Vie de famille
Peut-on être déçu du sexe de notre futur bébé?
Anne Villeneuve Photographe : Anne Villeneuve
L'échographie du deuxième trimestre révèle une information que certaines attendent avec impatience. Parfois une petite déception se fait sentir, est-ce normal?
Quatrième grossesse. Échographie de routine du deuxième trimestre terminée sans annonce alarmante. Pour célébrer l'heureux événement, on avait décidé d'aller prendre le petit déjeuner en amoureux.
C'est que l'échographie de la grossesse précédente avait été une véritable catastrophe. Bébé avait une malformation cardiaque et possédait plusieurs marqueurs de trisomie. Quelques jours plus tard, on apprenait qu'il s'agissait d'un garçon... non viable. Fin de l'histoire.
Mais cette fois-ci, bébé allait bien. On était fous de joie! Attablée devant une grosse assiette de crêpes aux fruits, j'ai regardé la photo de l'échographie et j'ai fait un commentaire sur le sexe du bébé: «Une troisième fille, c'est fou!
- On aura un harem, de blaguer le futur papa.
- Une autre belle petite fille en santé», ai-je senti le besoin d'ajouter.
Et là, j'ai éclaté en sanglots.
Peut-être est-ce parce que j'avais perdu un garçon, mais jamais l'idée d'avoir une fille ne m'avait traversé l'esprit. J'étais déçue. Je portais une petite fille pétante de santé et, là, je regrettais les pyjamas de garçon que je n'achèterais jamais. Je me trouvais odieuse.
Pourtant, ma réaction n'avait rien d'anormal. «Notre tête sait qu'on est chanceux d'avoir un bébé en santé, et ce, peu importe le sexe. Mais notre cœur peut mettre plus de temps à saisir la portée de ce message-là», explique mon amie et psychoéducatrice, Stéphanie Deslauriers, qui ajoute qu'on a tous des attentes datant de notre enfance concernant notre modèle idéal de famille. «L'important, précise-t-elle, c'est d'accepter de ne pas avoir le contrôle et de faire le deuil du sexe voulu. Ensuite, on se fait tranquillement à l'idée d'avoir un fœtus de l'autre sexe et, un peu plus tard, on développe un attachement réel au bébé.»
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Pour mon amie Geneviève, mère de trois garçons, le chagrin de ne pas avoir de fille ne s'est pas fait ressentir à l'échographie, mais la veille de la vasectomie de son conjoint. «Pour la première fois, j'ai éprouvé de la peine. Ce n'était plus juste un fait, mais un véritable deuil. Je réalisais que jamais on ne connaîtrait le lien spécial mère-fille ou père-fille. Mon désir de ne plus vouloir d'enfant était pourtant très clair. Mais de réaliser que je n'allais pas pouvoir reproduire la belle relation que j'avais avec ma mère m'était tout de même douloureux.»
Ce sont parfois les autres enfants ou les grands- parents qui vivent une grande déception en apprenant le sexe du bébé. «Notre fils de six ans, qui avait déjà un frère, a beaucoup pleuré quand il a su qu'il n'aurait pas de petite sœur, raconte Geneviève. Mon conjoint et moi, on lui a expliqué que nous non plus, on n'avait pas de sœur. Ensuite, on est allés dans une boutique, où les gars ont choisi une couverture et un pyjama à motifs de dinosaures pour leur nouveau petit frère, et tout est rentré dans l'ordre.»
Généralement, si elle est bien accueillie et vécue, notre déception cédera vite la place à la joie. Par contre, si elle persiste, il est possible qu'elle entre en résonance avec des blessures plus profondes. «Par exemple, si on a eu une mauvaise relation avec notre mère, on peut avoir peur de recréer la même situation avec notre propre fille», explique la psychoéducatrice, qui recommande alors de consulter pour éviter de faire porter notre déception à notre enfant.
Après l'épisode du restaurant, je n'ai plus jamais regretté le petit garçon qu'on aurait pu avoir. Lors de l'échographie de routine de ma cinquième grossesse, j'ai même sauté de joie en apprenant la venue de notre quatrième fille. Après tout, les «familles unisexes» sont bien pratiques. On s'y refile les vêtements, les jouets et les équipements sportifs. Et rendus là, on connaît bien ça, les filles!