Psychologie

Control freak: conseils pour lâcher prise

Control freak: conseils pour lâcher prise

Control freak: conseils pour lâcher prise Photographe : Jean-François Vachon Auteur : Isabelle Bergeron

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Control freak: conseils pour lâcher prise

Accepter les aléas du quotidien est un combat de tous les instants? Voici comment y remédier, avant de se rendre malade.

Parfois, il suffit d'un déclic pour réaliser que tout contrôler est impossible. «Quand j'étais plus jeune, je vivais avec une colocataire et, un jour, je lui ai dit qu'elle s'y prenait mal pour laver la vaisselle. Elle m'a répondu calmement qu'il existait 150 façons de laver la vaisselle et que, moi, je n'en connaissais qu'une seule», se souvient Nicole Bordeleau. Une petite phrase anodine qui a pourtant tranquillement conduit l'auteure, conférencière et fondatrice de YogaMonde à apprendre à lâcher prise. «Je crois que ce grand besoin de contrôle relève beaucoup de l'anxiété et du perfectionnisme.»

L'anxiété et le perfectionnisme sont en effet les sources principales du besoin de contrôle. «Ce besoin est naturel, voire essentiel, à notre survie, explique le psychologue Camillo Zacchia, spécialiste des troubles anxieux. Par exemple, quand on conduit, on veut être en contrôle, car on ne veut pas avoir d'accident. Mais on sait aussi qu'il y a un certain risque associé à la conduite sur lequel on n'a pas de prise. Une personne très anxieuse aura beaucoup de difficulté à tolérer ce risque ou ne le tolérera pas du tout et évitera de conduire.» Selon le spécialiste, le besoin de contrôle est toujours lié à un risque: accident, échec, jugement des autres, peur de ne pas être à la hauteur, etc. Et ce risque, pour les personnes contrôlantes (souvent qualifiées de control freaks), prend des proportions démesurées à cause justement d'une anxiété à fleur de peau qui, elle, peut être issue d'un traumatisme, de parents eux-mêmes contrôlants, d'un manque important de confiance et d'estime de soi...

Durant son primaire et son secondaire, Sophie a souvent été la risée des autres enfants à cause de son obésité. La jeune femme de 35 ans croit que c'est en grande partie la raison pour laquelle elle est aujourd'hui maniaque du contrôle sur le plan professionnel. «J'ai tellement eu longtemps l'impression de ne pas être assez bonne que ma réaction a été de devenir la meilleure dans mon travail», confie Sophie. Pour cette raison, elle ne compte pas les heures et s'assure que son travail dépasse toujours les attentes. Surtout les siennes, qui sont très élevées. «J'ai conscience que je suis une control freak, mais c'est plus fort que moi. Ma vie amoureuse est au neutre, ma vie sociale n'est pas riche. Seul mon travail me donne le sentiment que j'ai ma vie en main.»

Test: êtes-vous control freak?  

Un sentiment qui a toutefois pour conséquence un niveau de stress extrême. «Ce qui est stressant, ce n'est pas tant de faire ce que j'ai à faire que de devoir faire face aux événements non planifiés ou à la nouveauté», dit Sophie. Une affirmation que pourraient aussi s'approprier tous les obsédés du contrôle guidés par les exigences aiguës qu'ils ont envers eux-mêmes... et souvent envers les autres aussi. «Plusieurs personnes qui ressentent ce grand besoin de contrôle refuseront de s'aventurer en terrain inconnu, car elles ignorent si elles réussiront », dit Gorden Flett, professeur au Département de psychologie de l'Université York, à Toronto, qui a fait du perfectionnisme son sujet de prédilection. Selon l'expert, si tous les maniaques du contrôle ne sont pas systématiquement perfectionnistes, en revanche, tous les perfectionnistes sont maniaques du contrôle. «Ces personnes ont intégré des standards souvent irréalistes et elles s'imposent une pression excessive pour les atteindre, dit-il. Souvent, elles en exigent autant des autres, ce qui n'en fait pas les personnes les plus populaires!» Un exemple? Selon une étude publiée en 2014 par l'agence de placement américaine Accountemps, 68 % des employés dont le patron était contrôlant affirmaient que leur moral en était affecté et 55 % ont répondu qu'ils étaient moins productifs à cause de l'attitude de leur supérieur.

