Psychologie

Horoscope, numérologie, tarot: pourquoi y croit-on?

Horoscope, numérologie, tarot: pourquoi y croit-on?

    Photographe : Getty Images

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Horoscope, numérologie, tarot: pourquoi y croit-on?

Horoscope, numérologie, tarot… Qu’on y adhère ou non, on accepte généralement bien la présence des arts divinatoires dans notre quotidien. À l’heure où les discours scientifiques dominent, comment diable est-ce possible?

Certains se croisent les doigts, d’autres lancent des pièces de monnaie dans les fontaines. Les fans de hockey se laissent pousser la barbe pendant les finales de la coupe Stanley. D’une manière ou d’une autre, on a tous recours à des pratiques superstitieuses pour attirer la chance. Selon Diane Pacom, professeure titulaire au Département de sociologie de l’Université d’Ottawa, ces comportements sont de la même nature que les sciences occultes. Ils évoquent un monde immatériel, traitent de quelque chose qu’on ne voit pas. Ils sont irrationnels. «Depuis toujours, l’humain a un lien avec cet autre monde, souligne-t-elle. Dans les sociétés primitives, il y avait constamment un va-et-vient entre le matériel et l’immatériel; entre la raison et les émotions.»

Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, l’occulte occupait une partie importante du quotidien. Mais, au Siècle des Lumières, le vent a tourné: la raison est devenue le point de référence. «On a décidé que la science s’occuperait de donner toutes les réponses», affirme la sociologue. Tout ce lien que l’humanité avait avec l’immatériel a-t-il disparu pour autant? Pas du tout, puisque les traces des sciences occultes dans notre quotidien abondent, constate Mme Pacom. Clairvoyance, cartomancie, astrologie... Les petites annonces regorgent d’offres de services, et nombreux sont les sites web consacrés au sujet. Les horoscopes annuels figurent également parmi les succès de librairie, comme celui de l’astrologue Anne-Marie Chalifoux, paru aux Éditions Publistar (Groupe Librex). «Si on inclut l’édition numérique et les petites éditions qui ne s’attardent qu’à un signe à la fois, le tirage est d’environ 20 000 exemplaires par an», évalue François Godin, du Groupe Librex. Un gros succès, donc, étant donné qu’au Québec, un livre est considéré comme bestseller à partir de 3 000 exemplaires vendus. «Les gens continuent à avoir un rapport très intense avec tout ce côté non rationnel du monde, observe Diane Pacom. La différence, aujourd’hui, c’est qu’on ne le crie pas nécessairement sur tous les toits.»

L’humain, cet être irrationnel

On ne peut pas vivre sainement en étant seulement rationnel, estime la psychologue Annie Bélanger. Spirituellement parlant, ce n’est pas une formule gagnante. «Les valeurs des sociétés industrialisées, la performance, la technologie et la rapidité ont contribué à éloigner l’humain de lui-même et à créer en lui un grand vide intérieur. À mon avis, c’est le véritable mal du siècle», conclut-elle. La psychologue compare l’être humain à une montgolfière. D’une part, il y a le ballon qui représente l’irrationnel et les émotions, et de l’autre, le panier, qui se traduit par le rationnel et le pragmatisme. Pour fonctionner, la montgolfière a besoin des deux parties. L’humain aussi. Pour combler ce besoin de spiritualité, certaines personnes choisissent l’astrologie et autres arts divinatoires. C’est le cas de Sonia, 30 ans. Elle consulte régulièrement des voyantes, des tireuses de cartes et d’autres «sorcières », comme elle les surnomme. «Je trouve la vie difficile, si on la prend à sa plus simple expression, soutient-elle. Pour y trouver du sens, j’ai besoin de m’imaginer qu’il y a quelque chose de plus, une sorte de force supérieure.»

