Loisirs et culture

Rencontre avec Éric Salvail

Rencontre avec Éric Salvail

Auteur : Coup de Pouce

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Rencontre avec Éric Salvail

Le rendez-vous était fixé pour un 5 à 7 avec Monsieur Variété en personne. Je m'attendais à ce qu'il soit très en retard, il l'a été. J'étais certaine qu'il aurait la meilleure raison au monde, il l'avait. J'imaginais un beau paquet de nerfs survolté qui tenterait de me mettre de la paillette plein la vue. Là, j'avais tout faux. Quand je le lui ai avoué, trois heures plus tard - oui, trois! Salvail parle beaucoup -, il a souri doucement. «J'espère que tu parleras de l'autre Éric. Celui qui est là, quand les projecteurs s'éteignent. Car j'ai l'intention de lui donner de plus en plus de place dans ma vie!»

L'autre Éric

«L'autre» fait mille choses que l'homme à paillettes ne fait pas. Cet «autre», c'est d'abord un homme d'affaires qui vient de convaincre son banquier d'investir dans une entreprise, Salvail & Co., dont les bureaux sont situés en plein coeur du Quartier des spectacles de Montréal - where else! Même si Éric-le-producteur trouve ses bureaux magnifiques et en éprouve une fierté de coq, il se ronge aussi les sangs parce que, désormais, il ne fait plus un pas sans penser au sort de ses employés. «Je n'ai pas le droit de me tromper. Ces gens-là, ils ont un travail, un salaire, des obligations. Ils m'ont fait confiance. Ils comptent sur moi et jamais je ne pourrais me résoudre à les décevoir!»

Cet autre Éric Salvail vient donc de changer de bureau, de maison, de réseau, de boss et d'émission. Savoir lequel de ces changements opère les contractions les plus intenses au creux de son estomac relève de la microanalyse. Pour l'instant, il est En mode Salvail, c'est-à-dire concentré sur ce tout nouveau talk-show de fin de soirée qu'il anime depuis peu. «Oui, en écoutant Michel Jasmin, Ad Lib ou Le Poing J, c'était l'un de mes rêves», avoue cet admirateur de Jimmy Kimmel et Jimmy Fallon et fan fini de Ellen DeGeneres.

Éric Salvail affiche l'attitude des artistes confiants mais fébriles. Il est certain qu'il aura du plaisir à animer un talk-show en direct. Mais là s'arrêtent ses certitudes. À 44 ans, il a trop de kilométrage à sa feuille de route pour ignorer qui décide pour vrai. «Le grand boss, c'est le public. Est-ce que les gens vont me suivre sur cet autre réseau? Je peux bien donner ce que j'ai de meilleur, ultimement, ce sont "eux" qui décident.»

«Eux», Éric Salvail les connaît depuis longtemps. Leur relation a commencé au dépanneur que tenaient ses parents, à Sorel. La famille habitait au-dessus. Éric a littéralement grandi parmi les clients. Parfois, il descendait en pyjama et se mettait à jaser avec les habitués. «Il avait un pouvoir pour faire rire le monde et les captiver, se souvient Colette, sa mère. Parfois, il sortait un jeu de cartes et les clients jouaient avec lui. Animer les autres, c'est en lui. Les aimer, aussi. Éric aime véritablement le monde. Je n'ai jamais vu ça, autant d'amour dans une seule personne!»

Mais ni Sorel ni le défunt dépanneur avec station d'essence du chemin Sainte-Anne n'étaient assez glamour pour le fils de la famille. «Il était sur son pot, et il apprenait déjà les commerciaux par coeur», relate sa mère, qui, dans son désir d'aider son célèbre fils, est officiellement devenue twitmestre pour son récent talk-show.

Petit, Éric voyait grand. Et pour atteindre ses rêves de grandeur, ce garçon grassouillet pouvait compter sur un atout majeur: il n'avait peur de rien. Pas même du ridicule! D'abord arrivé à Radio-Canada comme coursier, il a vite su mentir à la bonne personne pour dire que oui, bien sûr, il savait coudre, et se retrouver au 5e étage de la grande tour, au département des costumes, à habiller les Dominique Michel et Marina Orsini de ce monde. À sa première assignation - c'était un bouton, en plein Bye Bye, et il avait moins de temps qu'il n'en faut pour le dire pour revenir avec son oeuvre recousue -, il a convaincu Monique, une vraie costumière, de faire la job à sa place! «Éric bénéficie d'un charisme incroyable, confirme Émilie Ouimet-Maurice, son adjointe, qui le suit comme son ombre et qu'il appelle affectueusement "mon Émilie". Il peut convaincre n'importe qui de faire n'importe quoi.»