Des impacts importants

Les contrecoups de cette façon d'être forment un éventail plutôt inquiétant. «Quand un maniaque du contrôle réussit à contrôler, il se sent soulagé, dit Camillo Zacchia. Mais s'il n'y parvient pas, alors il vit énormément de stress, de frustration et de colère.» Ainsi, Sophie cumule les nuits blanches où l'angoisse lui fait miroiter les pires scénarios: et si elle ne parvenait pas à terminer telle tâche, si elle n'arrivait pas à satisfaire tel client, etc. Des hypothèses qui, pour une personne n'ayant pas besoin d'autant d'emprise sur les événements, n'ont rien de dramatiques. «Pour moi, ça prend une ampleur démesurée, je sais bien, dit Sophie. Mais j'ai une telle phobie de perdre le contrôle! Il me semble que le prix à payer pour garder le contrôle est quand même moins élevé que celui que je paierais si je pensais que j'avais échoué.» Et quel serait ce prix? Un sentiment de dévalorisation incurable, selon elle.

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«Les gens qui ont besoin de tout contrôler vivent constamment avec la hantise d'échouer, dit Nicole Bordeleau. Je le sais d'expérience. Je pense aussi que le besoin de contrôler sa vie est un mécanisme de défense qui ne fait que s'intensifier avec le temps si on ne fait rien pour s'en débarrasser ou, à tout le moins, l'atténuer.» Le contrôle devient une façon de se défendre contre l'adversité, contre tout ce qu'on ne peut maîtriser. Une façon de lutter contre le chaos de nos vies. «Une personne qui vit un drame, la maladie d'un proche, par exemple, peut soudainement éprouver le besoin d'exercer le plein contrôle sur d'autres aspects de son existence, explique Gordon Flett. C'est normal, et ce comportement peut aider temporairement cette personne en lui donnant l'impression qu'elle est toujours maîtresse de sa vie.» Mais à long terme, les résultats n'ont rien de réconfortant. Dans les cas les plus graves, le besoin de tout contrôler est même associé aux personnalités obsessionnelles compulsives, selon l'Institut universitaire en santé mentale de Québec. Quand sonner l'alarme? «Deux signes qui ne trompent pas: quand ce besoin de tout contrôler cause une grande souffrance à la personne et l'empêche de vaquer normalement à ses activités quotidiennes. Et quand ce comportement a des conséquences néfastes sur la santé de la personne contrôlante et sur ses relations avec ses proches ou sur son travail», affirme Camillo Zacchia.

Lâcher prise: une nécessité

La voie à emprunter quand on est maniaque du contrôle est celle du lâcher-prise. La première étape pour y parvenir est la reconnaissance du problème. «Si on est capable de reconnaître qu'on a un grand besoin de contrôle, le problème est déjà à moitié résolu, assure Nicole Bordeleau. Je sais combien la notion du lâcher-prise peut être difficile à intégrer pour une personne contrôlante, mais celle-ci doit se dire que lâcher prise, ce n'est pas se résigner, mais plutôt agir autrement pour permettre à une situation de "respirer", d'évoluer.» Car une maniaque du contrôle s'imagine souvent le pire: si elle n'arrive pas à organiser telle chose de telle manière, le monde s'écroulera. Point. Ce n'est que lorsque le pire est évité qu'elle arrive, petit à petit, à lâcher du lest.

