Un secret nous empoisonne la vie?
Les secrets qu'on nous confie sont parfois lourds à porter, au point où on se demande si on ne devrait pas briser notre promesse de les garder pour soi.

Coup de Pouce
2006-02-27T05:00:00Z
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Professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal et spécialiste de l'éthique, Guy Bourgeault croit qu'un secret implique un engagement à la discrétion qu'on ne peut briser aveuglément. Il estime toutefois qu'il y a des exceptions. Par exemple,
on doit révéler tout secret qui porte en soi une action ou une intention malveillantes
Si le secret nous mine?
sans nommer de nom,
Quand un secret heurte nos principes
Comment agir?
Anne se questionne: doit-elle ou non révéler à son ami Simon que sa nouvelle blonde a déjà fait de la prostitution? Elle connaît à peine cette fille qui l'a prise pour confidente et elle estime que son ami devrait connaître le passé de sa copine. Anne s'inquiète un peu, car celle-ci a peut-être eu des pratiques sexuelles dangereuses. «Est-ce vraiment à nous d'apprendre ça à notre ami? Je ne le crois pas. Toutefois, si on s'inquiète pour lui, on peut demander à sa blonde si ses pratiques sexuelles étaient toujours protégées, si elle a passé des tests de dépistage de MTS et du sida. Elle s'est ouverte à nous de façon très intime, alors on peut se permettre de poser ce genre de questions.» Toutefois, si Anne a de bonnes raisons de croire que la santé (et la vie) de son ami sont en péril, et que sa copine n'a pas l'intention d'aborder la question avec lui, elle devra peut-être agir, la sécurité de quelqu'un étant ici en jeu.
Si le secret nous mine?
sans nommer de nom,
Quand un secret heurte nos principes
Comment agir?
: un jeune qui nous avoue être victime d'abus, une personne qui s'apprête à perpétrer un crime ou à faire du mal à quelqu'un, une femme qui nous dit se faire battre par son conjoint, etc. Si on nous confie un tel secret, on agit avec discernement et prudence en en faisant part aux autorités, s'il y a lieu, ou à un intervenant impartial (comme un psychologue ou un travailleur social), qui pourra nous éclairer sur la meilleure chose à faire. Parfois, on a besoin de révéler un secret à un tiers pour notre propre bien. Que ce soit pour demander conseil ou évacuer des émotions troubles, révéler un secret est parfois nécessaire. «On peut le faire propose la psychologue Louise Mercure. On peut aussi expliquer à la personne qui nous a confié son secret qu'on a eu besoin de le partager.» Que faire lorsqu'un secret va à l'encontre de nos valeurs, de nos principes ou de notre morale? Selon le psychologue Michel Croteau, si le secret qu'on nous confie nous rend mal à l'aise, on devrait le mentionner aussitôt. «On peut expliquer à la personne l'effet qu'a son secret sur nous, lui dire que, pour telle ou telle raison, cela nous dérange. On peut même lui avouer n'être pas sûr de pouvoir le garder pour soi.» Car au-delà de notre engagement à garder un secret, certaines questions d'ordre moral entrent en jeu. Et c'est à ce moment que nos valeurs et notre jugement détermineront notre choix de parler ou non. Voici des situations où un secret peut entraîner un conflit intérieur. Quelle attitude devrait-on alors adopter? Les commentaires de la psychologue Lise Denis et quelques pistes de réflexion.
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Marc-André, psychologue
«C'est précisément parce qu'ils savent que ce qu'ils diront restera entre nous que les gens viennent me voir. Mais il arrive que certains secrets me dérangent, au point de devenir envahissants. Ce n'est pas toujours évident à vivre. Même en parler à des collègues de façon impersonnelle n'est pas facile, car on ne doit laisser percer aucun indice qui permettrait de reconnaître la personne. Mais on n'a pas le choix, il faut "ventiler" à l'occasion. Je crois toutefois que le secret professionnel engendre un sentiment d'isolement chez plusieurs psychologues.»
Lucie, avocate
«Il m'arrive d'avoir à écouter des femmes qui se font battre, ou encore des gens aux prises avec de graves problèmes de drogue, et cela me touche. C'est parfois difficile d'être tenu au secret. Si on garde tout ça pour soi, on rentre à la maison découragé, avec l'envie de pleurer. Mais, entre avocats, il nous arrive souvent de parler de nos "cas", sans toutefois mentionner de qui on parle précisément. Ça nous aide à ne pas nous laisser miner par tout ça. Quand j'ai des clients qui vivent des situations particulièrement difficiles, j'essaie toujours de les aider, en les référant à des spécialistes par exemple. Je ne pourrais pas vivre en ayant sur la conscience le sentiment de ne pas faire mon possible.»
Aurèle, prêtre
«Les prêtres sont tenus au secret sacramentel. Cela signifie que, même si une personne nous avoue avoir commis un crime, nous ne pouvons le dévoiler à quiconque. Devoir garder le silence ne m'a jamais posé de difficultés. Certains prêtres discutent de ce que les gens leur ont dit sans toutefois révéler leur nom. Mais c'est dangereux, car il faut s'assurer qu'on ne puisse jamais reconnaître de qui on parle. Moi, je préfère ne rien dire du tout, même si j'aimerais parfois demander conseil quand je doute de ce que je dois dire à une personne qui vient se confesser. Mais la population entière croit au secret sacramentel, on ne peut trahir cela.»
Catherine, travailleuse sociale
Ce que je trouve le plus difficile avec le secret professionnel, c'est de ne pouvoir parler librement à mon conjoint ou à mes amies de ce que je vis. Je peux en révéler les grandes lignes, en parler de façon impersonnelle, mais jamais entrer dans les détails, sinon je risquerais de m'échapper et d'en dire plus que je ne dois. Bien sûr, je discute avec mes collègues, mais c'est à mes proches que je souhaiterais pouvoir m'ouvrir davantage à ce sujet.»
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