Psychologie

Choisir son lieu de vie

Choisir son lieu de vie

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Psychologie

Choisir son lieu de vie

Pourquoi vit-on en ville, en banlieue, à la campagne, en région? Nous avons demandé à des chercheurs ce que disent les études… et à des familles de décrire leur coin de paradis.

Où doit-on vivre pour être heureux ? Si on en croit l'Indice relatif de bonheur (IRB), un organisme québécois qui mesure notre perception du bonheur, c'est davantage dans les villes moyennes et les capitales régionales que se trouverait le bonheur, selon le palmarès des villes les plus heureuses de l'IRB. À ce chapitre, Rimouski se distingue, elle qui figure toujours dans le top 3 du classement. Drummondville, Sainte-Julie, Repentigny, Shawinigan et Rouyn-Noranda font aussi bonne figure. Pour Pierre Côté, fondateur de l'IRB, «la ville où l'on habite a un impact sur notre qualité de vie et, par ricochet, sur notre bonheur».

Ce même indice nous apprend que près des deux tiers des Québécois (62%) affirment vivre dans la ville où ils souhaiteraient vivre, tandis que 25% disent que c'est plus ou moins le cas. En revanche, 12% des gens habitent dans une ville qui n'est pas celle où ils aspirent à vivre.

«Un chez-soi où l'on est bien, c'est un milieu de vie où l'on se sent en sécurité et, surtout, qui reflète notre personnalité et nos valeurs», décrit Sébastien Lord, professeur en urbanisme à l'Université de Montréal. C'est pourquoi on a tendance à se définir comme banlieusarde, urbaine ou rurale. Et cela change peu au cours de notre vie. Notre lieu de naissance est en effet déterminant, selon Andrée Fortin, professeure de sociologie à l'Université Laval et membre du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues. «La plupart des gens vivent dans leur région d'origine. Et lorsqu'ils s'installent ailleurs, c'est souvent dans un endroit qui ressemble à ce qu'ils ont connu.»

Cela dit, certains moments sont plus propices aux déménagements: départ du nid familial, études, entrée sur le marché du travail, fondation d'une famille. Pas étonnant que les jeunes de 20 à 29 ans soient les plus enclins à changer de région, suivis des 30 à 34 ans, selon l'Institut de la statistique du Québec. Malgré cela, les deux tiers des 20 à 34 ans résident dans leur région d'origine, d'après une étude du Groupe de recherche sur la migration des jeunes.

Ville ou banlieue: mon coeur balance

Au Québec, plus de 50% de la population vit dans les villes de Montréal ou de Québec. Si on ajoute à ce pourcentage les sept autres villes de plus de 100 000 habitants, c'est presque la moitié des Québécois qui vivent dans une grande ville! Bien sûr, il y a des inconvénients: plus de bruit, plus de trafic, les loyers sont plus chers et les appartements, plus petits, et on y côtoie davantage de pauvreté. Mais la ville offre un vaste choix d'activités culturelles, de nombreux restos, des rues animées et des aspects pratiques: transports en commun, diversité des commerces, proximité des universités et des services de santé. Sans compter qu'il est plus facile d'y dénicher un emploi et d'y faire carrière.

Quand un bébé s'annonce, plusieurs troquent leur appartement en ville pour une maison en banlieue. Dans la région de Québec, par exemple, quelque 90% des enfants grandissent en banlieue. «Pour les jeunes familles, c'est la norme», indique Andrée Fortin. Mais qu'est-ce qui nous attire tant en banlieue? Les parcs et les écoles primaires, mais surtout l'espace, selon les études de la sociologue. On peut être propriétaire de notre maison et avoir une cour où les enfants peuvent jouer et où l'on peut profiter du beau temps. Enfin, on aime la banlieue pour sa tranquillité et sa sécurité. Il y a moins de circulation, et les enfants peuvent circuler à vélo dans la rue ou même y jouer au ballon sans danger.