Croire, un besoin rationnel 

Aussi mystique semble-t-elle, cette quête de sens commune à tant d’individus s’explique rationnellement. Elle traduirait même un besoin physiologique. C’est ce qu’affirme Serge Larivée, auteur du livre Quand le paranormal manipule la science (MultiMondes, 2014) et professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Selon lui, pour fonctionner, le cerveau humain a besoin que ce qui lui arrive ait du sens. C’est donc une excellente machine à générer des croyances et, par conséquent, à fabriquer du sens. «Le cerveau est programmé davantage pour faire confiance que pour douter, dit-il. D’autant plus que la plupart des croyances font appel aux émotions, et celles-ci priment toujours la raison.»

Pour expliquer l’adhésion à certaines croyances, M. Larivée évoque aussi le concept de dissonance cognitive, qui survient lorsque les faits sont en contradiction avec une opinion. Selon lui, les gens ont besoin de penser que leurs croyances et leurs comportements ne sont pas incompatibles. «Le cerveau est porté à faire des choix qui le confortent. Afin d’éviter la tension psychologique d’une dissonance cognitive, il ne tiendra pas compte des opinions opposées et cherchera uniquement les arguments qui confirment son point de vue», démontre M. Larivée. Voilà donc qui expliquerait pourquoi, devant un astrologue qui se trompe dans ses affirmations, un adepte se dit qu’il est incompétent et non que l’astrologie n’a rien de vrai.

Arts divinatoires ou thérapies?

«Bien des individus ont une faible tolérance à l’ambiguïté et sont souvent plus à l’aise avec des certitudes, même non appuyées par les faits, souligne Serge Larivée. Croire, ça fait du bien, c’est reposant pour l’esprit. Alors que douter, c’est fatigant.» Sans croire tout ce que les astrologues lui racontent, Sonia avoue néanmoins que les consulter lui fait beaucoup de bien: ils contribuent à calmer ses tourments, lui donnent de l’espoir, voire de l’énergie pour rester positive. «Quand je lis mon horoscope, c’est un peu comme si quelqu’un me donnait une petite tape dans le dos, dit-elle. Même si ce qu’on me prédit ne m’arrive pas, sur le moment, cela ne m’importe pas. Pendant que je le lis, je me sens déjà mieux. Autrement dit, ce n’est pas toujours la finalité qui est importante, mais l’effet que cela a sur moi. Si ça me rend positive, je me dis que ça pourrait m’apporter des bonnes choses.»

Les arts divinatoires seraient-ils — à tort ou à raison — utilisés comme un outil thérapeutique? Plusieurs chercheurs le croient. Selon une étude de l’Université d’Helsinki, en Finlande, il y aurait une corrélation directe entre la propension d’une personne à croire en l’astrologie et le nombre de crises qu’elle aurait vécues. Cette personne chercherait dans les informations astrologiques — même si elles sont illusoires — des repères rassurants, tant sur le plan de sa personnalité que sur celui de son destin. Pour sa part, le sociologue français Patrick Peretti-Watel, qui s’est intéressé à la présence de l’horoscope dans le monde contemporain, parle de celui-ci comme d’un moyen de réduire l’anxiété. Dans un article publié dans la Revue française de sociologie en 2002, il affirme: «Dans une société où les individus sont laissés à eux-mêmes, dans un environnement de plus en plus incertain, l’horoscopie constituerait un puissant réducteur d’anxiété, elle apporterait à peu de frais un sentiment de sécurité à ceux qui y ont recours.»

Le vrai guide, c’est nous 

Motiver, rassurer, faire réfléchir. C’est dans cette optique que Manon Chevalier, alias Alex Vallières, rédige l’horoscope dans le mensuel Elle Québec. «L’astrologie a quelque chose de très intuitif; on a tous notre propre interprétation des positions planétaires. C’est pour cette raison qu’on dit que c’est un art divinatoire et non une science, dit-elle. Je n’ai pas la prétention de répondre à tout. Par exemple, si une personne s’apprête à prendre une grande décision et que son horoscope lui dit de faire attention aux turbulences des prochains mois, ça l’amènera peut-être à réfléchir sur ses motivations. Mais ce sera à elle de prendre la décision finale.»

