Grossesse
Témoignage: J'ai vécu une fausse couche
Photographe : Anne Villeneuve
Grossesse
Témoignage: J'ai vécu une fausse couche
C’est l’été. Il fait beau et chaud quand je réalise que mes règles sont parties en vacances. Je cours donc à la pharmacie pour me procurer un test de grossesse. Un pipi plus tard, une deuxième ligne rose apparaît, traçant du même coup mon avenir.
Les premières semaines se déroulent à merveille, mais je suis impatiente d’avoir mon premier suivi de grossesse pour me rassurer que tout va bien. J’avais l’intention d’attendre un peu avant d’en parler à mon entourage, mais la fatigue et les petits malaises m’ont finalement incitée à dévoiler ma surprise.
À mon premier rendez-vous, comme je ne connais pas la date exacte de la conception, la médecin me propose d’essayer d’écouter le cœur du bébé... sans succès. Mais ce n’est pas nécessairement alarmant, ma grossesse est peut-être trop récente, après tout!
Je dois donc attendre la prochaine étape: l’échographie de datation. Allongée sur le lit, dans une grande pièce noire, je vois l’écran s’allumer devant moi. Et, en une fraction de seconde, je sais... je sais que tu n’es pas là, mon enfant. La gynécologue promène la sonde sur mon ventre, mais elle revient rapidement à cette tache ronde et noire. L’image du vide. Puis les mots que je redoute tant retentissent: «Normalement, on verrait un bébé ici. C’est ce qu’on appelle un œuf clair.» Quel choc! Ma grossesse est bien réelle et mon placenta continue de grossir, mais mon embryon a cessé de se développer peu après la fécondation. Mais où es-tu, mon enfant? Je t’imagine, je t’aime, mais tu n’existes plus...
De retour à la maison, je tente de démêler les émotions qui me submergent. Honte. Déception. Peur. Les jours qui suivent sont pénibles: j’éprouve toujours des symptômes de grossesse, mais je dois faire le deuil de mon enfant. Ensuite, la médecin m'offre trois choix: attendre que la nature fasse son travail, prendre une pilule abortive ou subir un curetage. J'opte pour le curetage, soit l’option la plus rapide. «Les gens oublient souvent qu’une fausse couche est un deuil comme un autre, souligne la psychologue spécialisée en périnatalité Marie-Alexia Allard. Pour beaucoup de femmes, la fausse couche représente la perte de leur enfant et le deuil d’un avenir, même si leur grossesse n’était pas visible.»
Ce que je trouve le plus difficile, c’est de ressentir de la peine, alors que ça semble déjà être chose du passé pour le reste du monde. Je m’isole pour pleurer. Je ne veux pas me sentir coupable ou jugée d’être encore triste par moments. «Il n’est pas rare qu’une femme qui a eu une fausse couche se sente incomprise ou seule avec sa peine», fait remarquer Marie-Alexia Allard, qui recommande alors de consulter un spécialiste. La vie a depuis repris son cours. Quant à moi, je m’accroche à une phrase que mon médecin m’a répétée: «La bonne nouvelle, c’est que tu es fertile.»