En contrepartie, la banlieue comporte ses irritants. Les services et les lieux de loisirs sont parfois éloignés, ce qui nous rend dépendante de l'automobile et nous oblige à faire le taxi pour nos enfants. Le transport en commun, quant à lui, est peu développé, voire inexistant. Un casse-tête quand nos petits deviennent ados et se déplacent davantage! Sans compter que plus notre banlieue est éloignée d'un grand centre, plus les écoles secondaires, les cégeps et les universités sont loin.

Le bonheur est-il dans le pré?

«Beaucoup de gens aimeraient habiter à la campagne... mais à côté d'un Walmart et de tous les services», caricature Andrée Fortin. En fait, on aime la campagne pour les vacances, mais le reste du temps, on préfère la ville ou la banlieue. L'éloignement des grands centres et des services, le nombre limité d'emplois et l'impossibilité d'y réaliser des études postsecondaires expliquent pourquoi on se contente souvent de rêver d'y vivre.

Certains, bien sûr, vont au bout de leur rêve. Ainsi, quand on quitte la ville pour la campagne, c'est surtout pour bénéficier d'une qualité de vie qu'on associe à un rythme de vie calme et lent. «Les gens recherchent plus de quiétude, moins de stress, un meilleur équilibre, explique Myriam Simard, professeure à l'Institut national de la recherche scientifique et membre du Groupe de recherche sur la migration ville/campagne. Pour cela, ils sont prêts à faire des compromis sur le plan professionnel. Plusieurs réorientent leur carrière et deviennent travailleurs autonomes ou démarrent une petite entreprise. Pour d'autres, il s'agit d'un projet de retraite.»

Enfin, on est curieuse de savoir pourquoi le bonheur serait plutôt à Rimouski, Drummondville, Sainte-Julie ou Repentigny plutôt que dans le pré? Leur cote d'amour se serait bâtie avec leurs espaces verts, leurs pistes cyclables, leur climat de sécurité, leurs services à proximité et leurs activités culturelles, entre autres.

Tanya, 29 ans, animatrice de communautés Web

Pour l'amour de la mer et des grands espaces, elle a choisi... RIMOUSKI

Son histoire: C'est lors d'un voyage estival que cette native de Lévis, sur la Rive-Sud de Québec, a eu la piqûre pour les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. «J'ai été impressionnée par la beauté des paysages, les grands espaces et l'accueil des gens. Et j'ai tout de suite pensé à y vivre un jour.» Cette idée ne l'a plus quittée, même quand elle s'est installée à Montréal pour ses études universitaires. Alors, quand l'occasion s'est présentée de faire un stage à Matane, puis d'y décrocher un emploi, Tanya n'a pas hésité.

Après un an à Matane, un emploi plus intéressant l'a menée à Rimouski. Plus populeuse, cette ville propose une grande diversité d'activités culturelles, de commerces et de services. «J'y trouve un bon compromis entre petite et grande ville», indique Tanya. Mais surtout, Rimouski est elle aussi située près de la mer. «J'ai été élevée près du fleuve et j'ai besoin de le côtoyer. Et puis, vivre à Rimouski me rapproche de ma mère, dont je m'ennuyais. D'ici, je peux être à Lévis en trois heures.»

Ce qu'elle aime de Rimouski: Sa magnifique promenade le long du fleuve et le Parc national du Bic, un petit bijou, selon Tanya, qui a commencé à y faire du kayak de mer. La vivacité culturelle de Rimouski et ses nombreuses bonnes tables enchantent aussi la célibataire. «Spectacles d'artistes populaires, arts émergents, ligue d'improvisation, il y a de tout, apprécie-t-elle. Et comme je suis épicurienne, je suis comblée avec des restaurants comme le Bistro l'Ardoise ou encore La Réserve bistro.»

Les bémols: Avec ses routes qui longent le fleuve, les déplacements peuvent être difficiles en hiver. Il y a peu de films en anglais. «Et les hommes célibataires sont rares, déplore Tanya. À moins que je ne sache pas encore où les trouver...»