Certes, cela ne se produit pas du jour au lendemain. Parfois, le recours à un psychologue s'avère utile. «La meilleure façon de faire est de commencer à lâcher prise en ce qui concerne des choses anodines, suggère Camillo Zacchia. Par exemple, déléguer des tâches qui ne sont pas trop importantes.» On confie le lavage à notre conjoint, on charge une collègue d'ouvrir le courrier, on laisse notre amie choisir le restaurant où on ira manger... À force de constater que la terre ne s'ouvre pas sous nos pieds chaque fois qu'on lâche prise, on sera plus apte à accepter des défis plus grands: un dossier refilé à notre collègue, un road trip spontané, une sortie sans notre supervision pour les enfants, etc. «Et, bien sûr, on doit réaliser et accepter que chaque personne a sa façon de faire, rappelle Nicole Bordeleau. Que si quelqu'un fait une chose à sa façon, qui n'est pas la nôtre, c'est OK.» La maître en yoga a quant à elle appris à se détendre, à laisser aller les choses, notamment grâce à cette discipline. «Mais il y a mille façons de relaxer, dit-elle. La danse, la respiration, le sport... Tout ce qui nous permet de décrocher de nos pensées et d'être calme.» Tout le travail accompli dans le but de s'apaiser sera infiniment gratifiant: le plaisir, la joie de vivre, le constat que la vie apporte non seulement son lot d'événements imprévisibles, mais aussi de très belles surprises.

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Témoignages

«Mes amis me disent souvent que je suis control freak, surtout en ce qui a trait à ma santé et à mon apparence. Je ne vais pratiquement jamais au restaurant ni même chez mes amis, car je ne contrôle pas ce qui se trouve dans mon assiette. Je fais de l'exercice tous les jours et je prends soin de ma peau, de mes cheveux, de mes ongles, de mes vêtements... Je ne sors pas de la maison si je ne me suis pas arrangée. Savoir que je suis au top de ma forme et que mon look est impeccable me donne un sentiment de pouvoir, et j'aime ça. Et même si mes amis se moquent de moi, je les soupçonne de m'envier!» - Anik, 32 ans

«C'est l'expérience et la maturité qui m'ont amenée à lâcher prise sur plusieurs choses. Aujourd'hui, l'idée que j'ai pu accorder autant d'importance à remplir le lave-vaisselle ou à organiser un pique-nique me fait rire. Je pense que mon changement d'attitude est lié à l'arrivée de mes enfants. Aujourd'hui, mes valeurs sont centrées sur l'importance d'avoir de belles relations avec les autres et non plus sur le fait que tout doit toujours rouler rondement. La vie, c'est un peu le chaos. Et c'est très bien ainsi.» - Lucie, 44 ans

«Quand il y a un événement à organiser, je suis toujours celle qui prend les choses en main. Car ce qui me dérange le plus, ce sont les gens qui branlent dans le manche. Avec moi, il n'y a pas de niaisage, et je sais que tout sera impeccable. Le seul bémol, c'est que je me retrouve toujours organisatrice attitrée parce que tout le monde se fie à moi. C'est un peu lourd.» - Claudie, 28 ans

«C'est ma fille de 23 ans qui m'a fait réaliser à quel point j'étais contrôlante, surtout avec mon mari. Je me plaignais souvent qu'il ne faisait rien comme il fallait, qu'il se trompait sans cesse et que je devais toujours m'occuper de tout. Un jour, ma fille a en eu assez et m'a dit mes quatre vérités. Ça m'a ébranlée, mais j'ai compris qu'elle avait raison. Que je m'acharnais depuis des années à vouloir que mon mari fasse les choses à ma manière. Depuis, j'essaie de ne plus le critiquer et j'accepte de ne pas détenir la vérité.» - Ghislaine, 60 ans

«Une amie m'a incitée à faire du kayak, en me disant que ça me ferait du bien. Dans le fond, ce qu'elle voulait vraiment me dire, c'est: "Veux-tu bien sortir de ta tête et relaxer un peu!" Et ça a marché! Être sur l'eau, dans la nature, connectée à mon corps, m'a aidée à réaliser à quel point j'étais un paquet de nerfs qui voulait tout contrôler! Aujourd'hui, je suis zen... ou presque!» Christine, 40 ans
 

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