Et s'il en est une sur qui ce fameux charisme opère à fond, c'est bien sa mère. Lors de son 2e Gala Juste pour rire, il a convaincu cette septuagénaire de s'habiller en cuir «avec un collier à pics dans le cou», spécifie Colette Salvail, pour intervenir devant une salle comble de la Place des Arts. «Quand il m'a expliqué la scène, je lui ai dit: "Ah non! C'est pas vrai! Tu vas pas me faire faire ça!"» Mais déjà, la maman d'Éric savait qu'elle allait jouer le jeu. Alors que son entertainer de fils ouvrait son numéro, une femme habillée en cuir avec un collier à pics dans le cou s'est levée au milieu de la salle pour s'écrier: «Comment, chu v'nue de Sorel, pis y'a pas de sexe icitte à soir?» Du parterre au balcon, la foule a croulé de rire. «Je le savais-tu, moi, si le public allait trouver ça drôle? lance-t-elle. En plus, avant que le spectacle commence, il a fallu que je me rende jusqu'à mon siège habillée de même!» La vérité, c'est que Colette Salvail n'a pas eu peur une seconde. Elle savait très bien qu'Éric était là et que, quoi qu'il arrive, il n'allait jamais la laisser tomber.

Ses années à titre d'animateur de foule lui ont laissé un aplomb solide pour l'improvisation. Dans le milieu, il est reconnu comme l'un des meilleurs de toute l'histoire de la télévision. Dès ses débuts, des gens venus assister aux enregistrements d'émissions comme La Ptite vie ou L'Enfer, c'est nous autres avaient droit à un show bien avant que le vrai spectacle commence. «Je gagnais 50 piastres par jour! Mais je savais que j'étais là où je devais être.» Éric avait un dessein précis. Pour arriver à ses fins, il a d'abord travaillé sur l'enveloppe. Il a changé son alimentation, a pris des cours de diction, a perdu près de 50 livres, a enduré des broches, s'est mis à l'exercice, bref, il a pris le contrôle sur son look en vue d'opérer un grand changement: passer de l'arrière-salle à l'avant-scène. Quand Danielle Ouimet lui a donné sa première chance à titre de chroniqueur à Bla Bla Bla, il n'a plus lâché le kodak. En 2003, il devient coconcepteur et animateur d'Occupation Double. Le public l'aime déjà et ses cotes d'écoute - jusqu'à 2,5 millions - le démontrent bien. Trois ans plus tard, il produit et anime le talk-show On n'a pas toute la soirée. Suivront Dieu Merci!, une adaptation québécoise du concept australien Thank God You're Here, et Fidèles au poste!.

Le goût de changer

Après 15 années dans l'oeil de la caméra et maintenant à la barre du fameux talk-show de ses rêves, Éric pense déjà à l'avenir autrement. «J'ai cru toute ma vie que le Graal, c'était d'avoir le micro dans la main et d'animer. À ce point-ci de ma vie, je découvre un tout autre aspect de la création dans la production. M'asseoir autour d'une table avec d'autres créateurs et peaufiner un concept jusque dans ses moindres détails m'allume particulièrement. Est-ce que j'aurai toujours besoin d'avoir le micro dans les mains? Je ne pense pas. J'aspire déjà à une vie plus calme, plus sereine. Je n'ai pas envie de courir comme une poule pas de tête jusqu'à la fin de mes jours. J'ai d'autres intérêts, je suis épris d'architecture, j'ai une vie de couple - un bonheur qui dure depuis cinq ans et auquel je veux faire attention. Je connais la recette pour opérer des changements dans une vie: il s'agit de faire des choses qu'on n'a jamais faites. Non, je ne ressens pas le besoin de travailler comme un dément pour me sentir vivant. Je le fais, là, maintenant, parce que maintenant, c'est le temps de le faire.» Il croit qu'il saura changer de rythme, le temps venu.