Si la prédiction peut calmer l’anxiété, elle a eu l’effet opposé pour Mélanie, 36 ans. «Une clairvoyante m’a déjà annoncé que mon père allait décéder d’une crise cardiaque dans les deux prochaines années, dit-elle. Ça m’a complètement chamboulée. Même si je savais qu’il y avait des chances que ce ne soit pas vrai, une partie de moi y croyait... Je me suis mise à angoisser à l’idée que mon père puisse nous quitter subitement. Vingt ans plus tard, il est encore en pleine forme. Et je regrette d’avoir vécu autant de stress pour rien.» Alors, les sciences occultes pour gérer des périodes difficiles, bonne ou mauvaise idée? Selon Annie Bélanger, on peut s’en servir pour éveiller notre conscience sur certaines réalités de notre vie. Mais il est crucial de garder notre discernement. Si on fait appel à leurs services, astrologues, clairvoyants ou numérologues devraient nous apporter des pistes de réflexion et non des réponses toutes faites. La psychologue conseille de se méfier d’une personne qui véhicule la peur en annonçant un cancer imminent ou en insistant sur l’urgence de prendre telle décision au risque de gâcher notre vie. «Des paroles de ce type sousentendent qu’il s’agit de la vérité absolue, sans laisser place à la nuance, dit la psychologue. Et au lieu de nous faire cheminer, elles alimentent notre anxiété.» Bref, au moment où on décide de consommer ce genre de services, on doit faire preuve de discernement. Sinon, on risque d’augmenter notre vulnérabilité tout en dépensant une fortune. Autrement dit, même si on ne possède pas de boule de cristal, le vrai guide à écouter, c’est nous.

L'effet Barnum (ou flatter dans le sens du poil)

Lorsqu’elle avait une vingtaine d’années, Myriam, maintenant âgée de 40 ans, a réalisé que son signe astrologique n’était pas celui qu’elle croyait. Fillette, sa mère lui avait dit, à tort, qu’elle était Scorpion. «Je m’en suis rendu compte des années plus tard, dit-elle. Pendant tout ce temps, je lisais le mauvais horoscope, mais j’ai toujours trouvé que ça me ressemblait. Lorsque je suis “devenue” Balance, j’ai réalisé que ce signe cadrait aussi très bien avec ma personnalité.»

Comment expliquer le fait que Myriam puisse se sentir à la fois Scorpion et Balance? Certains astrologues diraient peut-être que c’est en raison de son ascendant. Mais des chercheurs, comme Serge Larivée, pointent plutôt du doigt l’«effet Barnum», cette tendance qu’ont les individus à s’attribuer une description de personnalité sans soupçonner qu’elle pourrait s’appliquer à d’autres gens. «L’effet Barnum arrive souvent lorsque les informations sont très générales, vagues et surtout positives. C’est très fréquent dans l’horoscope», dit-il.

Pour illustrer le phénomène, le chercheur, qui est aussi membre de l’association Les Sceptiques du Québec, évoque une étude québécoise menée il y a quelques années. Y participaient deux groupes d’étudiants qui se sont fait remettre une fiche descriptive de leur personnalité, prétendument basée sur leur date et leur heure de naissance. On leur a fait croire que chacun avait sa fiche personnalisée, mais c’était faux. Dans chaque groupe, tous ont reçu la même description. Dans le premier, la fiche descriptive ne disait que des choses positives, et plus de 80 % des étudiants affirmaient que ça leur ressemblait. Dans l’autre, on a fait l’inverse: la description était plutôt négative, et presque personne ne se reconnaissait. «Dès qu’on les flatte dans le sens du poil, les gens y croient», sourit M. Larivée.

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