Marie-Claude, 45 ans, chimiste, et Jean-François, 43 ans, chimiste

Pour se rapprocher du travail, Ils ont choisi... BOUCHERVILLE

Leur histoire: Marie-Claude et Jean-François, qui ont grandi respectivement en Mauricie et au Saguenay, ont vécu à Montréal, jeunes adultes, puis à Sainte-Marthe-sur-le-Lac. «Nous y avons fait construire notre maison de rêve», dit Marie-Claude. Alors, quand Jean- François a décroché un emploi à Saint-Hyacinthe, ils ont préféré qu'il y loue un studio plutôt que de vendre leur propriété. Mais après trois ans à vivre chacun de leur côté la semaine, les conjoints ont voulu retrouver une vie conjugale plus normale. Ils ont donc choisi de s'installer à Boucherville pour son emplacement stratégique sur la Rive-Sud et à proximité de Montréal. «C'est là où se trouve l'emploi dans notre domaine», explique Jean-François. De plus, le couple est féru de culture, en particulier de théâtre et de spectacles d'auteur s'adressant à un public aguerri. Vingt minutes de voiture et ils ont accès à toute l'offre culturelle montréalaise. «Nous nous rattrapons depuis que nous sommes ici, car à Sainte- Marthe, nous sortions beaucoup moins», constate Marie-Claude, qui s'est intégrée à sa municipalité d'adoption en devenant membre du conseil d'administration de la Société d'horticulture et d'écologie de Boucherville, elle qui adore jouer dans ses plates-bandes.

Ce qu'ils aiment de Boucherville: Le Parc National des îles de Boucherville, où ils font de la raquette l'hiver. La beauté du Vieux- Boucherville avec son accès au fleuve, sa piste cyclable, ses maisons ancestrales, ses boutiques d'art, son quai municipal. «L'été dernier, nous avons fait la croisière vins et fromages et cet été, nous nous promettons de faire celle des feux d'artifice», se réjouit d'avance Jean-François. Autres points forts: les arbres matures, l'efficacité du service d'autobus qui conduit au métro en quelques minutes, la boulangerie L'Amour du pain, le Lulu Bistro...

Les bémols: Le trafic vers Montréal aux heures de pointe. Aussi, le bruit de fond provenant des autoroutes et des chemins de fer. «Au début, ça me dérangeait, mais je m'y suis habituée, remarque Marie-Claude. De plus, un mur antibruit sera bientôt construit.»

Simon, 36 ans, journaliste, et Irène, 40 ans, associée de recherche, parents de Romane, 5 ans, et de Marion, 2 ans

Pour les attraits de la ville, ils ont choisi... MONTRÉAL

Leur histoire: Originaires respectivement d'Ottawa et de Laval, Irène et Simon ont tous deux emménagé à Montréal à 22 ans. Irène voulait vivre en français dans une grande ville tandis que Simon rêvait d'habiter Montréal depuis son adolescence. «J'ai grandi en banlieue, mais j'aspirais à un autre mode de vie, dit-il. Ado, je passais tous mes week-ends à Montréal, attiré par la richesse de son offre culturelle et par ses petits restos.» Il a d'ailleurs effectué ses études collégiales et universitaires dans la métropole, ne retournant à Laval que pour dormir. Le couple a entre autres vécu quatre ans sur le Plateau Mont-Royal, un quartier qu'il a adoré. Comme tout était à distance de marche, une voiture aurait été superflue. «Nous ne sortions presque pas du quartier, se rappelle Simon. Ce sont les autres qui venaient nous voir!» En 2007, quand Romane est née, la famille habitait un triplex de Rosemont. Les jeunes parents ont alors voulu acquérir une propriété. «Comme nous désirions un deuxième enfant, il nous fallait un grand rez-de-chaussée, ce qui est difficile à trouver quand on est locataire», explique Simon. Mais pas question de quitter la ville pour la banlieue! Depuis 2009, ils sont propriétaires d'un triplex dans Rosemont.

