Loisirs et culture

De la trauma au Grand Prix du Canada

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Auteur : Coup de Pouce

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De la trauma au Grand Prix du Canada

Lundi, 9 h. Je traverse les urgences pour me rendre à l'entrevue et plonge du même coup dans le quotidien du Dr Ronald Denis, chef du département de chirurgie de l'hôpital Sacré-Cœur, mais aussi consultant pour la série télévisée Trauma et coresponsable de l'équipe d'intervention chirurgicale du Grand Prix du Canada. On comprend rapidement que la traumatologie est bien plus qu'une profession. C'est une vocation et même une passion. Une passion qui l'a amené, il y a plus de vingt ans, à mettre sur pied l'équipe médicale du Grand Prix de Formule 1. Coup de projecteur sur une opération à cœur ouvert...

Dr Denis, comment décririez-vous la traumatologie?

La traumatologie est tout ce qui résulte d'un choc violent et accidentel par exemple les accidents de la route, les suicides, les agressions par armes, les chutes... Chaque année, près de 2500 interventions de ce type sont réalisées à l'hôpital Sacré-Cœur à Montréal (HSCM).

Comment fait-on le saut de l'hôpital au Grand Prix du Canada?

Ce que nous faisons sur un circuit, nous le faisons à l'hôpital. Dans les faits, un accident au Grand Prix, c'est un accident de la route et on fait ça tous les jours. Et d'après le dernier bilan, c'est probablement nous qui le faisons le mieux. C'est un peu pour ça que nous avons été approchés en 1978... Pour moi, intervenir sur ce genre de manifestation, c'était normal et c'était surtout un devoir. Mais il est vrai que j'aime les courses automobiles et que c'est aussi la passion du Dr Jacques Bouchard, le médecin-chef. Et comme la traumatologie c'est une grande partie de ma vie, disons que cela se complète.

Un événement comme le Grand Prix mobilise une grosse équipe médicale, j'imagine?

La fin de semaine mobilise une équipe d'intervention d'une centaine de personnes et cela va de l'infirmière, à l'anesthésiste, en passant par le chirurgien plastique ou cardiaque. On y compte 17 médecins spécialistes. Toutes ces personnes sont bénévoles et très motivées. Certains prennent des congés pour participer. C'est un événement attendu à l'hôpital!

Sur le site du Grand Prix, nous travaillons conjointement avec les pompiers, les pilotes d'hélicoptères, les plongeurs ainsi que l'équipe technique. Grâce à cette collaboration, on peut intervenir en quelques minutes sur l'accident.

Est-ce difficile de reprendre le collier après un an d'absence?

Le défi est relativement simple à relever. Cela fait 24 ans que nous le faisons, on est bien rodé! Toute l'équipe a vécu la disparition du Grand Prix comme un deuil, alors l'annonce du retour a fait l'objet de grandes réjouissances. Nous adorons travailler à cet événement, moi compris. Je ne vois pas le jour où je laisserai ma place.

Quels sont les types d'interventions pratiquées sur le circuit?

Il y a deux hôpitaux sur le site du Grand Prix et dans l'un d'eux on a réussi à transposer la salle d'intervention médicale de trauma de l'hôpital. On peut donc effectuer tous les types d'intervention, des cas de déshydratation et états d'ébriété dans le public à l'accident de pilote. Évidemment, ce n'est pas la même gravité.

Mais en cas d'accident grave, le blessé est transporté à l'hôpital de piste pour être réanimé, examiné et, si sa condition l'exige, opéré. On peut faire les mêmes interventions qu'à l'hôpital, même ouvrir un thorax si nécessaire! Pendant ce temps, le personnel de l'hôpital suit toutes les manœuvres par télémédecine. En sept minutes, le blessé peut-être transporté en hélicoptère à la salle d'urgence de l'Hôpital du Sacré-Coeur où une seconde équipe de traumatologie le prend en charge.

Dans cette époque de crise, on pourrait vous reprocher que le Grand Prix nuise au fonctionnement de l'hôpital?

Mais cela ne coûte rien! Tout le matériel est prêté par les partenaires et toute l'équipe médicale est bénévole. Mais en plus de cela, il y a une soirée de gala (le 10 juin 2010) dans le but de récolter des fonds pour l'hôpital. Depuis cette année, elle est même organisée par le Grand Prix. Donc, non seulement on ne dépense absolument rien, mais on reçoit de l'argent en retour.

Fabienne Larouche a beaucoup parlé de vous lors de la diffusion de Trauma. Pourquoi avoir accepté de collaborer à la série?

Tout d'abord parce que c'est une grande amie, et ce, depuis que j'ai soigné son mari il y a quelques années. Ensuite, le fait qu'elle ait voulu montrer dans la série que les docteurs ont une vie et qu'à un moment donné ils sont affectés par les patients qu'ils traitent, j'ai trouvé ça très intéressant.

Quelle a été votre implication dans le projet?

Je m'assurais que tout le domaine médical soit conforme. Je montrais les gestes aux acteurs, pour qu'ils soient au plus près de la réalité, et j'avais un droit de regard sur le scénario. En ce moment, je lis la deuxième saison et j'apporte des suggestions. Parce que ce n'est pas moi qui ai le mot final.

Trauma, Urgences, Dr Grey: même opération?

Non, Trauma c'est bien mieux ! (rires).

Sérieusement, les séries américaines veulent montrer une belle image, ce qu'on ne fait pas nécessairement dans Trauma. On montre, par exemple, qu'en salle d'opération, on doit porter un masque pour l'hygiène. Mais au final, elles sont assez similaires dans le fait qu'elles sont toutes romancées et que cela reste de la fiction.

Maintenant, on peut dire que tous les Québécois connaissent la traumatologie?

Ah, oui... Trauma a permis de faire connaître cette discipline au public. Beaucoup de patients se rendent un peu mieux compte de la réalité des hôpitaux. Même si la série n'a pas de rôle de prévention, elle a le mérite de faire connaître notre profession. Trauma a été suivie par près d'un million de personnes. C'est énorme! Maintenant, il faudra s'attaquer aux causes des traumatismes. Parce que malgré toute la prévention, plus de 70 % des cas de trauma sont causés par l'alcool, que ce soit dans les fêtes au bord de la piscine ou sur la route.

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