste un père.»

Ce que j'aime le plus: «Quand on sort du quotidien ensemble. L'été dernier, on est partis à la pêche. Ç'a été des vacances formidables. Je fais aussi du vélo et je joue au hockey avec mes garçons. Dans des activités comme celles-là, je redeviens un petit gars. Je garde ma tête d'adulte, évidemment, mais j'ai autant de plaisir qu'eux.» Un souvenir précieux: «Lorsqu'on a déménagé, en 2003, mon aîné m'a écrit une lettre dans laquelle il me remerciait d'être là pour lui, tout le temps. C'était tellement touchant, tellement profond. J'en parle et j'ai encore une boule dans la gorge. Cette lettre m'a fait un bien immense. Je la traîne tout le temps avec moi.»

Éric Lavallée, 38 ans, papa de Marie-Pier, 11 ans

Comment je me suis retrouvé dans cette situation: «Il y a un an et demi, lorsque nous nous sommes séparés, mon ex-conjointe et moi, nous avons décidé d'un commun accord que j'aurais la garde de Marie-Pier. Pour moi, c'était naturel parce que j'ai toujours été très présent auprès d'elle. Je ne m'imaginais pas vivre sans elle. Cela dit, j'ai une belle relation avec sa mère. On veut tous les deux la même chose: le bien de notre fille.»

Comment je m'organise au quotidien: «Ça demande une grosse logistique. Il faut penser à tout. Mais je m'adapte bien. Chaque matin, je reconduis Marie-Pier à l'école. Comme je travaille le soir, j'ai une gardienne à la maison, Madame Martin. Elle me donne un coup de pouce pour le ménage et les repas. Je la remercie tous les jours! Ma fille fait aussi sa part: elle ramasse sa chambre, elle est très autonome. Comme les semaines sont chargées, les fins de semaine, on relaxe. On joue au basket, on va au ciné, on loue des films.»

Ce que je trouve le plus difficile: «Le temps qui file trop vite! J'aimerais faire tellement de choses avec Marie-Pier. L'été et les vacances passent en coup de vent. Je pense que j'aurais aimé être un père à la maison, ne pas avoir de stress et de fatigue. Je trouve dur, aussi, de ne pas être là le soir, à cause du boulot.»

Ce que j'aime le plus: «J'apprécie tout. On a du plaisir, on rit ensemble. L'automne dernier, par exemple, nous sommes allés faire l'activité d'Arbre en arbre, à Morin- Heights. C'est une des plus belles journées de ma vie. Voir le sourire de Marie- Pier, l'éclat dans ses yeux, ça n'avait pas de prix. Je suis très fier de ma fille. Je la regarde aller et je la trouve équilibrée, solide. J'apprends beaucoup d'elle.»

Le regard de l'entourage: «Je le trouve très positif. Marie-Pier et moi partageons une belle complicité,et il arrive fréquemment que des gens s'émerveillent du lien qui nous unit.» Nos moments précieux: «Chaque midi, Marie-Pier vient dîner à la maison. On s'installe pour manger et jaser. Ensuite, on regarde Ramdam ensemble. Le dimanche soir, on a notre tradition: le souper sushis. Je travaille tard les soirs de semaine, mais il y a toujours un moment réservé à Marie-Pier. Chaque soir, on se téléphone. C'est un instant réservé à ma fille, un instant où rien d'autre n'existe.»

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