Ce qu'ils aiment de Montréal: Le transport en commun et son offre culturelle, bien sûr, mais aussi sa vie de ruelle! «Entre nos deux coins de rue, il y a une trentaine d'enfants qui jouent ensemble l'été dans la ruelle, dit Simon. Nous y organisons aussi des partys de voisins. La ruelle a même sa page Facebook.» Par ailleurs, même si sa douce et lui possèdent maintenant une auto, ils sont heureux de ne pas en être dépendants. Ainsi, ils font plein de choses à pied, comme aller à la bibliothèque, reconduire les filles à l'école et à la garderie, se rendre à la boulangerie De Froment et de Sève...

Les bémols: Dans les quartiers centraux de Montréal, les maisons unifamiliales sont rares. Devenir propriétaire implique donc d'avoir des locataires, avec tous les petits désagréments que cela comporte. La famille est aussi plus à l'étroit: les filles partagent la même chambre. Enfin, le couple doit souvent garer sa voiture plus loin dans la rue. «Quand on a des paquets à transporter, ce n'est pas pratique.»

Geneviève, 41 ans, coordonnatrice en petite enfance, Marc-André, 44 ans, directeur d'un Carrefour-Jeunesse Emploi, parents d'Estelle, 7 ans, et de Béatrice, 3 ans; Josée, 44 ans, enseignante, ex-conjointe de Marc-André, et leur fils, Matéo, 13 ans

Pour la chaleur d'une petite communauté, ils ont choisi... VAL-MORIN

Leur histoire: Les trois adultes vivaient à Montréal depuis plusieurs années quand Josée a lancé l'idée de déménager dans les Laurentides. «J'ai eu un coup de foudre pour le village de Val-David lors d'un séjour de travail et j'ai voulu m'installer dans les environs.» Marc- André devait toutefois embarquer dans l'aventure lui aussi, car les ex-conjoints se partageaient la garde de Mateo, qui s'apprêtait alors à commencer l'école. Pour Marc-André et Geneviève, heureusement, ce projet tombait à point. «J'étais fatiguée du caractère impersonnel de la ville, explique celle-ci. J'avais envie de vivre, de m'engager et d'avoir des enfants dans une petite communauté.» Son homme souhaitait quant à lui se rapprocher de la nature et retrouver sa région natale. Ils ont choisi Val-Morin parce que «c'est un peu la banlieue de Val-David et les maisons y sont plus abordables», explique Josée, dont la propriété est à quelques minutes de voiture de celle des deux autres. Son emplacement à côté de l'autoroute 15, à 50 minutes de Montréal et à mi-distance de Saint-Jérôme et de Mont- Tremblant, a aussi fait pencher la balance. «Ça augmente les possibilités d'emploi», constate Marc-André, qui travaille maintenant à Mont-Tremblant. Peu après le déménagement, Geneviève a réalisé ses souhaits: elle est tombée enceinte et elle est devenue bénévole pour deux organismes familiaux. «Le bénévolat m'a permis de m'intégrer et de me constituer un réseau.»

Ce qu'ils aiment de Val-Morin: «Le sentiment d'appartenance à la communauté est fort, dit Geneviève. Il y a des chevreuils dans notre cour et pas de trafic dans les rues. L'hiver, je chausse mes raquettes et je me balade dans la forêt derrière la maison. L'été, je me sens toujours en vacances, car après le boulot, nous allons faire une trempette au lac.» De son côté, Josée dresse une longue liste des points forts de sa région d'adoption: la vie communautaire et culturelle, les artistes, l'entraide, les beaux paysages, le café bistro Le Mouton Noir à Val-David...

Les bémols: Rudesse des hivers, choix limité d'activités pour les enfants et d'emplois possibles, éloignement des médecins spécialistes, nécessité d'avoir deux voitures, moins de variété alimentaire (ex.: pas de resto vietnamien). Sans compter que la perte de l'anonymat a son revers: «Impossible d'aller à l'épicerie sans me faire interpeller sur des dossiers professionnels », signale Geneviève.

 

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