Y aurait-il en Éric Salvail un zen dalaï-lama? «Pas tout à fait! Je ne mange ni pain, ni pâtes, ni riz, mais ça m'arrive de tomber dans le plat de M & M! Aussi, quand je suis au chalet, je me dis que je suis en train de rater les meilleurs shows en ville. Quand je suis en ville, je me dis: "Mon Dieu Seigneur qu'il doit faire beau là-bas!"» Ce sens de l'urgence en différé (un véritable feu qui naît toutes les 8 secondes dans son cerveau et qui le fait courir) a longtemps été un moteur. À un moment de sa vie où l'homme aspire à plus de contrôle, ça devient parfois une entrave au bonheur. «L'été dernier, je planchais sur le talk-show, je faisais le Gala Juste pour rire et la promotion du film Hot Dog, en plus d'ouvrir de nouveaux bureaux, de mettre ma maison en vente et d'aménager un nouveau condo! Tard le soir, en route vers chez moi, je voyais sur les terrasses les gens qui prenaient un verre entre amis. Ils avaient l'air de relaxer, d'avoir du plaisir. Cette image m'est restée.» Sa mère s'inquiète: «Il se demande pourquoi il ne peut pas faire ça! Je le vois vivre à 100 milles à l'heure. Je lui dis: "Fais attention, gars."» Mais dans les plans d'Éric, ralentir n'est pas au menu pour le moment. «Le temps, ce sera sans doute la pierre angulaire de ma prochaine bataille.» Une bataille qu'il compte bien mener dans le calme et la sérénité.

Les plaisirs d'Éric

1. Gâter ma nièce. Même quand j'avais moins de moyens, dans la vingtaine, je faisais des extravagances pour elle. Ma mère disait: «Es-tu fou! Elle va porter ça pendant deux mois, pis ça lui fera plus!» Mais quels deux mois on passait à la regarder faire sa parade!

2. Voyager seul. J'adore! D'abord, je parle peu, et j'aime retrouver cet anonymat. Le regard des autres est différent et ça me fait du bien. Ça me recentre sur l'essentiel.

3. Les surprises. Dernièrement, à la fête du Travail, j'ai appelé ma mère et ma soeur: «Habillez-vous, on s'en va à Vegas!»

4. Noël. Toujours un grand plaisir. Chez nous, on a des rituels. Le 24 décembre, c'est toujours dans une salle, à Sorel. Je couche chez mes parents, et le 26, on fait une table de Noël au chalet. Je suis assez traditionnel.

5. L'architecture. Magasiner des vêtements, ça me met vite à boutte. Mais des visites libres de maison, j'en ferais à vie! Lire les plans, faire des changements, découvrir d'autres éléments de design, j'aime ça. Rien que mettre mon nez dans les magazines de déco... j'adore!

Échange de coups

  • Coup de volant - Mon départ de TVA et mon arrivée chez V.
  • Coup de coeur - Le livre Tremblement de mère, par Diane Lavoie, chez Flammarion. Quand j'ai lu ça, j'ai pleuré tout seul dans mon salon.
  • Coup de crayon - Les mots dans mes cartes d'anniversaire me touchent particulièrement.
  • Coup dur - La dégénérescence de mon père, emporté il y a 6 ans par la maladie d'Alzheimer.
  • Beau coup - Quand ma soeur, Brigitte, et son mari, Jacques, ont adopté Laurie, ma nièce, qui a maintenant 19 ans. J'ai fait organiser un convoi par la sécurité de l'aéroport afin que ma famille traverse la piste d'atterrissage et se rende jusque dans l'avion pour aller chercher la petite sur les genoux de la nounou qui l'emmenait de Taïwan. C'était avant le 11 septembre!
  • Coup fatal - Tout a fonctionné sauf que... je suis arrivé en retard et je n'ai pas pu assister à ce moment magique. C'est, à ce jour, le retard que j'ai pleuré le plus dans ma vie.
  • Coup sûr - Si on dit quelque chose à mon sujet, je le prends personnel. Comment faire autrement? C'est dit à mon sujet...
  • Coup de verdure - L'arbre qui donne dans ma fenêtre de cuisine, au chalet. Quand j'ai reçu l'appel pour me dire que mon père vivait ses derniers moments, le chalet n'était pas encore construit. J'étais planté là, devant la grue qui marquait l'endroit des fondations. Après le départ de Papa, j'ai planté un arbre à cet endroit.

 

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